5.1.4 Enseignements
Deux type d'enseignements peuvent être tirés de
cette étude de cas: certains sont relatifs aux mesures de densification
de l'agglomération dans une optique visant à freiner
l'étalement urbain; d'autres sont relatifs à la mise en oeuvre
d'un projet sur une friche ferroviaire et industrielle,
Tout d'abord, l'exemple du site des Eaux-Vives montre
l'importance du potentiel représenté par les friches
industrielles des secteurs de gare: dans le cas de Genève, ces terrains
- les Eaux-Vives et La Praille - sont les seules surfaces constructibles en
ville, c'est-à-dire dans le périmètre formé
par le centre et la première couronne. La ré- émergence du
projet CEVA, et l'attention portée à la densification des espaces
autour de ses haltes et stations, montre également que la volonté
fédérale de structurer les agglomérations par les
transports publics se concrétise au niveau régional. La
présence de friches aux deux endroits cités ci-dessus permet la
création de quartiers denses et aménagés selon la
conception actuelle de l'urbanisme: mixité, qualité des espaces
publics, intégration dans le cadre environnant et soin des cheminements
piétonniers et cyclistes.
L'étude du contexte genevois est d'autre part
intéressant au vu des précédentes réflexions
théoriques sur la forme urbaine. Le modèle d'une ville
mono-centrique et contenue à l'intérieur de sa zone à
bâtir a été jugé irréaliste par les
autorités genevoises; un modèle de densification
différenciée en fonction des caractéristiques des espaces
(centre historique, couronnes, zones villas), avec des possibilités
d'extension sur la zone agricole, a donc été choisi pour le
développement futur de l'agglomération (Annexe 1). Un potentiel
existe pourtant encore à l'intérieur de la zone à
bâtir (densification de la 2ème couronne et de certains secteurs
de la zone villa); mais la crise du logement, particulièrement forte
dans la région genevoise, pousse à trouver des solutions rapides.
Selon Cottet, les possibilités offertes par la deuxième couronne
ne résoudront en effet pas la crise du logement: la densification
possible à l'intérieur des PLQ existants se limite à des
extensions (étages supplémentaires), et les PLQ non encore
réalisés n'aboutiront qu'après de longues
procédures (obtention des permis de construire notamment). Quant
à la modification du régime de zone des quartiers villas en zone
III de développement, qui permet des indices plus élevés,
elle se heurte aux oppositions des propriétaires. Ce
potentiel-là, qui représente 50% des possibilités de
construire, ne sera donc pas disponible à court terme.
Enfin, le contexte genevois montre les difficultés
auxquelles se heurte une politique de densification en terme
d'acceptabilité. Le déclassement des communaux d'Ambilly, l'un
des sites choisis par le canton pour l'extension de la zone à
bâtir, illustre très bien les inquiétudes,
justifiées ou non, qui émergent face à la densification:
le type de population, la typologie des bâtiments, le financement des
infrastructures nécessaires, une desserte suffisante en transport public
sont dans la zone de mire. La gestion de ces questions est primordiale dans
l'acceptabilité politique de ces nouveaux quartiers, dont la
réalisation ne pourra être remise en question (débat
Thônex, 6 juin 2005). Cet exemple rappelle à quel point il est
essentiel que les projets issus d'objectifs cantonaux d'aménagement du
territoire soient élaborés en concertation avec les communes, les
associations et les habitants concernés. La capacité des
autorités à prendre en compte, dans toute la mesure du possible,
les intérêts des acteurs concernés joue un rôle
prépondérant dans la perception d'un projet de densification.
Concernant le projet de réaménagement des
Eaux-Vives, nous retiendrons trois enseignements. Le premier découle de
l'amorcement du processus de reconversion de cette friche: sans le projet CEVA,
ce site serait très probablement resté tel quel. En effet, le
morcellement du périmètre par les rails rendait une tentative de
valorisation du site complexe. D'ailleurs, bien qu'aujourd'hui une dynamique de
projet se soit mise en place sous l'impulsion des autorités communales,
la concrétisation d'un réaménagement reste
dépendant de la réussite du projet CEVA, encore incertaine
puisque l'engagement financier de la Confédération n'est pas
encore assuré.
Le second a trait à la densité et à son
acceptabilité. Les autorités ont établi une concertation
des partis politiques et des associations du quartier des Eaux-Vives; il en est
ressorti une volonté de densifier à plus de 1,5. Les
autorités en ont été surprises (MassotBraun, entretien);
cependant, elles ont souhaité s'en tenir à cet indice pour l'
instant, qui découle du projet actuel (Figure 16). Ainsi, cet exemple
montre que la densification ne se
heurte pas forcément à l'opposition de la
population, pour le moins lorsqu'il s'agit d'un quartier urbain situé
dans une agglomération en proie à une importante crise du
logement.
Enfin, ce projet nous montre plus généralement
les difficultés inhérentes à la reconversion d'une friche
industrielle intra-urbaine: la délocalisation d'entreprises actives, la
conservation du patrimoine, l'intégration du nouvel aménagement
au quartier (gestion des flux) - par exemple le souhait d'élargir le
tronçon ouest de l'avenue de la Gare pour permettre le passage d'un bus
se heurtant à la destruction de maisons du 19ème
siècle de valeur - rendent la concrétisation d'un projet
complexe. Le fait que les autorités soient propriétaires de
l'ensemble des terrains facilite cependant grandement la tâche, d'une
part en ce qui concerne l'expropriation des entreprises existantes, d'autre
part au niveau de l'élaboration d'un projet cohérent sur
l'ensemble de la surface.
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