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Potentiel des friches industrielles des secteurs de gare pour un développement urbain durable

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par Marianne Thomann
Université de Lausanne - Licence ès Lettres 2005
  

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6.4 Obstacles

La friche industrielle du secteur Gare/Crêt-Taconnet, à la fin des années 1980, avait perdu sa vocation originelle. Une partie des infrastructures ferroviaires et des bâtiments industriels abritaient des activités transitoires. Bien que le secteur secondaire soit relativement bien développé dans la région de Neuchâtel, le site n'attirait pas de nouvelles industries; la vétusté des bâtiments, l'impossibilité de s'agrandir, le coût des terrains dissuadaient probablement les entreprises. Ces terrains, malgré leur localisation centrale, souffraient donc d'un manque d'attractivité.

Selon Rey, l'élaboration et la concrétisation d'un projet sur ce site ont été relativement complexes du fait que le secteur était en milieu urbain, et donc inséré dans un tissu déjà bâti, ainsi que du fait qu'il s'agissait d'une friche (entretien). En effet, la constitution d'une friche implique un déclin des activités en présence; renverser la tendance et amorcer une revitalisation demande une volonté forte et la convergence des différents intérêts. Une fois le processus de reconversion engagé, une véritable dynamique de projet doit encore s'instaurer pour permettre la concrétisation du projet sur le long terme.

De manière plus générale, l'architecte relève encore un troisième obstacle lié au manque de leviers financiers; un projet en milieu urbain, nécessairement plus complexe qu'en site vierge périphérique, ne bénéficie pas forcément en Suisse de soutiens financiers directs pour aider à son développement initial.

Les sondages de sol effectués n'ont révélé aucune contamination; seules quelques pollutions mineures, inévitables, ont dû être traitées. Le secteur de la gare n'a, selon les archives, pas connu d'accidents ferroviaires qui auraient pu contaminer les terrains. De ce fait, l'incertitude face à la contamination a très tôt été écartée, et les coûts d'assainissements limités.

La reconversion du secteur couvert par le PQ Est s'est par contre heurtée à la multiplicité des propriétaires.

Au nord, quatre propriétaires fonciers étaient concernés. Les limites parcellaires ne correspondaient pas au projet dans le PQ Est, et ont dû être modifiées par des échanges de terrains résultant de nombreuses négociations.

Au sud, la Ville n'avait en face d'elle qu'un seul propriétaire, le Consortium; et pourtant, les visions concernant l'affectation ainsi que la densité étant divergentes, les deux acteurs ne parvenaient pas à un accord. Ce type de blocage, issu des « contradictions » de la LAT soulevées au chapitre 3.3.4, résulte en effet des conflits entre la garantie de la propriété privée qui exige des compensations financières en cas de déclassement - ce que les autorités n'ont pas les moyens de faire le plus souvent -, et le mandat assigné aux collectivités publiques d'aménager le territoire de manière judicieuse et rationnelle - ce qui ne va pas toujours de pair avec les volontés des propriétaires fonciers.

Le zonage est également en cause: le classement en zone industrielle permettant des indices de construction plus élevés, le déclassement des friches en zone « de ville » peut ne pas être vu d'un bon oeil par les propriétaires, en l'occurrence par le Consortium.

d'abord, celle fédérée par un habitant du quartier situé au nord des rails, qui s'est opposé à la construction de la tour de l'OFS, haute de 15 étages, et ce à plusieurs reprises. Une pétition fut lancée pour contrer la construction de la tour, mais elle ne récolta pas suffisamment de signatures, et l'opposition n'eut pas de suites. Il semble donc que la tour n'ait pas été négativement perçue par la majorité de la population. Une seconde opposition émana des voisins vivant à l'est du périmètre; elle ne visait pas directement le projet, mais demandait l'amélioration de la sécurité de la rue de Crêt-Taconnet, passablement dangereuse pour les piétons et les cyclistes. La Ville s'engagea à ce que cela fût fait; des études ont, depuis lors, été entreprises pour trouver une solution à la gestion de la mobilité (Ville de Neuchâtel, 2001). Rey souligne qu'un projet de densification peut rencontrer une opposition parfois vive des voisins directs, ce qui rend nécessaire une communication accrue au sujet du projet. La demande de permis de construire des Hautes Ecoles n'a ainsi fait l'objet d'aucune opposition, fait relativement rare pour un projet d'environ 50 millions en milieu urbain.

Pour le secteur sud, trois oppositions se sont manifestées (Coquillat, entretien). La première, soulevée par le propriétaire de la parcelle au sud-est de l'actuelle place Bauer, concernait des questions d'application de gabarits et fut réglée en séance de conciliation. La deuxième émanait du propriétaire à l'est de la parcelle de la Ville pour le même type de raisons, et fut réglée de la même façon. Quant à la troisième, elle fut lancée par le Junior College (au sud de l'actuelle place Gérard-Bauer) lors de la demande du permis de construire; la transparence des fenêtres de la façade ouest du premier bâtiment de logement (en diagonale par rapport au Junior College) ainsi que l'utilisation du sud de la parcelle où allait s'ériger la Place Gérard Bauer en étaient les objets. La résolution de ces oppositions demanda plusieurs mois de négociations. Selon Coquillat, bien que ces points eussent été discutés lors de l'élaboration du plan de quartier, certains détails étaient restés ouverts, empêchant ainsi d'exclure tout risque d'opposition (entretien). Une consultation plus poussée des voisins durant l'élaboration des plans aurait cependant dans les trois cas probablement permis d'éviter les oppositions.

Nous voyons que l'imbrication d'une multitude de projets impliquant une multitude d'acteurs, et ce sur un secteur couvert par trois plans de quartier indépendants, a constitué un obstacle pour la cohérence globale du quartier.

La coordination des différents projets au niveau architectural, urbanistique et infrastructurel s'est en effet révélée complexe à gérer. Architecturalement d'abord, les gabarits, les hauteurs et les typologies des bâtiments sont contraints les uns par les autres. En termes urbanistiques, la gestion des espaces non construits est rendue complexe du fait de leur caractère transversal. Les places et les cheminements piétonniers d'un périmètre ne peuvent en effet être traités sans être mis en relation avec les périmètres voisins; cela est encore plus évident à l'échelle de la parcelle. La ruelle comprise entre l'OFS et la future barre nord par exemple est à cheval sur deux parcelles; elle est de plus transversale à toute la partie Nord, reliant les deux périmètres Ouest et Est, autrement dit la gare aux logements et Hautes Ecoles. Il va sans dire que la qualité de cette ruelle aura un impact sur la « réussite » du quartier Est.

Au niveau de la création d'infrastructures d'autre part, la multiplicité des maîtres d'ouvrage au nord a rendu complexe la recherche de solutions communes. Bauart a notamment proposé la création d'un parking commun aux différents bâtiments afin de réduire potentiellement certains coûts, d'améliorer la qualité urbanistique des espaces extérieurs et de mieux gérer les différents flux générés par le futur quartier (Ryter et Rey, 2002: 19). Ce projet est confronté à des questions de financement et de gestion, d'autant plus que les quatre «utilisateurs » - OFS, barre nord, HEG/CMN et logements - sont à des stades de réalisation très différents.

Si de tels principes d'optimisation apparaissent relativement aisés à développer au niveau conceptuel, il faut cependant souligner que leur concrétisation nécessite ensuite un suivi et une coordination particulièrement importants. Il s'agit en effet de parvenir à concilier non seulement les besoins propres à chaque usager, mais aussi les exigences liées aux différentes étapes de réalisation (Ryter et Rey, 2002: 19).

Cependant, grâce à la mise en place d'une structure d'échange et de négociation efficace entre les différents maîtres d'ouvrage, ce projet de parking global verra très probablement le jour.

Nous retirons de l'exemple de Crêt-Taconnet que la reconversion de friches industrielles des secteurs de gare est difficile à initier parce qu'il s'agit de secteurs en déclin, et est complexe à gérer parce qu'il s'agit de terrains urbains, et ce à trois niveaux.

Premièrement, par la présence de contraintes déterminées par l'environnement construit, ainsi que par les caractéristiques spatiales des lieux (vue sur le lac, mur, rails par exemple).

Deuxièmement, par une division du foncier en parcelles qui se prête mal à un projet global, à l'échelle du quartier, tel que promu par les plans de quartiers. Ces instruments sont donc particulièrement difficiles à mettre en oeuvre en milieu urbain.

Enfin, par le fait que l'insertion d'un nouveau quartier en milieu urbain pose également des problèmes à l'échelle de la ville, et ce particulièrement en termes de circulation. Les études entreprises afin de trouver une solution à la sécurité de rue Crêt-Taconnet (Ville de Neuchâtel, 2001) montrent que la création d'un sens unique sur ce tronçon se répercute sur le reste de la ville, et ce de manière différente selon le périmètre envisagé (secteur, quartier, ville). Ainsi, des impacts positifs en termes de sécurité, d'écologie, de bruit et de fluidité du trafic dans un périmètre peuvent se révéler potentiellement négatifs dans un autre.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe