I L'ILLETTRISME : CONCEPTS, DEFINITIONS, CONTROVERSES ET
PERSPECTIVES
Résumé de la première partie
Si nous voulions résumer ce que les experts
convoqués précédemment nous ont donné à
réfléchir, nous retiendrons que l'illettrisme, selon Bentolila,
est le symptôme d'une ghettoïsation sociale et culturelle qui met
les individus en insécurité linguistique. Les raisons de ce
phénomène peuvent s'expliquer par trois facteurs fondamentaux qui
sont les médiations familiale, scolaire et télévisuelle.
Ces médiations, séparément ou combinées entre
elles, n'ont pas bien joué leur rôle et les individus sont devenus
incapables de savoir communiquer hors de leur cercle d'intimes dans lequel ils
avaient pris des habitudes linguistiques fondées sur le non-dit. Alors
que l'écrit est, par essence, à l'opposé de toute
communication immédiate de connivence.
En examinant les propos de M. Besse, notre attention s'est
focalisée sur le fait qu'il ne faut considérer l'illettrisme que
dans sa version plurielle : c'est à dire qu'il serait plus judicieux de
parler d'illettrismes. D'autre part, ces illettrismes ne sauraient s'expliquer
que par trois grandes catégories de causes considérées
séparément ou combinées : des causes liées aux
difficultés personnelles de l'illettré (problèmes relevant
de la médecine ou de la psychologie), des causes liées aux
difficultés scolaires (méthodes, programmes, organisation et
insuffisante formation et qualification des maîtres), des causes
liées au rôle peu stimulant de certains environnements sociaux
(milieux peu porteurs vis à vis de l'écrit) et des causes
liées à une attirance préférentielle pour l'image,
le film et la communication orale.
Enfin, M. Lahire nous rappelle les dangers de la
stigmatisation sociale des discours tenus sur l'illettrisme. Il nous rappelle
qu'avec la meilleure volonté et les bonnes intentions, nos discours sur
l'illettrisme sont dangereux et construisent des paradoxes inacceptables,
éthiquement inacceptables et contre-productifs. Il est nécessaire
de poser raisonnablement des distances vis à vis de certaines «
certitudes » concernant la lecture du monde et de la réalité
sociale : « regarder la réalité sociale à travers
d'autres lunettes, tout en explicitant ce qui distingue le discours
scientifique de tous les autres discours »4
4 op. cité, p. 321, L'invention de
l'illettrisme, Rhétorique publique, éthique et stigmates,
LAHIRE, Bernard, éd. La Découverte, Paris, 1999
Attendons-nous que la société devienne
invivable pour la majorité, pour prendre les mesures qui s'imposent ?
Bertrand SCHWARTZ, Moderniser dans exclure.
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