3.3 Obstacles à la mise en valeur des friches
industrielles
La réhabilitation des friches industrielles est un
processus complexe; malgré leur potentiel en terme de
développement urbain, elles restent massivement inutilisées pour
toute une série de raisons que nous allons aborder ici. Il est important
de connaître les freins qui entravent une réhabilitation
systématique de ces sites, afin de pouvoir développer des moyens
d'action à même de les dépasser. Quatre
éléments paraissent être déterminants
dans la lenteur des processus de
régénération et de densification du tissu urbain par le
biais des friches: le déficit d'attractivité dont elles font
l'objet auprès des investisseurs, la participation des pouvoirs publics,
le manque de données précises et actualisées au sein des
autorités compétentes en matière de développement
urbain, ainsi que certains aspects du cadre légal. Ces obstacles sont
inhérents à ce type de terrains parce qu'ils sont en friche et
parce qu'ils sont en milieu urbain, deux caractéristiques qui
entraînent un certain nombre de coûts et de complications.
3.3.1 Déficit
d'attractivité
La synthèse de l'étude récente sur les
friches industrielles en Suisse (Valda et Westermann, 2004), grâce aux
réponses détaillées de 221 propriétaires, indique
les obstacles suivants (Figure 9):
Figure 9. Entraves à la reconversion en
pourcentage total
(Valda et Westermann, 2004)
La manque d'usagers, la difficulté de reclasser le
terrain et le manque de coup de pouce financier semblent être les trois
critères déterminants dans les difficultés
rencontrées par les propriétaires pour la reconversion de leurs
terrains. Si les coûts d'assainissement ne sont pas cités comme
entrave, c'est, selon les auteurs, qu'ils sont probablement ressentis soit
comme obstacle administratif (ralentissement des travaux), soit comme manque
d'usagers (les coûts sont ressentis comme un obstacle par les
investisseurs), soit qu'ils ont été intégrés dans
le calcul d'investissement, soit encore que les propriétaires pour
lesquels ces coûts représentent un obstacle important n'ont pas
participé à l'enquête. En effet, ces coûts existent
et il serait surprenant qu'ils ne constituent pas un obstacle à la mise
en valeur des friches. La réponse « manque d'usagers »,
citée par 57% des participants, indique le déficit
d'attractivité dont pâtissent les friches industrielles. Ceci dit,
ce déficit d'attractivité touche différemment les friches
selon qu'elles sont situées au centre ou en
périphérie de grandes ou de petites
agglomérations. Les situations centrales, où la pression
foncière est forte, restent attractives pour les investisseurs
comparativement aux friches de la périphérie qui subissent la
concurrence de surfaces vierges plus rapidement disponibles et à
meilleur prix (Valda et Westermann, 2004).
L'OFAT, dans son dossier consacré à
l'aménagement du territoire et des friches industrielles (1/1999),
mentionne cinq obstacles qui peuvent empêcher les projets de se
concrétiser sur ces terrains: le morcellement des
propriétés et la multiplicité des visions pour un
même site, l'incertitude face à la contamination, le prix du sol,
des lacunes dans l'observation des principes de l'aménagement du
territoire ainsi qu'une mauvaise gestion (instruments, procédures) et
enfin une passivité des autorités responsables.
Les trois premiers obstacles sont liés aux
caractéristiques du site en tant que friche urbaine et participent
à son déficit d'attractivité. Les deux derniers sont
liés à l'attitude des pouvoirs publics et à leur
capacité d'élaborer des outils adaptés à la
complexité des projets de réhabilitation de friches urbaines.
Nous y reviendrons au point 3.3.2.
L'état et l'environnement peu attractif des
bâtiments, leur classement en zone industrielle, ainsi que les risques,
avérés ou non, de contamination, rendent difficile la recherche
d'investisseurs. Les friches des secteurs de gare impliquent également
un certain nombre de nuisances qui paraissent de prime abord incompatibles avec
des activités de logement notamment. D'autre part, la
concrétisation de projets en site urbain est rendue complexe par le
nombre de propriétaires et d'acteurs aux objectifs parfois divergents
qu'elle implique et du fait qu'il est toujours plus délicat d'intervenir
sur de l'existant plutôt que sur des terrains vierges. Les projets sont
imbriqués les uns dans les autres, mêlant technique et politique
(Rey, 1993), et les investisseurs privés craignent, à tort ou
à raison, les tracasseries administratives.
Le fait friche et le fait
urbain, par la complexité qu'ils entraînent, portent
atteinte à l'attractivité de ces sites, et ce malgré leurs
qualités. Les friches industrielles des secteurs de gare peuvent donc
être attractives pour les investisseurs, mais leur reconversion
représente un risque, car il s'agit de composer avec l'existence
d'inerties et de contraintes spécifiques de terrains qui, pour
être vacants, (sont) loin d'être immédiatement
disponibles (Chaline, 1999: 35).
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