b) Proposition d'un cadre de réponses pour un
public spécifique de jeunes dits « réfractaires »
à l'institution scolaire
Selon Gérard Marandon : la première condition,
souvent négligée, consiste à identifier la situation de
décalage psychoculturel des jeunes, non inscrits, dans la culture
standard des couches aisées et moyennes de la population.
Pour effectuer cette identification, il faut satisfaire deux
conditions au préalable :
- la première : être convaincu qu'en
matière de formation initiale (mais également à
l'âge adulte), une situation de décalage psychoculturel constitue
un élément majeur de la situation de départ et donc
être attentif aux indices qui en témoignent. Nous devons
préciser : la situation de décalage et non le fait d'être
issu de telle ou telle culture, dont les référents
constitueraient des obstacles majeurs à tout progrès ou
changement ultérieur.
- La seconde : il faut également admettre que la
France est constitutivement pluriculturelle et qu'il existe une
pluriculturalité non ethnique (qu'on pense aux oppositions rural/urbain,
plaine/montagne, centre urbain/banlieue, etc. bien entendu aux cultures
sociales), ce qui entraîne une diversité des attitudes, attentes
et pratiques éducatives, des modalités cognitives (registres
cognitifs culturels) et de communication (rapport au langage souligné
à la fois par Basil Bernstein13 et William Labov14
dans leurs études sur les apprentissages linguistiques et scolaires)
En particulier, il faut se dire que le décalage
psychoculturel est d'autant plus opérant qu'il n'a pas été
repéré, y compris par le sujet lui-même, et qu'il est
d'autant moins repéré et qu'il est masqué par le vernis
culturel standard des sujets.
Une fois que l'on a identifié le décalage
psychoculturel, il y a une deuxième condition pour faire évoluer
la situation d'enseignement/apprentissage favorablement : il convient de
répertorier et de décrire de façon différentielle,
à la manière de l'étude contrastive des langues, les
similitudes et les différences culturelles, afin de caractériser
quels types de transfert (cognitif, attitudinels et représentationnels)
seront mis en oeuvre pendant tout le procès d'interculturation.
13 BERSTEIN, Basil, Langage et classes
sociales, éd. de Minuit, Paris, 1975
14 LABOV, William, Sociolinguistique,
éd. de Minuit, Paris, 1976
On peut ainsi anticiper sur les problèmes
d'interférences (transfert négatif) et aider le jeune sujet, en
le guidant et lui permettre de s'en dégager en travaillant sur ses
erreurs et ses représentations et en hiérarchisant les objectifs
d'apprentissage.
Concernant ce repérage, il importe d'insister sur le
fait que la tradition éducative française n'incite nullement les
praticiens à s'en préoccuper. Cette tradition repose, en effet,
sur un projet éducatif culturellement homogénéisant -
particulièrement actif depuis les Lumières et les
révolutionnaires - qui a fini par convaincre chacun que l'expression
« culture française » vaut pour tous les citoyens et par
empêcher de repérer, pour ce qu'elles sont, les difficultés
rencontrées, dès l'entrée à l'école, par de
nombreux enfants, dont on néglige les ruptures psychoculturelles
auxquels ils sont soumis.
Ensuite, Gérard Marandon préconise un travail
que nous qualifierons ici de « guidage » de l'apprentissage en
procédant par étapes, confortant la personnalité des
jeunes « de type réfractaire » ainsi identifiés.
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