7.2.2 Eléments
Patrimoine
La prise en compte du patrimoine bâti et symbolique des
lieux permet d'assurer une certaine qualité au quartier. Une
qualité architecturale d'abord, par la réhabilitation de
bâtiments, par l'évocation d'éléments existants dans
la forme ou la typologie des nouveaux bâtiments, ou encore par
l'utilisation de matériaux faisant référence au
passé industriel des lieux. Une qualité urbanistique ensuite, par
l'intégration du nouvel aménagement à son environnement:
on ne fait pas table rase du passé, mais on cherche à inscrire le
site dans une continuité tant spatiale que temporelle.
La conservation du patrimoine bâti ne concerne pas
seulement la mise en valeur des bâtiments classés; à
Crêt-Taconnet par exemple, aucun bâtiment ne faisait l'objet d'un
intérêt architectural ou historique selon le registre du
patrimoine. Mais Bauart a souhaité conserver la façade du
bâtiment A, ce qui donne aujourd'hui sans aucun doute une qualité
architecturale au quartier vu depuis la rue de Crêt-Taconnet.
La conservation du patrimoine ne se limite pas non plus au
bâti: elle peut également concerner certains
éléments typologiques du site. Pour les secteurs de gare, ce sont
prioritairement le tracé des rails, la topographie plate, voire souvent
la présence d'un mur de soutènement.
Les rails et le mur constituent des coupures: à
Crêt-Taconnet, ces deux éléments ont été mis
en valeur. Bauart, dans le concours pour l'OFS, a été un des
seuls bureaux primés à assumer pleinement la trace du rail (Rey,
conférence), en ne construisant pas au-dessus des voies mais au
contraire en les soulignant par la forme du bâtiment. Le tracé des
rails et le mur de soutènement sont d'ailleurs décrits comme des
éléments ayant une valeur urbanistique en soi par la conception
directrice (Feddersen et Klostermann, 1994 (I)). La mise en valeur et la
conservation de ces éléments de « coupure » impliquent
cependant la
13 Le secteur Gare/Crêt -Taconnet est desservi par une
station de bus délocalisée au nord des voies depuis le
réaménagement de la place de la gare et la création du
funiculaire en 2002. Cette station est accessible par des passages
aériens et souterrains. La création d'une nouvelle ligne de bus
desservant directement la gare est cependant souhaitée afin de renforcer
la desserte du nouveau quartier en transports publics.
création de liaisons piétonnes telles que
passerelles ou escaliers afin de rendre ces obstacles aisément
franchissables pour les piétons. Il est intéressant de voir
qu'aux Eaux- Vives, le mur de soutènement sera probablement voué
à disparaître, étant considéré avant tout
comme un élément de rupture artificiel (Cottet, entretien). Il ne
s'agit donc pas de recommander l'une ou l'autre option - tant au niveau des
rails que du mur - mais plutôt de montrer que ce qui fait la
qualité d'un site dépend de facteurs subjectifs. C'est pourquoi,
lors d'une analyse urbanistique des lieux, il est essentiel de connaître
l'opinion de la population du quartier sur ce qui, pour elle, constitue
l'identité du site.
Enfin, une « continuité fonctionnelle » des
lieux devrait être favorisée . Bien évidemment, les
fonctions ferroviaires et industrielles de la friche ne sont plus
opérationnelles; mais d'autres fonctions, plus informelles, sont
assumées par ces espaces en friche. Aux Eaux- Vives par exemple,
l'espace végétalisé des voies est utilisé comme
lieu de promenade; en faisant du périmètre CEVA un
itinéraire piéton et cycliste, le projet reprend cet usage, et
permet ainsi au site d'assumer cette continuité fonctionnelle.
Espaces publics
La présence d'espaces publics est déterminante
dans la qualité d'un aménagement. C'est la qualité des
places et des rues qui font pour beaucoup qu'un quartier est vivant et
agréable à fréquenter. Les espaces publics sont par
définition faits pour l'échelle humaine car se sont des lieux de
passage et de rencontre pour les piétons. Il est donc essentiel de
traiter les espaces vides entre les bâtiments comme des espaces à
part entière, et non comme des espaces interstitiels ou
résiduels.
La création d'espaces publics reliés par des
cheminements piétons et cyclistes est donc importante: ensemble, ces
espaces constituent un réseau qui permet au piéton de se
déplacer facilement et agréablement à l'intérieur
du périmètre. Des bonnes liaisons entre le nouveau quartier et
les quartiers avoisinants permettent en outre son intégration
morphologique.
La qualité de ces espaces publics tient à
différents éléments, que l'on peut d'ailleurs observer
à Crêt-Taconnet: le traitement de la surface, le mobilier urbain,
la lumière ou encore le rapport au bâtiments.
Le traitement de la surface s'est fait en une seule
unité: l'espace de l'Europe par exemple a été conçu
comme l'ensemble de la surface s'étendant jusqu'aux pieds des
bâtiments. La place Gérard-Bauer s'ouvre elle aussi jusqu'à
l'Espace culturel de la tour de l'OFS (Figure 20). Les ruptures sont ainsi
évitées - revêtement, dénivellations - et un espace
public qualifié est fait de tout l'espace non occupé par des
bâtiments. Il n'y a donc plus d'espaces résiduels. Cette
manière de concevoir les espaces publics montre qu'il est possible
d'avoir des fortes densités sans porter atteinte aux espaces publics, et
ce en faisant de l'ensemble de la surface non construite une surface
qualifiée. Le fractionnement des espaces publics est également
évité par un mobilier urbain inadapté, difficile à
franchir ou rendant l'orientation malaisée.
Figure 20. Traitement de la surface des espaces
publics. A gauche, la place Gérard-Bauer depuis l'entrée
de la tour OFS. A droite, l'Espace de l'Europe depuis le pied de la tour.
La luminosité joue également un rôle
important, peut-être plus pour l'aménagement des rues que des
places, ces dernières étant plus aisément exposées
à la lumière naturelle. Concevoir des bâtiments qui
laissent passer la lumière naturelle, comme cela sera le cas pour la
barre multifonctionnelle, permet de donner une meilleure attractivité
aux liaisons piétonnes calibrées par des bâtiments d'une
certaine importance, tant en longueur qu'en hauteur.
Bâtiments
Outre les considérations énoncées
relativement à la réhabilitation des bâtiments, ainsi
qu'à la prise en compte du patrimoine typologique par la forme ou par le
matériau de construction, deux éléments sont à
prendre en compte concernant les bâtiments: le rapport à la rue,
et l'affectation des rez-de-chaussée.
Le rapport qu'entretiennent les bâtiments avec les
espaces vides, rues et espaces publics, est important parce qu'il participe
à la qualité de ces espaces. Ce qui fait l'agrément des
rues médiévales par exemple n'est pas seulement
l'esthétique des bâtiments, mais aussi le rapport qu'ils
entretiennent avec l'espace public. Il n'y a souvent pas de trottoir, les
portes se situent directement sur la rue, sans qu'un élément
intermédiaire - jardin, seuil ou marches - ne fasse écran (Figure
21). Ainsi, un lien direct entre les bâtiments et les espaces publics
donne une véritable « qualité urbaine » au site.
Figure 21. Rapport des bâtiments à la
rue
L'affectation des rez-de-chaussée a également un
impact sur l'urbanité des lieux (Figure 22): la présence
d'activités ouvertes sur la rue, telles que commerce ou cafés,
permet
d'une part une meilleure animation des rues durant la
journée, mais aussi un plus grand sentiment de sécurité
durant la nuit que s'il s'agit de bureaux ou de logements. Il est de ce point
de vue regrettable que les rez-de-chaussée du périmètre
est de Crêt-Taconnent soient, faute de marché, finalement
affectés au logement. Cependant, la situation de forte pénurie de
logement en ville de Neuchâtel explique en partie la priorité
donnée à cette affectation.
Figure 22. Affectation des rez-de-chaussée du
périmètre sud à des activités tertiaires Type
d'activités
La reconversion de friches mène
généralement à une plus-value foncière du fait de
la présence d'activités tertiaires; il convient donc que cette
plus-value soit redistribuée à la collectivité d'une
manière ou d'une autre. La Loi sur l'aménagement du territoire
cantonale de Neuchâtel prévoit un versement équivalent
à 20% de la plus-value en cas de déclassement d'une zone
non-constructible en zone constructible sur un fond étatique; ce fonds
participe aux procédures d'expropriation ou à la correction des
constructions agricoles non conformes. Aucun versement n'est par contre
prévu lors de la densification de terrains en zone à bâtir.
Seulement cette redistribution peut prendre d'autres formes: des emplois pour
la population indigène, des infrastructures de quartier, voire, si le
site est stratégique, des infrastructures régionales, tant
sportives que culturelles, administratives ou d'éducation.
D'autre part, le site doit pouvoir être investi par la
population locale, ne pas rester étranger à la ville. A
Crêt-Taconnet, il était par exemple projeté de créer
un restaurant accessible au public au sommet de la tour de l'OFS. Cette
infrastructure aurait permis d'offrir un point de vue unique sur la ville, le
lac et les Alpes, et aurait sans aucun doute rencontré un vif
succès de la part tant de la population que des touristes. Cependant,
l'aménagement d'accès publics dans une tour ainsi que des
questions de sécurité et d'entretien ont fait renoncer le
maître d'ouvrage à l'aménagement de cette infrastructure.
Soucieux cependant que le bâtiment de l'OFS ne soit pas
complètement étranger à la ville, divers responsables de
l'OFS ont alors souhaité la création de l'espace culturel au
rez-de-chaussée, en lien avec l'espace public extérieur
(Thiébaud, entretien).
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