4. Conclusions de la première partie et
hypothèses de travail
1. L'étalement urbain qui caractérise le
développement des agglomérations n'est pas durable. De ce constat
sont issues de nombreuses recherches qui ont tenté de déterminer
si une autre forme pouvait atteindre de meilleurs résultat en termes de
consommation de ressources, de qualité de vie et de viabilité
économique. Un certain consensus a commencé à
émerger récemment sur une forme polycentrique en réseau,
ou déconcentration concentrée, dense, mixte et structurée
par les transports en commun. Pour orienter le développement urbain vers
ce type de forme, la densification du tissu urbain par la
régénération urbaine s'avère être une
stratégie judicieuse. Les friches industrielles des secteurs de gare, en
offrant des opportunités de régénération et de
densification du tissu urbain à proximité de noeuds de transports
publics, constituent donc un potentiel en terme de développement urbain
durable. Cependant, sans la volonté de créer une bonne
qualité de vie lors de projets de reconversion des friches
industrielles, la densification du tissu urbain par la reprise des friches et
par l'utilisation des potentiels existants en zone à bâtir
pourrait mener à augmenter les nuisances urbaines et à
détériorer les conditions de vie en ville, ce qui aurait pour
effet de repousser les habitants et les activités en
périphérie, accélérant ainsi le processus
d'étalement urbain.
Nous posons comme première hypothèse que:
1) La reconversion des friches industrielles des
secteurs de gare peut participer à
freiner l'étalement urbain à
condition de créer des aménagements d'une certaine
densité, ainsi que fonctionnellement et socialement
mixtes
2. L'apparition généralisée de friches
industrielles et leur perduration sont des phénomènes relatifs au
mouvement de désindustrialisation qui touche nos territoires depuis la
seconde moitié du 20ème siècle. La perception
des friches, le discours tenu sur ces terrains ainsi que la manière d'y
intervenir ont évolué au gré des préoccupations
alors dominantes à chaque moment donné. Les sites industriels des
secteurs de gare en particulier, fortement touchés par la
désindustrialisation et le déclin du trafic marchandise par rail,
ont fait l'objet d'un regain d'intérêt avec l'émergence de
préoccupations liées à l'explosion de la mobilité
routière, au réchauffement climatique et plus largement au
développement durable. Les gares et leurs places, symboles de la
modernité à la fin du 19ème siècle, puis
délaissées architecturalement dans les années 1930, et
fonctionnellement depuis des années 1950, sont aujourd'hui
systématiquement mises en valeur, assumant un rôle non plus
seulement de transport, mais aussi commercial et convivial. Les friches
industrielles des secteurs de gare, participant à l'image de ces lieux,
font elles aussi l'objet de réflexions et de projets nombreux, bien que
complexes à concrétiser en raison d'un certain nombre
d'obstacles.
Cette évolution des discours et des pratiques
concernant les gares et leur environnement est prometteur pour une
régénération urbaine dense à proximité des
noeuds de transport public. Seulement, les processus visant à
reconstruire la ville sur elle-même ne doivent pas mener à faire
table rase du passé. Les friches industrielles des secteurs de gare ne
doivent pas être considérées comme des espaces vides, mais
bien comme des lieux à part
entière dont le patrimoine conservé jusqu'ici
raconte l'histoire. Pour que la reprise de friches mène à un
développement urbain durable, il est essentiel que l'identité des
lieux qui sont reconvertis à d'autres usages soit
préservée, gage du sens et de la pérennité du
site.
Nous posons donc comme deuxième hypothèse que:
2) La mise en valeur du patrimoine industriel et
ferroviaire qui fait l'histoire de
ces sites participe à la qualité des
reconversions de friches industrielles des secteurs de gare.
3. Nous avons vu que les stratégies de
développement territorial en Suisse
reposaient sur un modèle polynucléaire de villes
reliées par le rail, sur des agglomérations structurées
par les transports publics où l'urbanisation se fait linéairement
plutôt que de manière diffuse, ainsi que sur la contention de
l'urbanisation par la densification du tissu bâti, en particulier des
espaces bien desservis par les transports publics. Le potentiel offert par les
aires industrielles en friche dans l'ensemble des agglomérations montre
que les opportunités de construire à l'intérieur du tissu
bâti sont importantes. Dans ce contexte, la reconversion des friches
industrielles, et plus spécifiquement des secteurs de gare,
représente un objectif national en terme de développement urbain
durable. Les CFF participent activement à la valorisation de ces sites
par la reconversion de leur patrimoine foncier qui constitue une part non
négligeable des terrains en friches dans les secteurs de gare.
Bénéfique pour la régénération de ces
espaces, la mise en valeur des terrains de gares par les CFF tend cependant
à produire des quartiers gentrifiés qui, bien que mixtes
fonctionnellement, ne le sont pas forcément socialement. De
manière plus globale, la gestion de tels projets par des acteurs
privés ne permet pas de garantir la prise en compte d'objectifs issus
des politiques nationales de développement territorial ou d'objectifs
issus des politiques urbaines des collectivités publiques, que ce soit
en termes de transport, de logement, d'emploi, de qualité des espaces et
de gestion du patrimoine.
De ce constat découle notre troisième
hypothèse:
3) La qualité des projets de reconversion des
friches industrielles des secteurs de
gare dépend de la capacité des pouvoirs
publics à garantir la concrétisation des objectifs d'un
développement urbain durable
4. Toute une série d'obstacles bloquent la
réutilisation immédiate de ces terrains:
pour l'instant, le stock de friches urbaines en Suisse n'est
que très partiellement disponible. Des obstacles liés à la
contamination des sites, à la complexité de réaliser des
projets en milieu urbain, ou encore à la volonté de certains
propriétaires de ne pas construire sur leur parcelle rendent les
terrains de la périphérie plus attractifs et plus rapidement
disponibles pour la construction. Le double constat d'un potentiel important de
densification du tissu urbain et de sa difficile utilisation nous amène
à nous interroger sur les moyens d'action qui permettraient une
utilisation plus systématique des friches industrielles des secteurs de
gare. En effet, la complexité inhérente à la reconversion
de friches industrielles, tant pour des raisons techniques que légale ou
encore liées à la multiplicité des acteurs, rend la
résolution des problèmes et des conflits difficilement
gérable. La participation financière des pouvoirs publics et la
mise en oeuvre d'outils de
gestion et de négociation appropriés donnent une
plus grande chance de succès à la reprise de ces terrains.
Nous posons comme quatrième et dernière
hypothèse que:
4) La concrétisation d'un projet sur les
friches industrielles des secteurs de gare
dépend de la capacité des pouvoirs
publics à contourner les obstacles inhérents à ce type de
terrains
Afin de vérifier ces hypothèses et de
déterminer s'il est possible de densifier le tissu urbain en
concrétisant des projets de qualité sur des terrains à
priori non-disponibles et complexes à gérer, nous nous sommes
penchés sur trois situations de friches industrielles de secteurs de
gares en Suisse romande: le secteur Gare/Crêt-Taconnet à
Neuchâtel, le plateau industriel de Pérolles à Fribourg et
la friche industrielle et ferroviaire du quartier des Eaux-Vives.
L'étude de ces sites dans leurs contextes cantonal et communal, celle
des structures et des outils mis en place pour l'élaboration et la
concrétisation de projets de reconversion, ainsi que l'analyse de la
qualité urbaine de ces projets vont nous permettre de tirer des
enseignements utiles pour la mise en oeuvre de la reconversion des friches
industrielles des secteurs de gare.
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