6.1.1 Etalement urbain
La ville de Neuchâtel s'étend: c'est le constat
que l'on fait à la lecture de l'étude réalisée par
Rérat sur les dynamiques territoriales de la région urbaine
neuchâteloise (Rérat, 2004). L'auteur constate que la
région urbaine de Neuchâtel1 est en proie aux
processus
1 La région urbaine de Neuchâtel est
définie par Rérat comme suit: une zone centrale est
constituée des deux pôles d'emplois de Neuchâtel et de
Marin-Epagnier ainsi que des communes dont 40% des actifs pendulent vers l'un
de ces deux pôles; ensuite, les communes dont 40% des actifs
caractéristiques de l'étalement urbain:
déconcentration de la population et de l'emploi depuis les années
1970 dans les couronnes urbaines successives, affaiblissement
démographique de la ville-centre et périurbanisation de
territoires ruraux. Se basant sur les définitions de Schuler et
Jemelin2, Rérat définit la région urbaine comme
un ensemble structurel et fonctionnel dont le processus constitutif est la
périurbanisation. Le terme de « région urbaine »
s'oppose à celui d' « agglomération » dont la dynamique
principale est la suburbanisation, et qui définit donc un ensemble
caractérisé par une continuité du bâti (Tableau
4).
L'auteur relève que l'urbanisation s'est faite au
détriment de terres agricoles utiles: en une dizaine d'années
(relevés de 1979/82 et de 1990/94), 433 ha de terrains ont
été urbanisés et 396 ha de surfaces agricoles ont disparu,
la différence étant due à un gain de surfaces
boisées (+6%) et une perte de surface improductives (-43%). Si les aires
industrielles jouent un rôle dans cette diffusion de l'urbanisation en
dehors de la zone à bâtir avec 55 ha, les aires de bâtiment
l'emportent largement avec plus de 200 ha. La diffusion de l'habitat endosse
donc un rôle primordial dans la dynamique de l'étalement de la
région urbaine de Neuchâtel.
Un phénomène de ségrégation
socio-spatiale est également observé par Rérat; le centre,
Neuchâtel, concentre les classes sociales de faible revenu
économique. En effet, les personnes âgées, les familles
monoparentales, les personnes sans emploi, les étrangers sont des
catégories sous-représentées dans les couronnes. Une autre
tendance, plus récente, est à la concentration de certaines
catégories socio-professionnelles supérieures dans le centre,
autrement dit à une gentrification de certains quartiers centraux par
des personnes de haute formation travaillant dans les services.
L'émergence de cette dernière catégorie en ville est
liée aux processus de régénération, voire de
rénovation urbaine et à la création de logements plus
spacieux et souvent plus luxueux. Le retour de ces catégories
aisées dans les communes centres pose la question cruciale de la
mixité sociale dans les nouveaux quartiers.
Enfin, l'auteur constate que la mobilité a fortement
augmenté durant ces dernières décennies, tout
particulièrement les flux tangents3, ce qui est d'autant plus
regrettable que ces trajets peuvent difficilement être effectués
en transports publics (Tableau 4).
travaillent dans cette zone centrale sont également
agrégées. Au total, 42 communes constituent la région
urbaine de Neuchâtel.
2 Schuler et Jemelin, 1996, Régions urbaines et
agglomérations, in Raisons et déraisons de la ville,
sous la directions de Jacoud, Schuler et Bassand.
3 Les flux tangents, par opposition aux flux radiaux, sont
l'ensemble des déplacements d'un point à un autre de la
région urbaine, le centre excepté.
Tableau 4. Evolution des flux pendulaires entre les
entités de la région urbaine (1970-2000). Par exemple,
en 2000, 189,87 % de trajets professionnels supplémentaires (par rapport
à 1970) sont effectués par les résidents de la
3ème couronne à destination de Neuchâtel. Au
total, toutes entités confondues, les flux pendulaires ont
augmenté de 65.92 %.
Domicile/Travail
Neuchâtel
1ère couronne 2ème couronne 3ème
couronne
|
Neuchâtel
0
7.87 52.37 189.87
|
1ère couronne
33.58 14.48 152.33 279.8
|
2ème couronne
105.22 150.89 34.3 218.21
|
3ème couronne
128.15 156.38 184.23
32.6
|
Total
62.96 21.79 69.25 129.42
|
Total
|
53.06
|
69.86
|
97.82
|
74.08
|
65.92
|
(tableau d'après Rérat, 2004)
Notons encore qu'une corrélation significative positive
est relevée par l'auteur entre la densité nette des communes et
l'utilisation des transports publics pour les déplacements
professionnels. La densité favorise également la part de
déplacements à pied ou cyclistes, alors qu'elle est
négativement corrélée de manière significative avec
les déplacements automobiles (Figure 21).
Figure 21. Densité et choix modal
(Rérat, 2004)
La région urbaine de Neuchâtel est donc proie
à un processus d'étalement urbain tel que nous l'avons
défini dans la partie théorique. Pour l'anecdote, ce constat
n'aurait pas déplu à un certain auteur neuchâtelois des
années 1940 qui, contexte oblige, voyait dans l'étalement de la
ville de Neuchâtel et de ses zones industrielles une judicieuse
alternative à la concentration de l'urbanisation, et ce afin de diminuer
les dangers des
bombardements aériens (Guye, 1940). Aujourd'hui
cependant, l'étalement et les nuisances qu'il entraîne ne sont
plus considérés comme une option souhaitable.
Afin de freiner cette tendance et de diriger le
développement de l'agglomération ainsi que de la région
urbaine neuchâteloise vers plus de durabilité, le
développement de l'urbanisation à l'intérieur du tissu
bâti et la coordination de ce développement avec le réseau
de transport public constituent deux moyens d'action prioritaires. La
reconversion de la friche industrielle du secteur de gare de
Crêt-Taconnet est un exemple de la concrétisation de ces
politiques territoriales au niveau communal. Au niveau cantonal, le
développement du RUN (Réseau urbain neuchâtelois), qui vise
à constituer une agglomération de 120'000 habitants afin de
recevoir les subventions fédérales dans le cadre de la politique
des agglomérations, est de bon augure pour un développement
urbain plus durable, notamment en terme de mobilité. En effet, un projet
de liaison en transport public attractive entre les deux agglomérations
de Neuchâtel et du Locle-La Chaux-de-Fonds - le Transrun - est en cours;
actuellement, dû au rebroussement de Chambrelien, il faut 31 minutes en
train (express !) pour se rendre de Neuchâtel à La Chaux-de-Fonds,
contre une quinzaine de minutes par l'autoroute J20 qui traverse la
Vuedes-Alpes. D'autre part, le concept d'agglomération permet de
gérer les problèmes à l'échelle territoriale
où ils se présentent. Il vise notamment à une meilleure
coordination et à une meilleure gestion du développement
économique, de la répartition des infrastructures ainsi que de
celle de la population à travers le territoire neuchâtelois.
|