Avant la politique de décentralisation, le
développement était géré par le gouvernement
central qui décidait des besoins des populations ; tous les auteurs
reconnaissent cela. Ainsi selon Marcel Coffi h. Djihoun (2007), la
conséquence d'une telle gestion a été :
- une mauvaise planification des actions de développement
;
- la non-implication des populations dans la prise de
décisions et la gestion ;
- des investissements ne répondant pas aux besoins des
populations.
L'un des objectifs premiers de la décentralisation est
de favoriser la participation de toute la population locale. Elle offre ainsi
plus de responsabilité au citoyen d'influencer la vie collective ; par
exemple en votant les conseillers municipaux pour le représenter, en se
faisant élire et en militant dans un parti politique(Idem). La
conviction est de plus en plus partagée qu'il ne peut y avoir donc de
développement sans une adhésion des populations et sans une
référence à leurs assises culturelles. La participation
est reconnue comme indispensable pour engager et soutenir le processus de
développement. L'action au niveau du quartier, du village, du terroir
est plus prometteuse de résultats que la réalisation
d'infrastructures ou le soutien de sociétés régionales de
développement (D. Gentil et B. Husson, 1996, p2).
L'instauration d'un échelon local de représentation
constitue de ce point de vue une possibilité pour mieux prendre en
compte les aspirations des habitants. Mais pour Karim Dahou (2003), la
décentralisation ne saurait se réduire à un transfert de
prérogatives du pouvoir centrale aux autorités locales. Pour
qu'elle
atteigne son véritable objectif, qui est de tirer le
meilleur parti possible des ressources locales, il pense tout comme les autres
qu'elle doit encore permettre aux populations de participer pleinement à
la valorisation de leur environnement. Au-delà de sa dimension
institutionnelle, la décentralisation devrait ainsi viser les
sphères privées et s'appuyer sur tous les acteurs qui font preuve
d'un réel dynamisme.
La décentralisation politique de l'avis de
Pamphile S(2000), c'est la mise en place d'organes
délibérants au niveau communal. Les conseillers élus
constituent le conseil municipal qui dispose sous la direction d'un maire
élu par ses pairs, d'une autonomie politique et juridique dans la
gestion des affaires locales. Toutefois le haut-commissaire de la province
assure la tutelle de l'État sur le conseil communal. Ceci par
conséquent, apparait en Afrique comme une avancée significative ;
car elle est perçue comme un choix favorable au processus de
démocratisation et comme un encouragement aux dynamiques de
développement local. La réforme de décentralisation et
plus particulièrement la création des communes sur l'ensemble du
territoire, permet à la commune d'être le fruit d'une
démocratisation de l'administration qui confère à chaque
citoyen dans sa localité une part de responsabilité et de
liberté dans la gestion des affaires de sa localité
(PAVD/Mali, 2004). La création des communes renforce ainsi le
processus de démocratisation en créant les conditions et les
modalités d'une participation directe des citoyens au processus de prise
de décisions locales. Ils redeviennent les acteurs de leur destin et les
vrais partenaires d'un Etat qui ne peut plus exister en dehors d'eux. La
décentralisation entraîne ainsi un mouvement de renaissance des
hommes et des femmes là où ils vivent et la revalorisation de
leur savoir-faire et de leur culture. Elle permet également à la
commune d'être un espace de développement : Les citoyens de la
commune partagent dorénavant avec l'Etat des responsabilités du
développement de leur commune. Ils en deviennent le principal moteur en
participant au processus de prise de décision en matière de
programmation du développement, de gestion des ressources et de
l'environnement. Les politiques de développement ne partiront plus
exclusivement d'en haut pour redescendre vers le bas. Elles seront d'abord et
avant tout conçues à la base. C'est ainsi que les communes
bénéficieront d'un patrimoine et des ressources propres et seront
en charge de la gestion de ce patrimoine et de ces ressources aux fins de
générer un développement économique et social de la
collectivité (PAVD/Mali, 2004). La conduite du processus de
décentralisation demeure donc éminemment
politique car il s'agit de «partager le pouvoir«. Ce partage du
pouvoir de décision ne doit pas être perçu comme un danger
potentiel qui affaiblirait ou remettrait en cause le pouvoir d'Etat. Il y a
à ce niveau d'énormes progrès à faire,
nécessitant moins de suspicion et beaucoup d'information- formation.
(Marc Totte, et al, 2003).
La décentralisation est également un puissant
facteur d'intégration entre les multiples régions et ethnies. En
accordant aux futures collectivités une autonomie de gestion et en leur
transférant un certain nombre de compétences précises,
l'Etat reconnait l'égalité du droit pour chaque
collectivité au développement et le maintien des
originalités locales. (Idem).
En effet, un enjeu politique majeur de la
décentralisation est la restauration de la crédibilité de
l'Etat ; le rejet de l'institution étatique par le corps social est
largement imputable à l'incapacité de l'Etat à satisfaire
les besoins essentiels des citoyens au niveau local. Il s'agit donc de
concevoir un nouveau type d'Etat qui reconnaisse un rôle et une place aux
initiatives individuelles et de groupes à travers l'émergence
d'un système administratif et de représentation locale
transparent, consensuel mais autonome dans ses décisions, et sachant
négocier avec l'Etat d'une part, et les organisations communautaires
d'autre part (PAVD/Mali, 2004). Cette vision permet
de recentrer les interventions directes de l'Etat sur les missions de
souveraineté à l'issue d'un transfert équilibré de
compétences qui responsabilise les collectivités
territoriales.
Par ailleurs, la décentralisation est soutenue par
l'ensemble des acteurs de coopération. Les institutions multi ou
bilatérales lui portent une attention soutenue en terme de recomposition
des différents niveaux de pouvoir et de spécification de leur
compétences respectives ; les agences privées qui se sont
données pour mandat l'action au niveau local, l'appuient
également en ce qu'elle concoure à une meilleure prise en compte
des aspirations des populations. Deux raisons essentielles expliquent cet
intérêt : - Tout d'abord les résultats des politiques
menées par les Etats depuis trente ans sont globalement décevants
; elle a conduit à l'hypertrophie des secteurs contrôlés
par la puissance publique et non à une amélioration
généralisée des conditions de vie de la majorité de
la population. - Ensuite, Il ne s'agit plus d'organiser l'Etat pour qu'il
assure un rôle de pilote du développement mais rechercher des
voies qui permettent de libérer les forces initiatives que portent
toutes les sociétés qui se pensent dans
l'avenir (D. Gentil et B. Husson, 1996). La
décentralisation devient ainsi un thème majeur du discours sur le
développement par contrainte en raison de la défaillance des
Etats, mais aussi par nécessité parce qu'elle est un moyen de
l'expression des groupes de population et de pérennisation des actions
engagées.
Au final, trois grandes familles de motivation ont permis aux
Etats africains de mettre en oeuvre des politiques de décentralisation.
Il s'agit de :
- la décentralisation comme modalité pour
favoriser la mobilisation des
populations en vue d'un développement à la base
durable ;
- la décentralisation comme moyen d'approfondissement et
d'enracinement de
la démocratie au niveau local ;
- la décentralisation comme entreprise de restructuration
de l'Etat et de
légitimation des institutions.