Paragraphe 2 :
L'apport de l'ANIF
101. L'agence Nationale d'investigation
financière est une structure qui existe conformément aux
dispositions de la CEMAC97. Elle peut être citée comme
un organe important de lutte contre l'enrichissement illicite. Cela est
perceptible à travers l'organisation, le fonctionnement et le rôle
de l'ANIF (A). Nous nous attarderons en plus sur l'incidence de cet organe dans
le cadre de la lutte contre l'enrichissement illicite (B).
A. Organisation, fonctionnement et rôle de l'ANIF
102. L'ANIF est organisée d'une
façon précise pour fonctionner (1). Ce qui permet à
l'Agence de mieux remplir ses missions (2).
1. Organisation et fonctionnement
103. L'Organisation et fonctionnement de
l'ANIF sont fixés par décret présidentiel98.
Celui-ci est rédigé conformément au règle CEMAC.
a. Organisation
104. L'ANIF comprend quatre membres dont le
directeur et trois (03) chargés d'Etudes. Le Directeur a rang et
prérogatives de Directeur de l'Administration Centrale et les
Chargés d'Etudes ont rang et prérogative de sous-directeur de
l'Administration Centrale99. Les Chargés d'Etudes proviennent
des Ministères différents100 et effectuent toutes
missions à eux confiées par le Directeur 101. Le
Directeur est nommé par décret du Premier Ministre sur
proposition du Ministre en charge des Finances pour un mandat de 06 ans
renouvelable une fois. Les Chargés d'Etudes sont nommés par le
Ministre des Finances sur proposition se leur administration d'origine. Cette
organisation est mieux détaillée dans le décret y relatif
précité.
L'ANIF dispose de services d'appui pour assurer son
fonctionnement.
b. Le fonctionnement de l'ANIF
105. L'ANIF effectue ses missions
conformément aux conditions fixées par le Règlement CEMAC.
L'Agence peut également désigner des correspondants ès
qualité pour coopérer avec les administrations et institutions
prévues à cet effet102. Les personnels et
correspondants de l'ANIF ne peuvent exercer concomitamment aucune
activité pouvant porter atteinte à l'indépendance de leurs
fonctions au sein de l'ANIF. C'est pour que les missions de l'Agence soient
effectuées dans le but de jouer pleinement son rôle.
2. Le rôle de l'ANIF
106. L'Agence a pour rôle de
prévenir et de faire réprimer le blanchiment des capitaux (a) et
le financement du terrorisme (b).
a. Le blanchiment des capitaux
107. Une étude récente sur le
blanchiment de capitaux en droit camerounais103 met l'accent sur
l'importance de combattre ce phénomène. En combattant le
blanchiment de capitaux, l'ANIF comme nous le verrons plus bas contribuera
à lutter contre l'enrichissement illicite. Le blanchiment de capitaux
est une infraction autonome mais conditionnée par la commission d'une
autre en amont. Le fait est alors qu'un assujetti à la
déclaration des biens et avoirs pourrait chercher à blanchir ses
capitaux pour justifier sa richesse. Etant donné la déclaration
des biens, il faudrait démontrer que les biens auraient une provenance
légitime, qu'ils ont été acquis par des voies et moyens
normaux.
Mais l'ANIF a aussi pour rôle de combattre le
financement du terrorisme.
b. Le financement du terrorisme
108. Les sommes faramineuses peuvent avoir
une destination dangereuse. Les attentats du 11 septembre 2001 ont une fois de
plus démontré la nécessité de combattre le
réseau de corruption en générale 104 et du
terrorisme en particulier 105. Un individu enrichi illicitement
pourrait être tenté de par ses convictions, d'aider les
organisations terroristes. Le fait de combattre le financement de ce
fléau serait un garde-fou important de lutte contre l'enrichissement
illicite. Un individu ayant amassé beaucoup de capitaux pourrait
même être la cible de ces organisations terroristes qui, en
quête de financement pourraient procéder à des manoeuvres
dangereuses (enlèvement, extorsion, chantage...) pour acquérir
ces fonds. En cela la lutte contre l'enrichissement illicite est un facteur de
paix sociale, de stabilité et de développement.
Ces précisions apportées, il convient de voir
la manifestation directe de l'incident de tout ceci dans le cadre de la lutte
contre l'enrichissement illicite.
B. L'incidence sur la lutte contre l'enrichissement
illicite
109. La coopération des assujettis et
des autres personnes (1) est un élément essentiel de limitation
des cas d'enrichissement illicite (2).
1. La coopération des personnes autres que
l'ANIF
110. Plusieurs actions peuvent être
citées pour obliger les assujettis à participer à la lutte
contre le blanchiment de capitaux et par conséquent à contrer les
cas d'enrichissement illicite. Tel pourraient être l'objet de
déclaration de soupçon (a) et de celle des tiers (b).
a. L'obligation de déclaration de
soupçon
111. L'article 18 du règlement
CEMAC106 oblige les organismes financiers et les personnes
assujettis de déclarer à l'ANIF les sommes et biens qu'ils ont en
leur possession, les opérateurs qui portent sur des sommes et biens
pouvant provenir d'un crime ou d'un délit, ou alors provenir du
blanchiment de capitaux.
De même les opérateurs effectués avec
l'identité douteuse du donneur d'ordre ou du bénéficiaire
doivent être déclarées à l'ANIF. L'article 18 in
fine ajoute que « Toute opération de nature à
renforcer le soupçon ou à l'infirmer doit être
immédiatement déclarée à l'ANIF ».
De dispositions similaires se trouvent dans la lutte antiterrorisme
voulue par le Règlement CEMAC107.
L'article 12 du Règlement CEMAC précité
abonde dans le même sens. De même que les articles 16 à 25
du Règlement COBAC 108.
Le traitement de certains clients tels que les personnes
politiquement exposées (PPE) peut ici guider la coopération,
telle qu'énoncée aux articles 3 alinéas 4 et 8 du
Règlement COBAC.109
Les tiers peuvent aussi coopérer pour lutter contre le
phénomène.
b. La déclaration des tiers
112. « Les personnes autres que celles
expressément assujettis » peuvent déclarer au
Procureur de la République les opérations dont elles auraient
connaissance ; si elles pourraient provenir d'un délit ou d'un
crime, ou alors s'inscrire dans un processus de blanchiment de capitaux. Le
Procureur de la République en informe l'ANIF qui lui donne les
informations nécessaires. Ces déclarations si elles sont faites
de bonne foi entraînent exonération de responsabilité de la
part du dénonciateur110.
112bis. On ne peut alors oublier qu'à
contrario, une déclaration de mauvaise foi entraînera aussi la
responsabilité de dénonciateur. Cette situation relève du
Juge répressif ou civil selon la gravité de la faute du
dénonciateur. C'est-à-dire qu'on jugerait par les
conséquences sur la vie du dénoncé et sur la
crédibilité de l'ANIF. Celle-ci devrait donc tout mettre en
oeuvre pour s'assurer de le sincérité des tiers.
Ces actions qui au préalable et au fond visent les cas
de blanchiment des capitaux 111 et de financement du terrorisme
s'inscrivent dans une limitation des cas d'enrichissement illicite.
2. La limitation des cas d'enrichissement
illicite
113. Les actions de l'ANIF limitent les cas
d'enrichissement illicite en ce sens qu'elles préviennent les cas
éventuels (a) et permet de détecter des situations que la
Commission de déclaration des biens et avoirs n'aurait pas
réalisées (b).
114. L'ANIF qui vient renforcer le dispositif
juridico-institutionnel de lutte contre la corruption 112 jouera un
rôle préventif de lutte contre la corruption. Si un assujetti
à la déclaration des biens et avoirs voudrait échapper aux
mailles en amont lors de la déclaration, la solution la plus plausible
serait de blanchir l'argent détourné, acquis illicitement. Du
rôle joué par l'ANIF, cette Agence aurait rempli sa mission ne se
reste qu'en intimidant ceux qui par quelque moyen que ce soit (notamment par
l'enrichissement illicite) auraient voulu se « bourrer les poches ».
L'une des raisons essentielles seraient peut être que l'ANIF pourrait
détecter la supercherie.
b. La détection éventuelle de cas
d'enrichissement illicite
115. Tout assujetti à la
déclaration des biens et avoirs éviterait de s'enrichir
illicitement car s'il échappait à la Commission de
déclaration des biens et avoirs, il lui serait difficile de filer entre
les doigts de l'ANIF. Le fait est alors que l'assujetti pourrait essayer de
blanchir les fonds, ou pourrait être tenté de financer le
terrorisme soit parce qu'il y consent, soit de par le chantage qu'il pourra
subir des terroristes. C'est en cela que l'ANIF dissuaderait les cas
d'enrichissement illicite éventuels. C'est le lieu de signaler que la
lutte contre l'enrichissement illicite permettrait aussi de combattre des
activités anormales fournissant des fonds à leurs
propriétaires. Il serait incongru de ne pas remarquer que certaines
infractions punissables mais difficilement visibles minent la
société. La vente de la drogue par exemple, l'entretien d'un
réseau des criminels qui opère en versant de l'argent à
leur chef. Si celui-ci est parmi les personnes assujetties, on verrait sa
richesse acquise illicitement et il devrait en répondre. Se sentant
obligé de blanchir ces fonds, il serait repéré. On
comprend dès lors que la lutte contre l'enrichissement illicite concerne
aussi les acquisitions des biens en dehors de l'exercice de leurs fonctions des
assujettis. Cela serait également le but de l'ANIF, outre celui de
sauvegarder la fortune publique ou d'assainir l'exercice du service public, de
s'assurer que tout bien acquis dans la société l'est par des
voies légales, loyales et légitimes.
Au regard de ce qui précède, la
coopération serait un argument essentiel pour détecter les cas
d'enrichissement illicite. Il nous aussi convient de se demander si cette
coopération au plan interne est insuffisante. C'est ici le lieu de
saisir l'opportunité d'étudier cette coopération au plan
international.
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