Section 2 : Existence d'une législation
d'inspiration française :
Malgré l'absence de législation en
matière de propriété au Sénégal, le
législateur a quand même légiféré dans
certains domaines, même s'il s'est inspiré à cette occasion
du modèle français et il en est ainsi du domaine foncier des
terrains (Paragraphe 1) mais aussi de la propriété
mobilière incorporelle (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Domaine foncier des terrains :
La législation foncière au Sénégal
est marquée par deux séries de textes, l'une est
constituée par le décret de 1932 institué par le
colonisateur français et qui est toujours applicable au
Sénégal (A), l'autre est constituée d'un ensemble de
textes adoptés après l'indépendance qui tendent tous
à la réglementation de la propriété foncière
(B).
A- Le décret foncier de 1932 :
Le président KEBA MBAYE disait qu'en
Afrique « la terre est une création divine, comme le
ciel, comme l'air comme les mers .Elle est à Dieu, aux dieux et aux
ancêtres1» et cette citation était pour illustrer
qu'en Afrique la propriété privée des terres était
inconcevable. Avec la colonisation le législateur français a
voulu amener les indigènes à une conception européenne
de la propriété et d'instaurer un système foncier en tout
point semblable à celui en vigueur en France. C'est dans ce sens que les
dispositions du code civil avaient été introduites au
Sénégal par un arrêté du 5 Novembre 1830 pour
l'application entre autres du régime foncier de la France qui repose
sur l'inscription et la transcription. Mais ce système n'a pas eu le
succès escompté d'où l'introduction d'un autre
système par un décret du 24 Juillet 1906 repris par celui du 26
Juillet 1932. Ce décret du 26 Juillet 1932 portant réorganisation
du régime foncier a eu comme principale conséquence la
consolidation de l'immatriculation à la suite du décret de 1906.
Il faut noter que cette immatriculation a été reprise du
système australien de l'acte Torrens. L'immatriculation peut être
définie comme « une garantie instituée au
bénéfice des titulaires des droits réels sur les
immeubles et consistant en une publicité par l'inscription des dits
droits et de leurs modifications au livre foncier en vue de
l'établissement de titres intangibles »
L'article 84 et 85 du décret foncier de 1932 nous parle
de ceux qui peuvent requérir l'immatriculation et la
particularité ici réside dans le fait qu'une personne physique
pouvait requérir l'immatriculation ce qui n'est plus le cas aujourd'hui
comme nous allons le voir ultérieurement. Et son l'article 86 dispose
que « sont seul susceptibles d'immatriculation sur les livres
fonciers les fonds de terres bâtis ou non bâtis ».
Concernant les effets de l'immatriculation il faut remarquer
avec DARESTE1 que « le trait essentiel du régime de
l'immatriculation est l'établissement d'un titre définitif qui
est désormais le point de départ unique de tous les droits
réels existant sur l'immeuble. » Ainsi le titre est
inattaquable par toute autre personne et ce principe a été
posé par l'article 21 du décret foncier de 1932 et
développé par les articles suivants. En effet toute revendication
qui mettrait en cause le droit de propriété lui-même est
irrecevable1. Il n'y a qu'une seule exception c'est lorsqu'une
partie du domaine public a été comprise, par erreur, dans une
immatriculation faite au profit d'un particulier. Ainsi selon l'article 123 du
décret foncier « les personnes dont les droits auraient
été lésés par suite d'une immatriculation ne
peuvent se pourvoir par voie d'action réelle, mais seulement, en cas de
dol, par voie d'action personnelle en indemnité. » Signalons
qu'en ce jour plusieurs dispositions de ce décret foncier de 1932 ont
été remplacées par des nouvelles et il en est ainsi des
articles 42 à 45 qui ont été abrogés par la loi 76-
60 du 12 Juin 1976 portant troisième partie du code des obligations
civiles et commerciales. Il en est également ainsi de son article 131
mais qui au lieu d'être abrogé a été
précisé par les articles 379 à 389 du code des obligations
civiles et commerciales portant sur les immeubles immatriculés.
De par sa vieillesse et du fait que le principal
système qu'il a mis en place à savoir l'immatriculation
n'était pas obligatoire et était dans l'ensemble, soit
délaissée soit ignorée, il a fallu trouver un
système mieux adapté. C'est ce qui a poussé le
législateur sénégalais à instituer de nouvelles
législations foncières après l'indépendance
même s'il faut le signaler ces législations ne se sont pas
substituées au décret foncier de 1932 qui reste donc toujours
applicable.
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