3. Potentiel des friches industrielles des
secteurs de gare
Les friches industrielles et urbaines, dont celles
situées dans les secteurs de gares, représentent un stock de
terrain non ou sous-utilisé. Cette situation est dommageable en termes
d'étalement urbain, car la non utilisation de ces terrains intra-urbains
se fait au détriment de sols à l'extérieur de la zone
à bâtir. Elle porte également préjudice à
l'économie régionale en tant que manque à gagner, ainsi
qu'à la qualité de vie locale. Ces friches représentent
donc un potentiel parce qu'elles ont un rôle stratégique à
jouer à ces trois niveaux; cependant, leur réutilisation est
complexe et se heurte à de nombreux obstacles. Elles restent en Suisse
comme ailleurs encore massivement sous-utilisées.
Nous allons dans un premier temps définir les friches
industrielles et urbaines, les processus qui mènent à leur
constitution ainsi que les conséquences de leur présence. En
abordant l'évolution des perceptions et celle parallèle des
pratiques d'intervention face aux friches, une série d'enjeux relatifs
à ces aires seront soulevés. Suite à ces
considérations générales sur les friches industrielles et
urbaines, nous aborderons le cas spécifique des friches industrielles
des secteurs de gare.
Dans un deuxième temps, les stratégies
nationales pour le développement territorial seront abordées
à la lumière des éléments théoriques
apportés au chapitre précédent sur la forme urbaine, afin
de montrer la pertinence d'une mise en valeur systématiques des friches
industrielles des secteurs de gare en Suisse.
Nous passerons alors en revue les raisons pour lesquelles le
potentiel de ces friches est complexe à activer en explicitant les
différents obstacles auxquels se heurtent les projets de
reconversion.
3.1 Les friches industrielles et
urbaines
3.1.1 Définition
L'origine du terme « friche » provient du monde
agraire, où le terme désignait la terre non cultivée dans
un cycle de jachère. La révolution industrielle rendit cette
pratique inutile grâce à l'introduction de plantes
fourragères capables de restituer au sol l'azote consommé par la
culture céréalière (Raffestin, 1988). Par extension, le
terme désigne aujourd'hui toute chose inutilisée depuis un
certain temps, dont le potentiel n'a pas été
développé. L'arrivée du terme de friche dans les sciences
sociales a été systématisé par le géographe
allemand Wolfgang Harke (idem: XIV): « Sozialbrache » décrit
les terrains abandonnés, justement « laissés en friche
» à proximité des villes, voire dans les villes. La
friche sociale concerne des immeubles à vocation locative; pour
caractériser l'abandon ou la sous-utilisation de bâtiments et de
terrains à vocation industrielle, on parle alors de friche
industrielle.
Les friches industrielles sont le plus souvent intra-urbaines:
la plupart des sites industriels, autrefois en périphérie de
la ville, se retrouvent, avec l'extension urbaine, au coeur du tissu urbain.
Avec la grande phase de désindustrialisation qui s'est amorcée
dans
la deuxième moitié du 20ème
siècle, les villes ont vu l'apparition de dents creuses apparaître
ici et là, voire la dévitalisation de pans entiers dans les
régions à caractère fortement industriel, minières
ou portuaires. En termes d'accessibilité, les friches industrielles, si
elles sont le plus souvent urbaines, sont souvent relativement
périphériques: elles sont donc généralement bien
accessibles en transport routier, mais pas en transport public. Les friches
industrielles des secteurs de gare, bien accessibles par le rail et
généralement par les transports publics d'agglomération,
présentent donc une caractéristique qui fait défaut
à la plupart des autres friches industrielles.
Notons qu'il existe depuis quelques années un nouveau
type de friches urbaines, reflétant encore une fois l'évolution
de l'économie: la friche tertiaire (Garcia, 1999). Le boom de
l'économie tertiaire des décennies précédentes a
poussé le secteur immobilier à construire des bureaux qui, avec
une certaine stabilisation de la demande dans les années 1990, constitue
aujourd'hui un stock qui n'a pu être absorbé. Il arrive même
que des bâtiments soient voués à l'état de friche
avant même d'être achevés.
Les friches urbaines sont très diverses dans leur
nature: on distingue des friches industrielles, ferroviaires, portuaires,
tertiaires, religieuses, militaires selon le type d'activité originel.
Elles se caractérisent également par leur taille ou par leur
âge, ou encore par leur degré de désaffectation - abandon,
sous-utilisation, utilisation temporaire. Leur point commun étant leur
incapacité à susciter un intérêt pour le
marché foncier, et donc à attirer spontanément de
nouvelles activités. L'enquête récemment commandée
par l'ARE sur les friches industrielles définit la friche comme une
aire industrielle, artisanale, ferroviaire ou militaire sous-utilisée ou
plus du tout utilisée (Vasla et Westermann, 2004: 9). En Europe, un
terrain sous-utilisé sera considéré comme friche
dès un demi ha. Les dernières études faites en Suisse ont
par contre pris en compte des aires de un hectare et plus. La période de
non-utilisation ou de sous-utilisation doit remonter dans les deux cas à
au moins une année (Rey, 24 février 2005).
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