SECTION2 LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES.
194. Elles sont prévues par la loi sur
la déclaration des biens. Nous pensons que l'administration voudrait
sanctionner son agent qui aurait manqué de probité dans
l'exercice du service public. Elles sont alors patrimoniales (paragraphe 1) et
professionnelles (paragraphe 2).
Paragraphe 1 Les sanctions patrimoniales.
195. La transaction ici se
présente souple (A), contrairement à la suspension du financement
qui serait plus rigide (B).
A. La transaction
196. L'article 13 de la loi sur
la déclaration des biens prévoit la transaction (1) qui en cas
d'échec aboutira à la saisine du ministère public
(2).
1. La
transaction
197. Nous pouvons définir
la transaction pénale administrative comme « un
procédé en vertu du quel une administration légalement
habilitée renonce à l'exercice des poursuites pénales
après constatation de l'infraction ou à l'application des
sanctions pécuniaires prononcées par une juridiction
répressive moyennant le versement consenti à son profit d'une
somme d'argent par la personne poursuivie ou condamnée et ce, sans
recourir à l'autorité judiciaire ou à un
tiers »197.
En effet l'article 13 alinéa1 permet à la
commission de déclaration des biens et avoirs de proposer la transaction
à tout assujetti dont la déclaration révèlerait
une provenance injustifiée de tout ou partie du patrimoine .La partie
qui serait acquise illicitement donnerait lieu au profit de l'Etat d'une
transaction de tout ou partie des avoirs biens meubles et immeubles de
l'intéressé ; ces biens transigés reviendraient
à l'Etat conformément à la loi n°73/7 du 07
Décembre 1973 relative aux droits du trésor pour la sauvegarde
de la fortune publique.
C'est en cela que nous pensons que la transaction est une
sanction souple car l'individu qui se serait enrichi illicitement ne subirait
pas tellement de dommage pour répondre de sin forfait. Ce serait une
aubaine pour tous ceux qui seraient pris pour enrichissement illicite. La
transaction entraînerait donc une dépénalisation et une
déjudiciarisation.198
198. On pourrait donc la critiquer parce que
les responsables de la fortune publique et garants du bon fonctionnement du
service public auront un moyen d'échapper à la punition en
donnant peut être à l'Etat une part de leurs avoirs mal
acquis.199 La transaction ici n'aurait pas un effet dissuasif contre
l'enrichissement illicite, mais pourra encourager davantage les uns et les
autres. Nous relativisons cette critique en précisant que la transaction
répondait « à une catégorie
particulière d'infractions qui portent atteinte à l'ordre public
économique ; financier ou environnemental
».200 Bien plus, la société gagnerait d'abord
à récupérer ses biens que de punir à l'aveugle. Il
ne suffit peut-être pas d'emprisonner un enrichi illicitement alors qu'on
pourrait chercher dans son patrimoine. Nous devons par ailleurs ajouter que le
fonctionnement de la transaction n'exclurait pas forcément la
répression si le cumul n'est pas admis ici, on assistera à un
fonctionnement alternatif et successif.201
Tout ceci pour la simple et unique raison
que le refus de la transaction entrainera la saisine du ministère
public.
2. L'échec de la
transaction : la saisine du ministère public.
199. L'article13 alinéa 2 de la loi
sur la déclaration des biens dispose: « En cas de
non acceptation de la transaction, la commission propose au Président de
la République la transmission du dossier au ministère de la
justice, en vue de la mise en oeuvre de l'action
publique ». C'est dire que la transaction qui serait
une sanction souple pourrait être considérée comme un moyen
d'échapper à la sanction de la part des mises en causes dans le
cadre de l'enrichissement illicite. Les raisons en sont nombreuses :
-La saisine du Ministère public est illusoire puisque
nous avons évoqué l'absence d'incrimination et de
sanction.202 Alors à quoi servirait -il de saisir le
procureur si on sait qu'il est topique qu'on ne ferait rien aux enrichis
illicitement.
-La transaction est sans efficacité car seuls les
ignorants de la loi la subiront. Les plus malins refuseront et ne pourront
être punis sur le plan pénal.
-Nous ne pouvons éventuellement ajouter les lenteurs
procédurales sus évoquées 203 car le refus de
la transaction se présenterait comme un moyen pour les uns et les autres
d'allonger la procédure et perdre du temps, au cas où
l'enrichissement illicite serait incriminé et sanctionné afin de
falsifier les valeurs de leur patrimoine (pour justifier leur source) et mieux
préparer leur défense.
Nous venons de voir que la transaction malgré ses
spécificités pourrait permettre efficacement de venir à
bout de l'enrichissement illicite au Cameroun. Il ne faut pas oublier que cette
sanction plus que souple a pour corollaire sur le plan patrimonial la
suspension du financement.
B. La suspension du
financement
200. Elle serait plus radicale ou alors moins
souple que la transaction. Cela se vérifie par l'arrêt du
financement dû à certaines conditions (1). La suspension pourrait
être levée si les conditions sont respectées
ultérieurement (2).
1. L'arrêt du financement
201. C'est l'article15 de la loi n°003/2006 du 25 avril
2006 qui dispose en son alinéa
5: « est suspendu tout financement public au
profit d'une association ou de tout autre organisme,
bénéficiaire des deniers publics sous forme de subventions ou de
dons, dont l'ordonnateur des dépenses n'a pas satisfait à
l'obligation de déclaration des biens et avoirs ».
Nous voyons ici que seuls sont concernés ici les associations et
organismes privés bénéficiant des subventions ou des dons
de l'Etat conformément à l'article3 de la loi. Les ordonnateurs
de ces structures qui ne satisfont pas à l'obligation de
déclaration des biens et avoirs seront purement et simplement à
l'origine de la suspension de financement. On voudrait moraliser ces structures
.On dirait que le contribuable paie pour assurer le fonctionnement harmonieux
de l'Etat. Celui-ci se doit alors de prendre des mesures pour ne pas dilapider,
gaspiller ces fonds. Ce qui justifierait cette suspension du financement. En
effet, ces dons et subventions servent à faire fonctionner ces
structures, à créer ou maintenir des emplois, à faire
survivre des familles .Il est alors normal que ceux qui sont appelés
à les gérer le fasse en toute honnêteté et
probité. L'enrichissement illicite les concerne donc et la peur de
perdre les subventions et les dons amènerait les ordonnateurs à
mieux gérer les structures. Et cela passe par une déclaration du
patrimoine en bonne et due forme qui pourrait entrainer la levée de la
suspension.
2- la levée de la suspension.
202. l'article 15 al 5 in fine dispose de façon
laconique : « cette suspension est levée
aussi tôt que le responsable concerné soit acquitté de son
obligation de déclaration des biens et avoirs ».
Cela signifie que les subventions et les dons reviendraient à la
structure si l'obligation de déclaration est exécutée. La
structure retrouverait ces avantages et c'est en cela que la suspension est
moins souple que la transaction. Car ici, on n'est au moins sûr qu'on a
un moyen de dissuasion et même de rétribution de l'enrichissement
illicite. On pourrait ajouter que cette levée de suspension ne sera
automatique. Il faudra que la déclaration ne présente pas de
difficulté, qu'elle soit complète. On parlerait plutôt de
déclaration exacte, complète et sincère.
Les sanctions patrimoniales seraient
généreuses sur le plan administratif en ce qui concerne
la lutte contre l'enrichissement illicite, ce qui ne
serait pas le cas avec les sanctions
professionnelles.
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