Relation entreprise-clients et performance : le cas des établissements de micro-finance au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Odette CKOUEKAM Université de Yaoundé II-SOA - Diplôme d'Etudes Approfondies en sciences de gestion, option finance 2008 |
II-1-2-1. Culture clientSelon Letaifa, Kalika, Perrien, (2006), la banque doit d'abord veiller à la mise en place d'une culture client, l'élaboration d'un climat de confiance et l'existence de mécanismes favorisant une meilleure connaissance du client (Perrien, Filiatrault et Ricard, 1993 ; Ricard et Perrien, 1999). Cette transformation de la vision de l'entreprise autour de nouvelles valeurs va nécessiter le délaissement d'une logique centrée sur chacun des clients plutôt que sur chacune des transactions. C'est la connaissance du client qui prime ici. Au delà de satisfaire le client à la base de la relation, il s'agit de cibler la construction d'un véritable partenariat gagnant-gagnant (Lejeune, Préfontaine et Ricard, 2001). Finalement, Dunkelberg et Scott (1984) affirment que le directeur de comptes doit posséder une bonne connaissance du client et de son environnement afin de le fidéliser à son institution financière. Dogett (1994) mentionne même qu'une connaissance inadéquate des besoins et des attentes des clients est une cause majeure d'insatisfaction chez les entreprises. Cette vision de l'entreprise doit être inculquée à tous les dirigeants d'où la nécessité d'un changement organisationnel III-1-2-2. Changement organisationnelL'association canadienne de gestion de la relation client (GRC, CRM) a publié en juillet 2002 un rapport qui conclut que l'intégration, que ce soit des personnes, des processus ou des technologies, est irréalisable sans effectuer d'abord un changement organisationnel. Ce changement organisationnel nécessiterait, selon Rigby et Reichheld (2002), la mise en place de quatre actions: 1) La création de stratégie centrée sur le client, 2) le développement d'une organisation centrée sur le client, 3) de privilégier une approche réaliste de changements technologiques, et 4) doit viser à bien servir ses clients. Les procédures de gestion internes auraient causé plus de 90% des cas de rupture relationnelle entre une banque et son client (Perrien, Paradis et Banting, 1995). Plusieurs contraintes au niveau de la structure et des politiques de gestion de l'organisation bancaire empêchent de réaliser les bénéfices escomptés. Plusieurs chercheurs ont donc proposé la redéfinition des centres de profits, des critères d'évaluation, de la formation ainsi que des politiques de gestion des banquiers (Perrien et Ricard, 1994; Campbell, 2003). Par exemple, les banques doivent étudier le nombre optimal de clients par portefeuille par planificateur et veiller à ce que le taux de rotation44(*) des planificateurs ne soit pas trop élevé pour permettre aux planificateurs de développer une relation à long terme qui s'inscrit dans une logique de continuité avec leurs clients (Perrien, Filiatrault et Ricard, 1993) Réussir une approche relationnelle nécessite donc de consacrer plus de temps au client, de focaliser sur les besoins de ce dernier et il convient alors de donner au personnel les moyens de performer dans ce sens. Une étude de Brand, Cronin et Routledge (1997), réalisée dans le secteur des services, révèle que l'expertise de l'organisation, et plus particulièrement de ses employés, influence la fidélité des clients et augmente l'intention de ces derniers à parler positivement de l'organisation. L'approche relationnelle étant le point de départ de la fidélisation, il importe pour nous maintenant de relever l'enjeu de cette fidélisation pour la performance en milieu bancaire. III-2. Enjeux de la fidélisation de la clientèle sur la performanceLa fidélisation de la clientèle pour un EMF est un travail très ardu puisque tout y va de la protection des intérêts à la fois de ce dernier que de ses clients et de la réputation de l'EMF malgré les incertitudes et les contraintes du milieu des affaires. Aujourd'hui, il n y a plus qu'une chose de stable dans l'industrie financière : le changement. L'arrivée massive de nouvelles technologies et les déréglementations qui s'effectuent à l'échelle mondiale ont eu (et auront) pour effet de multiplier le nombre de concurrents dans le marché financier. Ayant plus de choix, les consommateurs de services financiers sont aujourd'hui plus informés, plus sélectifs et surtout, plus exigeants (Bergeron, 1997). La concurrence omniprésente qui existe maintenant se traduit par une préoccupation grandissante des institutions financières à maintenir des relations à long terme avec leurs clients. Depuis quelques années, une pléthore d'études ont dévoilé les avantages considérables associés à la fidélité des clients. Par exemple, on affirme que les clients fidèles achètent sur une longue période de temps, sont moins influencés par les prix (Keaveney 1995; O'Brien et Jones 1995) et parlent positivement de l'entreprise à leurs proches (Reichheld et Teal, 1996). Dans un marché où la concurrence (physique et virtuelle) est omniprésente, les institutions financières doivent se tourner vers l'établissement et le développement de relations basées sur la fidélité avec leurs clients. A cet effet, nous passerons en revue certains obstacles à la fidélisation des clients et certaines incitations dont les EMF utilisent pour mieux contrôler la clientèle. Selon Perrien, Filiatrault et Ricard (1993), la qualité de la communication et la fiabilité de l'entreprise constituent deux facteurs nécessaires à l'établissement d'une relation à long terme.
A. Dans les groupes de crédit Ici, deux modèles ont été retenus par certains auteurs pour inciter les membres de groupe de crédit à rembourser leur prêt : i) Modèle d'interaction entre les agents (Besley et Coate, 1995) Ces auteurs établissent un modèle de jeu de remboursement qui représente l'incitation à rembourser. Ils appliquent la théorie des jeux afin d'analyser les décisions de remboursement d'un groupe de prêts. Ce modèle se caractérise par l'introduction d'une sanction sociale faite par le groupe. L'étude se concentre sur l'avantage informationnel du prêt de groupe ; c'est-à-dire la meilleure information dont dispose les membres du groupe sur l'effort et/ou les capacités des individus par rapport à la banque. Ce modèle va montrer que la responsabilité commune affecte la volonté des agents à rembourser. En introduisant l'interdépendance des décisions des emprunteurs, les auteurs mettent en place un modèle de jeu de remboursement à deux étapes pour caractériser les incitations au remboursement. Cela permet de démontrer que le prêt de groupe sera toujours remboursé à partir du moment où au moins un des deux emprunteurs obtient un rendement supérieur ou égal à la totalité du remboursement du prêt. Dans ce modèle, il s'agit de résoudre un problème de coordination. Un emprunteur qui croit que son partenaire va payer sa part contribuera lui aussi. Par contre, si ses espérances quant au remboursement de son partenaire sont pessimistes alors il ne contribuera pas et cela aboutira à un « échec de coordination ». Ici, l'emprunteur qui ne rembourse pas sa part n'a pas de coût, excepté le fait que le groupe sera sanctionné s'il fait défaut. La pénalité peut prendre deux formes qui sont immédiates : - la menace des membres du groupe de faire connaître au reste de la communauté son comportement de manière à augmenter le nombre de réprimandes - la menace des autres membres du groupe de diminuer la coopération avec le membre défaillant. Ceci a d'autant plus de poids si les individus ont des relations commerciales. Un individu qui essaye de jouer le passager clandestin encourt désormais une pénalité sociale. Si la pénalité sociale est sévère, le groupe de prêt aura un taux de remboursement supérieur à celui du prêt individuel. C'est la sanction sociale qui confère cet avantage au prêt de groupe. Elle sera alors vue comme un collatéral par l'IMF car celle-ci améliore les performances de remboursement. Cette démonstration permet donc de confirmer le point de vue des auteurs ; à savoir le collatéral social sous forme de sanction permet de discipliner les comportements faibles et constitue une ressource utilisable par le groupe de prêt. Besley et Coate permettent de souligner le fait que la sanction sociale favorise une augmentation du taux de remboursement en influant sur les décisions de chaque emprunteur pour rembourser le prêt. La comparaison des taux de remboursement montre les aspects positifs et négatifs de l'introduction du prêt de groupe. L'effet positif résulte du fait que le succès d'un des emprunteurs peut permettre le remboursement du prêt même si les partenaires n'ont pas obtenu un rendement suffisant pour faire un remboursement profitable. L'effet négatif, quant à lui, surgit quand la totalité du groupe fait défaut. La réputation est l'élément décisif dans la décision de remboursement des agents. La baisse de réputation auprès de la banque en cas de défaut incite le groupe à rembourser l'emprunt. De plus, ce phénomène de baisse de réputation a encore plus de poids lorsqu'il existe aussi des sanctions effectuées par les membres du groupe. En effet, les autres membres du groupe ne veulent pas perdre de la réputation à cause du membre défaillant et par conséquent cette perte vis-à-vis de la banque sera répercutée sur ce dernier par la suite. Ce mécanisme permet de décourager le phénomène de passager clandestin qui pourrait apparaître dans ce cas. Dans le modèle, l'intermédiation financière se fait alors au travers de la pénalité bancaire mais aussi au travers de la sanction sociale. Il y a donc une sorte de double incitation à rembourser. Le modèle suivant a permis de montrer le rôle de cette sanction lorsqu'il y a la possibilité de refinancement qui est posée. ii) Modèle sur la réalisation de la responsabilité commune (Armendariz de Aghion et Morduch, 2000)48(*) Armendariz de Aghion et Morduch, (2000) vont montrer que la responsabilité commune peut intervenir même si les personnes ne se connaissent pas. Pour cela, ils se focalisent sur le remboursement du prêt. Ils vont poser la question du refinancement du groupe par l'IMF. Cela va leur permettre de montrer l'importance des remboursements réguliers ainsi que la nécessité d'un niveau d'effort optimal. La banque doit menacer l'emprunteur de ne pas lui prêter à nouveau s'il ne rembourse pas le prêt avant même que celui-ci ne l'est obtenu. Ceci se fait de manière informelle entre l'IMF et son client. A la seconde période, la banque décide de refinancer ou non l'emprunteur. Il est possible de réinterpréter la sanction autrement ici. Elle peut être vue comme l'augmentation du prêt à mesure des remboursements. Dans ce cas, il est supposé que la banque se forge la réputation de fournir des prêts croissants à mesure que l'emprunteur rembourse son prêt. On retrouve ici, la promesse de la banque dans les contrats implicites tels que ceux dans le modèle de Sharpe. Il s'agit là d'incitation dynamique qui est faite par l'IMF. Ce mode d'incitation se retrouve également dans le prêt individuel en microfinance. Néanmoins, dans ce modèle ces incitations constituent la clé du prêt en microfinance. Les auteurs suggèrent ainsi que le groupe de prêt peut aider au-delà du fait de la responsabilité commune pour plusieurs raisons : - Etant donnée l'incapacité des agents à fournir un collatéral sûr, ces programmes permettent d'utiliser le contexte social des emprunteurs afin d'induire un remboursement en temps voulu, - En organisant des réunions d'agents en groupe d'emprunteurs, cela permet de diminuer certains coûts de transaction pour la banque, - Le groupe constitue une ressource informationnelle utile pour la banque qui peut l'utiliser directement pour créer les incitations nécessaires, - Ce prêt permet une augmentation du bien être. Il peut faciliter l'éducation et la formation des clients ayant une expérience réduite des affaires et/ou un niveau faible d'alphabétisation. L'éducation permet d'améliorer les performances financières des individus et peut être mesurée par l'amélioration du niveau de santé et de savoir. - Il permet d'inciter ceux qui n'ont jamais été en relation avec une banque à le faire avec leurs voisins. Cette issue est particulièrement valable dans les zones les plus pauvres. Ceci permet essentiellement d'attirer la clientèle féminine qui améliore les performances de la banque compte tenue de son meilleur taux de remboursement comparativement aux hommes. Ce modèle a pour particularité de donner beaucoup d'intuition sur les mécanismes en oeuvres lors de prêt de groupe. Là encore nous retrouvons une référence à Sharpe du coté des incitations fournis par la banque. En effet, de manière implicite elle fournit une promesse aux emprunteurs. Cette promesse comporte néanmoins la particularité d'être double. Elle comporte à la fois la promesse d'être refinancé après (éventuellement avec une quantité plus forte) et la menace de la banque de ne plus jamais prêter à un emprunteur qui ferait défaut. De plus, ce modèle suggère que le seul contexte social de l'emprunteur peut suffire de collatéral vis-à-vis de l'IMF. Ces deux derniers modèles sur la décision de remboursement lors de prêt de groupe fournissent un apport nouveau par rapport à ceux sur la formation des groupes à savoir : le rôle de la sanction sociale. Cette sanction permet d'augmenter le remboursement de ces prêts. En outre, là encore dans ces modèles la réputation joue son rôle. Ici, elle est vue comme un moyen de pression de la part du groupe et de l'IMF pour les agents à rembourser. Si l'emprunteur ne rembourse pas il va perdre de son niveau de réputation et il lui sera plus dur par la suite d'obtenir un prêt et de se grouper avec d'autres. B. Dans le prêt individuel Jusqu'à récemment, tous les modèles établis sur la microfinance concernaient les prêts de groupe. Hors, aujourd'hui, avec la tendance naissante, certains économistes ont tenté de modéliser le prêt individuel en microfinance. Cette modélisation a révélé que les mécanismes incitatifs dans le prêt de groupe ne peuvent pas être les mêmes que ceux du prêt individuel. En effet, dans les modèles précédents ont été montrés les avantages de la responsabilité commune et de la surveillance des partenaires. Dans le cas présent, ces deux avantages ne prévalent plus. Le fonctionnement du prêt individuel en microfinance est pourtant bien réel. Les différents travaux réalisés se sont donc posés la question du mécanisme incitatif qui permet la réalisation du remboursement du prêt et ainsi le fonctionnement de ces programmes. Les modèles réalisés ont tous supposés l'homogénéité des agents et ont fait l'hypothèse d'incitations à caractère dynamique dans le prêt individuel. Cette incitation repose sur la formulation d'un contrat implicite qui est le refinancement de l'agent si celui-ci rembourse. Il existe aussi dans le prêt individuel des modèles d'incitation au remboursement. i) Modèle dynamique d'incitation au remboursement : Le modèle de Tedeschi * 44 Changement d'emploi, et donc de clients, à l'intérieur de l'entreprise. * 45 Ces coûts sont indépendants des prix et peuvent être regroupés sur cinq catégories. Premièrement, les coûts de recherche et d'annonce correspondant à la mise en contact des offreurs et des demandeurs (particulièrement s'ils sont nombreux et peu dispersés). Deuxièmement, les coûts d'information sur les spécifications du produit (particulièrement s'il est nouveau ou complexe). Troisièmement, les coûts de négociation sur le prix(le prix n'est pas « crié » gratuitement par un commissaire priseur et l'accord sur les prix n'est pas toujours spontané). Quatrièmement, les coûts de contrôle de l'exécution (de suivi) du contrat (contrôle de la qualité à la livraison, lettre de rappel, recours contentieux, etc.). Cinquièmement, les coûts de rédaction des contrats (d'autant plus qu'il faut prévenir les risques importants du défaut de qualité du produit). * 46 Risque d'aléa moral et de sélection adverse * 47 Si une bonne performance de remboursement est pré requis de la pérennité financière, elle n'est pas une condition suffisante. Des coûts administratifs importants ou une rotation élevée des emprunteurs peuvent en effet être la contrepartie de ces taux de remboursement élevés. * 48 Cité par Mesquita(2006). |
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