Ebanda tono (les peaux tachetées): utilisations et représentations de la faune sauvage (Gabon)( Télécharger le fichier original )par Florence Mazzocchetti Université de Lettres et sciences humaines, Orléans - Master2 2005 |
I.4.3) Les Parcs NationauxEn 2002, le président Bongo créé 13 nouveaux parcs nationaux dans son pays, sous l'impulsion des américains Mike Fay (un éco-aventurier) et Lee White (du WCS). En même temps, Mr Bongo installe le Conseil National des Parcs Nationaux (CNPN) chargé de créer l'administration ad hoc et d'instaurer un écotourisme suffisamment important pour les financer. Cet objectif est loin d'être évident, car leur surveillance et l'inventaire de leur richesse coûtera au moins 15 millions de dollars par an. Aussi, le gouvernement gabonais est aidé par des pays comme les Etats-Unis et la France, par l'Union Européenne à travers différents programmes dont ECOFAC, ainsi que par des ONG dont les principales sont le WWF et le WCS (Lewino, 2005). Figure 4 : Réseaux des parcs du Gabon (source : WCS)
I.5 Cadre législatif et institutionnel La politique environnementale actuelle du Gabon est préventive et entre dans les prérogatives internationales d'une recherche d'équilibre entre le développement durable et le souci majeur de protéger ou préserver la Terre pour les générations futures. Pendant longtemps, comme dans beaucoup de pays, le Gabon n'accordait aucune importance particulière aux problèmes environnementaux. La prise de conscience a été progressive et débuta après la conférence de Stockholm en Suède en 1972, qui est la première manifestation mondiale relative à la protection de l'environnement. La mise en place du cadre institutionnel commence la même année avec la création de la direction de l'Environnement. D'autres mesures vont suivre tel que la mise en place du Code de l'Environnement (loi 16/93) et la loi 1/82 d'orientation en matière des Eaux et Forêts (République Gabonaise, 1998). La législation régissant la faune sauvage et, par extension, la chasse et le commerce de viande de brousse, est issue de la loi d'orientation en matière des Eaux et Forêts. En 2001, se sont ajoutés des décrets et des arrêtés réglementant plus précisément la détention et la commercialisation des espèces sauvages9(*). Je ne vais exposer ici que ce qui concerne la réglementation sur la chasse et la capture d'animaux sauvages. D'après l'article de la loi d'orientation en matière des Eaux et Forêts, « l'exercice de la chasse doit avoir pour objectif final l'exploitation rationnelle de la faune sauvage et la protection de la nature ». La loi autorise la chasse coutumière, définie par l'abattage d'animaux non protégés effectué avec des armes de fabrication locale. En dehors du droit coutumier, la chasse n'est autorisée que pour les titulaires d'un permis ou d'une licence de chasse délivrée par l'administration des Eaux et Forêts. La législation interdit les méthodes de chasse suivantes : - La poursuite, l'approche ou le tir du gibier en véhicule automobile, bateau à moteur ou aéronef ; - La chasse de nuit avec ou sans engins éclairants ; - Les battues au moyen de feu, de filet et de fosse ; - La chasse ou la capture au moyen de drogues, d'appâts empoisonnés, de fusils fixes ou d'explosifs. La période de fermeture de la chasse s'étend du 15 septembre au 15 mars. Toutefois, la chasse coutumière peut s'exercer tout au long de l'année. Certaines espèces vivant sur le territoire gabonais sont protégées. Deux niveaux de protection sont en vigueur : - les espèces intégralement protégées : leur capture, leur détention, leur commerce et leur transport sont interdits sauf dérogation accordée par le ministre des Eaux et Forêts aux personnes titulaires d'un permis scientifique de chasse, ou de capture. - les espèces partiellement protégées, leur chasse, leur capture, leur détention leur commerce et leur circulation fait l'objet d'une réglementation spéciale. La liste des espèces partiellement protégées figure en annexe II. Leur abattage est soumis à des quotas annuels. La chasse, la capture, la détention, le commerce, et le transport des espèces non protégées sont autorisés mais réglementés. Ainsi, la loi prévoit qu'il ne peut être abattu le même jour, par le même chasseur, plus de 2 animaux de la même espèce ni plus de 4 animaux d'espèces différentes. Seuls les mâles adultes peuvent être abattus, la loi sanctionne l'abattage des femelles gestantes ou suitées. Cependant, la mauvaise collaboration entre le ministère des Eaux et Forêts et celui de l'Intérieur fait que les dispositions de ces lois ne sont pas respectées. Cette situation rend impossible toute maîtrise de la gestion de la chasse, la protection et la conservation de la faune et la lutte anti-braconnage. De même, elle rend difficile la maîtrise de la gestion et du contrôle de la circulation des armes (Okouyi, 2001). II) Généralités sur la région de Makokou II.1 Localisation, hydrologie et climat La région de Makokou se situe dans la Province de l'Ogooué-Ivindo, dans le Nord-Est du Gabon, légèrement au nord de l'Equateur, à environ 500 m d'altitude, sur un vieux socle cristallin constitué de plateaux bosselés de nombreuses collines recouvertes d'une forêt dense humide sempervirente. Le fleuve Ivindo, affluent de l'Ogooué, est à ce niveau très large mais coupé de rapides (rapide de Loa-Loa) et de chutes importantes (chutes de Kongou et de Mingouli) qui rendent la navigation et le flottage du bois impossibles. En conséquence, la région de Makokou, sans Okoumé (Aukoumea klaineana) en amont de Kongou, est restée exempte d'exploitations forestières commerciales jusqu'en 1998. Le climat de Makokou, suivant un régime climatique austral, est de type équatorial pur. Il se caractérise par une pluviosité moyenne annuelle assez faible (1 700 mm), par des températures plus clémentes (température moyenne annuelle de 24°C) et une insolation plus faible que dans le Nord-Ouest du Gabon, et par 4 saisons bien marquées avec deux saisons des pluies et deux saisons sèches. L'humidité relative en moyenne plus élevées en saisons sèches qu'en saisons des pluies, et l'existence d'une forte nébulosité en saisons sèches, explique le maintien d'une forêt tropicale humide malgré la faiblesse des précipitations. II.2 Population D'après le recensement de 1993, c'est la province où la densité est la plus faible avec une moyenne de 1,1 habitant au km². L'Ogooué-Ivindo comptait, en 1993, 49 000 habitants et la commune de Makokou 10 000 habitants10(*). Plusieurs ethnies sont présentes à Makokou. Comme dans le reste du pays l'ethnie majoritaire est celle des Fang, suivie par les Ikota et les Kwélé. Il existe d'autres ethnies minoritaires comme les Mahongwé, les Samaye, les Sakés, les pygmées etc. et des allochtones principalement Ouest-Africains. Les ethnies majoritaires se regroupent par quartiers et sont, à l'origine, spécialisées dans un domaine : les Fang sont des agriculteurs et des commerçants, les Kota sont des forestiers ayant de bonnes aptitudes à la chasse et les Kwélé sont réputés pour être les meilleurs pêcheurs. II.3 Diversité biologique et conservation II.3.1) Flore et Faune La région de Makokou est largement recouverte par la forêt, principalement de la forêt primaire et inondable. Plus de 1200 espèces végétales y ont été répertoriées mais il faut noter l'absence d'essences comme l'Okoumé. La faune est également très riche. Les chercheurs ayant travaillé dans la réserve d'Ipassa ont recensé 128 espèces de mammifères (dont les espèces emblématiques que sont l'éléphant, le gorille, le chimpanzé), 424 espèces d'oiseaux, 65 reptiles et 47 amphibiens (Okouyi, 2001). II.3.2) Le Parc national de l'Ivindo, la Réserve intégrale d'Ipassa et la station de recherche Au sud de Makokou se trouve le parc national de l'Ivindo, créé avec les 12 autres parcs en 2002. Ce parc inclut la réserve intégrale d'Ipassa, créée en 1971 et appartenant au réseaux des réserves MAB (Man and Biosphère) de l'Unesco. C'est là que se trouve la station de recherche de l'IRET (Institut de Recherche en Ecologie Tropicale, rattachée au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). Les activités de recherche y ont été pratiquement absentes pendant plusieurs années par manque de fond. La station a servi de base logistique pour des ONG environnementales (WWF, ECOFAC) et depuis 1998, les activités de recherche ont repris. Un projet de réhabilitation de la station financé par l'Union Européenne a été entrepris en 2002 et doit se poursuivre jusqu'en 2005 (Payne, 2005). Figure 5 : Parc de l'Ivindo, réserve d'Ipassa, station de recherche IRET (Source : FIGET)
II.4 Activités économiques Au cours des 20 dernières années, malgré la raréfaction croissante des retombées formelles et informelles de la rente pétrolière, la Province de l'Ogooué-Ivindo ne s'est que légèrement désenclavée, et plus particulièrement en raison de l'avancée progressive de l'exploitation forestière vers l'Est du Gabon. A part l'exploitation forestière, peu d'industries sont présentes. Bientôt devrait commencer l'exploitation du fer dans le mont Bélinga. L'environnement est donc exploité à des fins commerciales et de subsistance. Les cultures vivrières (manioc, bananes plantains, piment, arachide, ananas...), la chasse et la pêche sont pratiquées par la plupart des Ogivins (habitants de la province), au moins de façon occasionnelle, pour subvenir aux besoins de la famille (Lahm, 1993). En effet, l'ancrage culturel de la consommation de viande de brousse et du poisson ainsi que le prix élevé des autres viandes (le boeuf se vend 3500 FCFA/kg et la cuisse de poulet, 1300 FCFA), rendent les Gabonais, et plus particulièrement les villageois, dépendants de la chasse et de la pêche pour leur besoin en protéine. La chasse se pratique à l'aide de fusils et de pièges à câble, quant à la pêche, elle se pratique de façon artisanale, en pirogue. L'agriculture est essentiellement basée sur une exploitation vivrière, utilisant la culture sur brûlis. Le taux de chômage est l'un des plus élevés du pays (qui est en moyenne de 20%). Toutefois, depuis 2001, l'exploitation commerciale des forêts du Nord-Est Gabon hors Okoumés s'accroissant de plus en plus fortement, les nouvelles activités qui en découlent directement et indirectement contribuent à maintenir localement un plus grand nombre de jeunes actifs. Nous pouvons tout de même nous alarmer sur le fait que les seuls principaux débouchés pour les jeunes soient l'exploitation (souvent abusive) des ressources naturelles à travers la chasse, la pêche et les exploitations forestières. Nous l'avons dit et répété, les forêts du Gabon, sont peuplées d'une diversité biologique extraordinaire, autant végétale qu'animale. Aussi, à l'instar des autres pays du bassin du Congo (Cameroun, Guinée Equatoriale, Congo, République Démocratique du Congo et République Centrafricaine), le Gabon est signataire de la convention sur la biodiversité. La particularité et la stabilité sociopolitique du pays, en fait un site privilégié pour les programmes de conservation de la biodiversité des forêts tropicales et équatoriales. C'est pourquoi, la capitale Libreville, abrite les principaux sièges d'un grand nombre d'associations et d'organismes nationaux et internationaux (WWF, WCS, UICN, ECOFAC ...) oeuvrant dans le domaine de la protection de l'environnement. Mais, le principal défit de ces organismes est de lier la conservation avec le développement durable et la participation des populations locales qui, comme nous venons de l'expliquer, sont fortement dépendantes des ressources naturelles de la forêt que cela soit d'un point de vu alimentaire, économique ou socioculturel. Il est donc indispensable de bien connaître leurs besoins, leurs modes de vie et leurs croyances qui les lient à leur milieu naturel afin de trouver les meilleures solutions possibles pour relever ce défit. Chapitre 2 : Les Cadres généraux de la vie Bakota Les données qui suivent sont extraites des publications de Louis Perrois (1968 et 1970) et remise à jour grâce aux données que j'ai recueillies sur le terrain lors de mon stage. * 9 De plus amples explications sont présentées dans la thèse de Payne Ariane (2005) * 10 D'après le recensement de 2003, qui n'est pas encore publié et que j'ai recueilli à la mairie de Makokou, la population de la ville dépasserait aujourd'hui les 15 000 habitants. |
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