De la problematique du controle et de la répression de la circulation illicite des armes légères et de petit calibre: impact sur la promotion de la sécurité collective en Afrique des grands lacs( Télécharger le fichier original )par John KAZEMBE Université de Goma - Licence 2008 |
§3. Les insuffisances dans le protocole de NairobiLe protocole de Nairobi, adopté le 21 avril 2004 en vue de prévenir, contrôler et réduire les ALPC dans la région des Grands Lacs et la Corne de l'Afrique et auquel ont adhéré certains Etats70(*) de la CEEAC, a le mérite d'être un instrument juridiquement contraignant. Le protocole a cependant une grande insuffisance : les données sur le marquage et l'enregistrement ainsi que le mécanisme de traçage que prévoit l'instrument de l'ONU sur la traçabilité des ALPC71(*) y sont très peu développés, d'autant que le marquage se fait en amont, donc chez les producteurs. Cependant, le marquage par les industries sous-régionales devrait être effectué, l'instrument étant contraignant. SECTION III : LES POLITIQUES AMBIGUËS DE L'UNION EUROPEENNE ET DES ETATS-UNIS SUR LES ARMES LEGERES.Les pays de l'Union Européenne et les Etats-Unis, principaux fournisseurs d'armes à l'Afrique, ont mis en place des instruments et mécanismes72(*) pour lutter contre la circulation et le trafic illicites des ALPC. Ces instruments et mécanismes comportent malheureusement des failles et des faiblesses qu'il convient de relever. §1. Les failles du code de conduite de l'Union EuropéenneLe code comporte de nombreuses failles, la plus importante étant la liberté laissée à l'Etat membre de prendre la décision d'exporter ou non les armes. Une autre faille, c'est que le code est un instrument juridiquement non contraignant. L'Etat est donc libre de sa décision et aucune sanction pratique n'est prévue en cas de non respect du code de bonne conduite. Le traité apparaît comme une simple déclaration de principe et n'offre aucune garantie légale face à des activités informelles ou illégales menées plus ou moins directement par des Etats. Profitant de ces failles et autres flous législatifs, ces Etats ont toujours la possibilité de s'adonner officieusement à des trafics d'armes, voire même de s'impliquer plus ou moins directement dans le trafic illicite d'armes en évitant tous les embargos. Ce manque de rigueur du code de conduite européen explique le comportement de certains Etats qui continuent à vendre des armes à de nombreux pays frappés par le double embargo des Nations Unies et de l'Union Européenne. Il en est ainsi, par exemple, de la France qui a continué à livrer des armes73(*) au Soudan, et au Myanmar (ex-Birmanie) en violation manifeste des embargos74(*) imposés par l'Union Européenne, comme l'indiquent les tableaux ci-dessous : TABLEAU 7 : Exportations françaises d'armes vers le Myanmar
Source : Amnesty international, Oxfam, Réseau d'Action international sur les Armes Légères, "les pays exportateurs d'armes du G8 et les transferts d'armes irresponsables", Document Public, 2008. TABLEAU 8 : Exportations françaises d'armes vers le Soudan
Source : Amnesty international, Oxfam, RAIAL :"les pays exportateurs d'armes du G8 et les transferts d'armes irresponsables", Document Public, 2008 Par ailleurs, d'après Benjamin Valverde75(*), la France a soutenu le régime d'Habyarimana contre l'offensive du Front Patriotique Rwandais de Paul Kagamé, de 1988 à 1994, notamment en envoyant officiellement un million d'euros d'armes en 1991, trois millions en 1992 et plus d'un million d'euros en 1993. La France n'est pas le seul pays de l'Union Européenne à violer le code de conduite et à faire contourner l'embargo. D'autres pays peuvent être indexés. Par exemple, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni. En 2003, l'Allemagne a autorisé des exportations d'armes légères vers de nombreux pays sans véritablement respecter le code de conduite et violant son propre système qui comporte une faille béante. En effet, bien que l'Allemagne ait, en théorie, une politique restrictive en matière d'exportation d'armements, les pièces fabriquées sur son territoire sont parfois intégrées dans des équipements militaires qui pourraient facilement être utilisés pour contribuer à un conflit ou alimenter la violence. Selon le rapport du Berlin Information Center for Transatlantic Security et Oxfam Allemagne de mars 2005, le gouvernement allemand applique deux poids deux mesures. Ce rapport indique qu'il est plus facile d'obtenir une licence d'exportation pour des composants que pour des armes complètes. Cette situation est due avant tout à l'incohérence du système allemand d'autorisation des exportations d'armements qui repose sur un double axe juridique : la Loi relative au contrôle des armes de guerre, qui est restrictive, et la Loi relative au commerce extérieur et aux paiements, qui facilite les exportations d'armes. Entre1996 et 2003, l'Italie a figuré au dixième rang des plus gros exportateurs76(*) d'armes. Elle a transféré, ces dernières années, des armes légères vers un certain nombre de pays77(*) qui sont le théâtre de violents conflits ou de violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Ces transferts internationaux violent à la fois le code de conduite européen et la Loi italienne 185/90, qui interdit les exportations à destination de pays dont le gouvernement est responsable de violations flagrantes et avérées des droits de l'homme, ou de pays qui sont en proie à un conflit et soumis à un embargo sur les armes, ou qui reçoivent de l'Italie une aide au développement et dont les dépenses militaires excèdent les besoins en matière de défense. Le Royaume-Uni a aussi violé le code de bonne conduite en vendant des armes à des pays78(*) où les forces armées et la police commettent des violations des droits humains de manière persistante. Le Royaume-Uni dispose pourtant d'un des meilleurs systèmes de contrôle d'exportation d'armes, mais figure toujours parmi les cinq premiers gros exportateurs à l'échelle mondiale. Il faut relever que l'un des principaux problèmes qui affectent le système britannique de contrôle des exportations d'armes réside dans le fait que le gouvernement du Royaume-Uni recourt de manière croissante et tout le temps aux licences ouvertes79(*), notamment en ce qui concerne le transfert de technologies militaires, et encourage les entreprises exportatrices à les utiliser chaque fois qu'elles le peuvent. Les licences ouvertes permettent aux entreprises de faire plusieurs livraisons vers des destinations précises. Lorsqu'une telle licence est accordée, aucune autre autorisation préalable ou vérification n'est nécessaire avant la livraison des biens. Cette grande ouverture, laissée par le système britannique, explique donc les exportations anarchiques du Royaume-Uni vers de nombreux pays notamment ceux de l'Afrique Centrale. Au total, il y a lieu de dire que le code de conduite de l'Union Européenne cherche davantage à protéger les intérêts économiques et stratégiques des Etats membres en consolidant un système qui assure la libre exportation des armes. Ce code n'inquiète pas du tout les trafiquants d'armes ; il s'apparente beaucoup plus à une simple déclaration politique non juridiquement contraignante. * 70 Notamment la RDC. * 71 Voir IV, Section I, chapitre 4, p. 63, supra. * 72 Voir I et II, Section III, chapitre 4, pp. 65et 67, supra. * 73 Bombes, grenades, munitions, mines et autres. * 74 L'union Européenne a décrété l'embargo contre le Soudan le 16 Mars 1994et contre le Myanmar en 1996. * 75 Benjamin Valverde Op. Cit. P. 14. * 76 En 2001, les exportations d'armes légères italiennes ont représenté une valeur de 298,7 millions de dollars américains selon l'Annuaire sur les armes légères 2004 : droits en péril, projet de l'Institut universitaire des hautes études internationales, Genève. * 77 Algérie, Colombie, Erythrée, Inde, Indonésie, Israël, Kazakhstan, Nigeria, Pakistan et Sierra Léone. * 78 Notamment l'Algérie, l'Arabie Saoudite, le Maroc, le Pakistan, la Syrie et la Turquie. * 79 Il y a des licences d'exportations individuelles ouvertes (Open Individual Export Licences) et des licences d'exportation générales ouvertes (Open General Export Licences). |
|