La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Apollin KOAGNE ZOUAPET Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010 |
2- Les requérants ordinairesContrairement au traité européen qui n'y fait pas expressément référence, la règle de l'intérêt étant de création jurisprudentielle68(*), la Convention CJC stipule clairement à son article 24 l'exigence pour les particuliers, personnes physiques et morales, d'un intérêt pour agir. En effet, n'importe quel requérant ne peut agir contre n'importe quel acte. Il lui faut être atteint. Pour le particulier, attaquer c'est d'abord se défendre, avoir un motif propre de protester et réclamer69(*). Si cet intérêt est établi, le requérant pourra non seulement déposer un recours mais aussi le déployer pleinement sans que la nature de cet intérêt conditionne la catégorie des moyens susceptibles d'être présentés. Pour le professeur René Chapus, l'exigence d'un intérêt se situe au tout premier rang des conditions de recevabilité ; l'intérêt justifie l'exercice du recours. C'est de sa lésion que le requérant tire le titre juridique qui l'habilite à saisir le juge70(*). Le juge communautaire CEMAC n'hésite pas à vérifier cet intérêt indépendamment de la qualité : « Que les recours peuvent être formés devant la Chambre judiciaire, « par les dirigeants sanctionnés » des établissements de crédit assujettis à la COBAC, contre une décision de cet organisme et dans les deux mois suivant la notification de la dite décision, au sens de l'article 18 de l'annexe 2 à la convention portant création de la commission bancaire de l'Afrique Centrale. Que privé de l'emploi qu'il occupait à l'Amity Bank consécutivement à la sanction de démission d'office, Tasha Loweh Lawrence a tout intérêt à attaquer la décision portant ladite sanction »71(*). Selon les termes de l'article 24 de la convention CJC, l'intérêt allégué doit être certain et légitime. Il en résulte que le recours est irrecevable s'il est exercé pour la sauvegarde d'une situation irrégulière ou immorale. Ainsi que dans le cas où l'auteur du recours a lui-même délibérément créé la situation irrégulière ou immorale qui a provoqué la décision qu'il conteste. De même le requérant ne peut invoquer un intérêt futur et hypothétique. Cet intérêt est également requis pour l'obtention de mesures provisoires. Selon le professeur Rostane Mehdi, l'admissibilité d'une demande tendant à l'octroi de mesures provisoires pourra être écartée lorsque le recours principal apparaît comme manifestement irrecevable faute pour le requérant d'avoir établi son intérêt et sa qualité pour agir72(*). L'appréciation de l'intérêt du requérant à l'obtention des mesures provisoires demandées revêt aux yeux du juge communautaire européen, une importance singulière dans le cadre d'une procédure en référé. Il considère invariablement que « des mesures provisoires qui ne seraient pas aptes à éviter le préjudice grave et irréparable dont fait état le requérant ne sauraient a fortiori être nécessaires à cet effet. En l'absence d'intérêt du requérant à l'obtention de mesures provisoires sollicitées, ces dernières ne sauraient donc satisfaire au critère de l'urgence »73(*). L'on doit cependant relever pour s'interroger les dispositions de l'article 27 de la Convention CJC qui dispose : « Si, à la requête du Président de la Commission, de toute Institution Organe ou Institution spécialisée de la CEMAC ou de toute personne physique ou morale, la Cour constate que dans un Etat membre, l'inobservation des règles du recours préjudiciel donne lieu à des interprétations erronées du Traité de la CEMAC ou des conventions subséquentes, des statuts des Institutions, Organes et Institutions spécialisées de la Communauté ou d'autres textes pertinents, elle rend un arrêt donnant les interprétations exactes. Ces interprétations s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles de l'Etat concerné ». Cet article en n'exigeant pas un intérêt pour agir des personnes physiques ou morales, ouvrirait-il dans ce cadre particulier une actio popularis ? L'individu, citoyen communautaire, se verrait-il érigé dans cette procédure particulière en « gardien de la légalité communautaire » ? En attendant une réponse que ne manqueront d'apporter le règlement de procédure de la Cour et la Cour elle-même, il s'agirait d'une véritable révolution dans un ordre juridique où les requérants non institutionnels n'ont pas le droit d'intervenir dans les « litiges constitutionnels ». * 68 Isaac Op. Cit. p.255. * 69 Pacteau Op. Cit. pp.174-175. * 70 R. Chapus Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 8ème édition, 1999, p.408. * 71 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 003/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16/05/2002, aff. COBAC c/ Tasha L. Lawrence. * 72 R. Mehdi « Le juge communautaire et l'urgence », H. Ruiz Fabri (dir.) Le contentieux de l'urgence et l'urgence dans le contentieux devant les juridictions internationales : regards croisés, Paris, Pedone, collection contentieux international, 2001, p.71. * 73 CJCE (Ord. Présidentielle), 30 avril 1997, Morcia Irme c/ Commission, C-89/97. |
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