CHAPITRE DEUXIEME : ASPECT ECONOMIQUE
§2.1 : COÛT DE LA SURETE MARITIME
Tout d'abord il apparaît aussi important de souligner
que les mesures qui seront mises en oeuvre pour renforcer la
sûreté du transport maritime ne constitueront pas simplement un
surcoût. Elles auront surtout des incidences bénéfiques en
matière de protection des professionnels portuaires et de la mer, tout
comme des passagers, de sûreté des approvisionnements
stratégiques, mais aussi des retombés indirectes en ce qui
concerne la lutte contre les trafics de tous genres, la taxation, et la
sûreté d'acheminement des marchandises transportées. Ces
mesures présenteront en effet un caractère dissuasif en raison
des contrôles effectués, et faciliteront la répression des
trafics illicites et des fraudes.
Pour exemple dans le port de Rotterdam, l'installation des
scanneurs pour conteneurs dans le port de Rotterdam, dans le cadre du CSI, a
coûté 15 millions d'Euros ; en contrepartie leur utilisation
a généré, en un an, 88 millions d'Euros de recettes
douanières et fiscales, alors que seuls deux pour cent des conteneurs
sont soumis en moyenne à un tel contrôle.(50)
(50) : Communication de la commission au
conseil, au parlement européen, au comité économique et
social européen et au comité des régions relatives
à l'amélioration de la sûreté des transports
maritimes.
Dans son ensemble donc le renforcement de la
sûreté du transport maritime n'est pas qu'une perte
économique comme le démontre un rapport émis par
l'Organisation de Coopération et de Développement Economique,
rapport intitulé « La sûreté du transport
maritime : évaluation des risques et impact
économique ». En effet l'OCDE estime que le coût de ce
renforcement est « bien inférieur » à celui
d'un attentat terroriste de grande ampleur. Il serait évaluait à
quelques 58 milliards de dollars alors que le montant global de
l'investissement correspondant aux nouvelles mesures de sûreté
destinées à contrer la menace terroriste
s'élèverait à 1,3 milliard de dollars, ce qui correspond
à l'installation des équipements de sûreté et au
recrutement du personnel supplémentaire pour les exploitants de navire,
et les coûts d'exploitation annuels s'élèverait
également à prés de 730 millions de dollars.
Une étude menée par les US Coast Guard
(51) estime que le coût pour une compagnie
composée de 27 navires serait de 250000 US$ pour les frais fixes du
siège ( personnel chargé des questions de sûreté) et
de 270000 US$ pour les frais variables du siège ( établissement
des plans de sûreté et audit et certification de ces mêmes
plans ) .
Le surcoût pour la partie exploitation des navires
s'élèverait quant à lui à 675000 US$ soit 25000 US$
par navire.
De même les Coast Guards estiment également les
besoins initiaux à 1,4 milliards pour soutenir les projets de
sûreté portuaire ou de terminaux
Reste toutefois qu'il n'y a donc aucune commune mesure entre
le coût de la prévention et le coût d'un acte terroriste.
Cependant ce coût est tout d'abord supporté par
les acteurs eux même du transport maritime à savoir les compagnies
maritimes et les ports ainsi que les chargeurs.
(51) : publication apparue dans le
Federal Register, résumé journalier des activités du
gouvernement des Etats-Unis
§2.2 : REPARTIR CE COUT
Le coût de la sûreté maritime n'est donc
pas anodin pour les compagnies maritimes, Armateur de France réclamant
en conséquence un financement par les pouvoirs publics de ces mesures,
estimant qu'il s'agit d'une question d'intérêt national.
Parallèlement à la demande d'Armateur de France,
l'AUTF ( l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret ) s'est
rapproché de la Direction des Ports, du Transport Maritime et du
Littoral (D.T.M.P.L) afin d'établir un état des lieux en
matière de sûreté des ports français. L'AUTF estime
que les pouvoirs publics doivent prendre en charge le financement des
coûts de sûreté, rappelant par la même occasion que
les Etats-Unis ont déjà annoncé un plan de financement de
92,3 millions de dollars pour leur port (52). Et
dernièrement le Homeland Security , ministère de la
Sûreté nationale, a débloqué près
de $300 millions d'aides à certains projets de sûreté
portuaire. L'AUTF estime que la mise en place de mesures renforcées de
sûreté entre dans le champ des missions régaliennes de
l'Etat et doit donc être financée par les pouvoirs publics.
Rappelons que le coût de passage d'un conteneur au rayon X est de l'ordre
de 80/100 euros par conteneurs, ce surcoût devra être
supporté par un ou plusieurs acteurs de la sûreté
maritime.
Dernièrement suite au Comité
interministériel de la mer et aux orientations communiquées
à cette occasion, l'AUTF, réunis au sein du Comité des
chargeurs maritimes français (CCMF), a fait savoir qu'il s'oppose
à l'instauration de toute taxe de sûreté sur le fret
maritime, rappelant que le coût des mesures de sûreté doit
être supporté par les autorités publiques. Cette
idée de taxe de sûreté portuaire se retrouve
également de l'autre côté de l'Atlantique mais a
également fait l'objet d'une opposition farouche de la part des
chargeurs et des industriels.
Cependant à l'heure actuelle, il est très peu
envisageable de penser obtenir la prise en charge financière par les
pouvoirs publics, la tendance étant à la récession
budgétaire. Certains armateurs avançant même la proposition
d'utiliser des militaires de métiers à bord des navires marchands
afin d'éviter d'avoir à payer eux-mêmes des officiers
supplémentaires mais avec le passage à l'armée de
métier, les effectifs et les budgets ne sont plus suffisants et cette
solution n'est donc pas envisageable.
(52) : Déclaration en date du 01
juillet 2002 , Ref 328/AD/2002 ; www.autf.fr
Ce sera de toute manière aux acteurs du milieu maritime
de mettre la main à la poche, ils essaieront sans doute de
répercuter ce coût auprès de leur client.
Par leur ampleur, les mesures sécuritaires
représentent une véritable révolution pour le shipping.
Bien rares étaient ceux qui, le lendemain du 11 septembre 2001,
l'avaient prévue, et on imagine le tollé qu'auraient
suscité ces mesures auparavant. Ainsi, on vérifie une fois encore
tout comme pour le secteur de la sécurité ,que seules les
catastrophes permettent de sortir à l'échelon mondial de la
logique des petits pas, et de franchir une marche escarpée.
Depuis le 11 septembre de nombreuses initiatives sont apparues
en matière de sûreté maritime que ce soit de la part de
Etats-Unis, seul état aussi actif dans ce domaine ou de la part des
instances internationales que ce soit l'OMI ou l'OIT ou encore sur le plan
communautaire, nous allons maintenant voir quelles ont été les
démarches sécuritaires de ces organismes.
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