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Le droit de propriété au sénégal

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par Mamadou CAMARA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 1 en droit privé option affaires 2008
  

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Section 1 : Insuffisances du régime juridique de la propriété au Sénégal :

Du fait que presque toutes les dispositions applicables au Sénégal en matière de propriété sont d'origine française, il est ainsi possible de se rendre compte de la violation de la règle de la territorialité des lois (Paragraphe 1). Aussi une seconde insuffisance sera notée à la suite de l'examen de la situation des lois et décrets d'application du code civil français au Sénégal (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Violation de la règle de la territorialité des lois :

Cette violation s'exprime comme nous l'avons souligné antérieurement, par l'application d'une loi étrangère (A) qui il faut le dire n'est pas toujours adaptée aux réalités sénégalaises (B).

A- Application d'une loi étrangère :

En vertu de l'article 91 de la constitution sénégalaise de 1963 « les lois et règlements actuellement en vigueur, lorsqu'ils ne sont pas contraires à la présente constitution, resteront en vigueur tant qu'ils n'auront pas été modifiés ou abrogés. » Signalons que pendant la période coloniale le code civil français a été rendu applicable au Sénégal par l'arrêté gubernatorial du 15 Novembre 1830 et est resté en vigueur jusqu'à l'indépendance. Ainsi le code civil français qui n'est pas contraire à la constitution de 1963 et qui n'a pas été abrogé continue donc de s'appliquer au Sénégal mais pour l'essentiel en ce qui concerne les dispositions relatives au droit de propriété. En effet après l'indépendance, le Sénégal s'est doté d'un code des obligations civiles et commerciales, cependant la plus grande lacune de ce code réside dans le fait qu'il y a une absence totale de dispositions consacrées au droit de propriété surtout la propriété immobilière.

Cette solution du maintien de l'application du code civil français pour ses dispositions relatives au droit de propriété après l'indépendance du Sénégal, constitue une décision discutable du fait notamment du principe de la souveraineté nationale du Sénégal et de la règle de territorialité de la législation nationale française. En effet selon l'article 1 alinéa 1 du code civil français « les lois sont exécutoires dans tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite par le roi (le président de la république). » Au regard de cet article nous pouvons affirmer que le code civil français a un domaine d'application spatial délimité par le législateur français et qui est constitué du territoire français et des territoires d'outre-mer. Et même dans ces territoires d'outre-mer les dispositions législatives modifiant une loi applicable dans ce territoire n'y sont applicables que lorsqu'elles ont été étendues à ce territoire d'outre-mer par une disposition expresse1. Ainsi donc si l'application du code civil français s'expliquait pendant la période coloniale, puisque la colonie était administrée par l'Etat colonisateur, il n'en est plus le cas aujourd'hui. En effet comme nous le soulignions antérieurement la souveraineté de l'Etat du Sénégal devrait s'opposer à l'application d'un code étranger aux problèmes soulevés dans notre pays. Surtout que les dispositions du code civil français ne sont pas toujours adaptées aux réalités sénégalaises ou sont méconnues de la population malgré l'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi. »

B- Inadaptation pour l'essentiel des dispositions du code civil français aux réalités sénégalaises :

Les dispositions du code civil français applicables au Sénégal en l'occurrence le droit de propriété sont pour l'essentiel inadaptées aux réalités sénégalaises. En effet sur le plan de la culture la France et le Sénégal et plus généralement l'Afrique et l'Europe sont marqués dans ce domaine par une différence notoire. Pour nous en rendre compte nous allons-nous interroger sur l'effectivité de l'application des dispositions du code civil français au Sénégal.

Ainsi pour ce qui est de l'usufruit c'est-à-dire le droit de jouir et de disposer des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance, nous pouvons affirmer que c'est une notion qui n'est pas très effective dans son application dans notre pays. En effet en dehors de l'usufruit accordé aux parents sur les biens de leurs enfants mineurs, qui par ailleurs peut se justifier au Sénégal par l'autorité parentale qui est très forte dans notre pays, les autres formes d'usufruits sont quasiment inexistantes. Ainsi les autres formes légales d'usufruit et celles conventionnelles ne sont presque pas connues au Sénégal.

La cause de cette ineffectivité de la notion d'usufruit au Sénégal peut s'expliquer par l'utilité qu'on lui prête parfois en France et qu'elle ne remplit pas au Sénégal. En effet en France dans une succession sans dispositions à cause de mort, si tous les enfants sont ceux des deux époux, le conjoint survivant recueille à son choix soit l'usufruit de la totalité des biens existants soit la pleine propriété du quart de ces biens. Si au contraire un ou plusieurs enfants ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant recueille la pleine propriété du quart des biens1. Ainsi donc en droit français l'usufruit joue un rôle très important en matière de succession et permet d'éviter certains conflits pouvant naître entre les auteurs du de cujus.

En revanche au Sénégal cette règle du droit français concernant le rôle de l'usufruit en matière de succession ne peut pas prospérer du fait que pour l'essentiel au Sénégal le régime de la succession est organisé par le droit musulman qui a des règles différentes par rapport à celles françaises.

Par ailleurs cette ineffectivité peut être constatée en examinant le contentieux en matière de droit de propriété au Sénégal. En effet il est rare voir impossible de trouver des décisions rendues par nos cours et tribunaux et concernant une affaire relative à l'usufruit. Pour l'essentiel les décisions sur le droit de propriété au Sénégal sont relatives à la propriété foncière qui est organisée par des lois d'origine sénégalaise. Ainsi les autres dispositions françaises en matière de droit de propriété et applicables au Sénégal à savoir le droit d'accession, la servitude, etc. subissent presque tous le même sort que l'usufruit. A côté de cette violation de la règle de la territorialité entrainant une ineffectivité de certaines règles en matière de droit de propriété, une seconde insuffisance sera notée à l'examen des lois et décrets d'application du code civil français au Sénégal.

Paragraphe 2 : Situation des lois et décrets d'application du code civil français au Sénégal :

Dans la pratique chaque texte de loi est accompagné par des lois et décrets d'application qui éclaircissent certaines dispositions et limitent certains droits accordés par la loi. Ainsi ces lois et décrets d'application participent pour une bonne application des textes de loi. Cependant dans notre pays, où certaines dispositions du code civil français sont applicables, il y a une absence de prise en compte des lois et décrets d'application du code civil (A). Et cette situation a entrainé une insuffisance dans l'application du code civil au Sénégal (B).

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