3.2.2 Développement de l'urbanisation à
l'intérieur du tissu bâti
Une limitation de l'urbanisation hors de la zone à
bâtir est souhaitée pour freiner l'étalement urbain; mais y
a-t-il encore de la place à l'intérieur de cette zone pour le
développement d'activités ? Il est en effet important de se
demander si les opportunités offertes en milieu urbain, notamment par
les friches, sont suffisantes pour répondre à une demande
croissante de surface, non pas tant due à la croissance
démographique qu'à l'augmentation de la surface habitable par
personne, qui a passé de 382 m2 de surface d'habitat et
d'infrastructure par habitant pour la période 1979-85 à 396
m2 en 1992-1997 (site BFS, statistiques de la superficie).
Il faut d'abord savoir que la consommation par l'urbanisation
de surface non imperméabilisée s'élève à
raison de 0.86 m2 par seconde en Suisse. Le développement des
activités se fait donc largement hors de la zone à bâtir.
En 2002, 13% des projets de construction se situaient hors des zones
constructibles6; l'évolution démographique, la
croissance disproportionnée du nombre de ménages, l'augmentation
de la demande de surface habitable par personne créent effectivement une
demande d'espace supplémentaire. Pourtant, les possibilités
offertes par la zone à bâtir suffiraient théoriquement. Sur
les 220'000 ha de terrains constructibles en Suisse, plus d'un quart ne sont
pas encore construits, bien que déjà équipés
(Figure 7). Ces réserves permettraient d'accueillir une population
supplémentaire de 2.5 millions de personnes.
6 Tous les chiffres de cette section sont tirés de ARE,
2005.
Figure 7. Zone à bâtir et surface
d'infrastructure
(ARE, 2005)
La plus grande partie des constructions hors zone à
bâtir se font dans les communes rurales périurbaines ainsi que
dans les communes agricoles; un paradoxe en apparence, puisque ce sont elles
qui possèdent la plus grande part de zones à bâtir non
construites (environ 35%). Mais il faut dire que les constructions
recensées sont en grande part des infrastructures de transport. Quant
à la disponibilité de terrains en zone à bâtir, elle
est fortement réduite par la thésaurisation à des fins
spéculatives, patrimoniales ou d'extension. Il s'agit là d'un
paradoxe relevé par Ruegg et al. (1992): la Suisse connaît un
surdimensionnement général de la zone à bâtir alors
que souvent les cantons font face à des demandes d'extension de la part
des communes. Il y a donc un décalage important entre l'affectation du
sol et son utilisation.
Les agglomérations recèlent elles aussi de
possibilités de construire; cependant, la proportion de terrains non
construits est plus faible que dans les communes rurales (entre 20 et 30% dans
les couronnes, 15 et 25% dans les centres moyens et secondaires, 7% dans les
grands centres). Les experts soulèvent d'ailleurs la question suivante:
on peut légitimement se demander si les réserves de zones
à bâtir se situent aux endroits les plus opportuns, où les
besoins seront les plus importants (ARE, 2005: 36). Cependant, un autre
potentiel de densification existe à l'intérieur de la zone
à bâtir déjà construite, défini comme la
différence entre les indices d'utilisation réels et
autorisés. Pour de nombreuses raisons, il n'est pas réaliste
de vouloir épuiser complètement l'indice d'utilisation, en
particulier dans les zones d'urbanisation constituées au fil du temps.
Il n 'en demeure pas moins que l'ordre de grandeur de ces réserves
intérieures est remarquable (idem: 38). En effet, elles varient
entre 46 et 61% du territoire bâti selon les régions. Les friches
industrielles de plus de un hectare offrent à elles seules un potentiel
de 15,6 millions de m2 (Valda et Westermann, 2004).
La consommation de sol non constructible par l'urbanisation se
fait essentiellement au détriment des surfaces agricoles, ainsi que
de moindre manière au détriment des surfaces
improductives. Les plus grands consommateurs sont les aires de
bâtiments, notamment les maisons individuelles responsables de 32% de
l'augmentation de la surface urbanisée, ainsi que les surfaces de
transport - les deux éléments constitutifs du
périurbain.
En 1996, il est recommandé de stopper l'extension
débordante des agglomérations et de ne bâtir que dans les
zones déjà largement construites (OFAT, 1996). Le projet de 2005
n'est pas aussi restrictif et préconise simplement une urbanisation vers
l'intérieur (ARE, 2005) grâce à l'utilisation des nombreux
potentiels de densifications existants. On notera l'évolution d'un
modèle de ville compacte à un modèle de dens ification
plus souple, permettant des développements à l'extérieur
de la zone à bâtir pour autant qu'ils soient denses et desservis
par les transports publics. Le choix d'un développement de
l'urbanisation entièrement contenue dans la zone à bâtir ou
d'un modèle de développement mêlant densification des
espaces déjà bâtis et nouveaux développements
dépendra donc des choix des collectivités en fonction des
possibilités offertes par leur territoire. L'importance des
réserves foncières en zone à bâtir, la connaissance
précise des potentiels existants et enfin la disponibilité de ces
terrains déterminent ces possibilités. Toujours est-il que la
Confédération, au travers de la stratégie 2002 pour le
développement durable, a fixé comme objectif une stabilisation de
la surface urbanisée par habitant à 400m2 (ARE, 2002);
dans tous les cas les nouveaux développements (hors zone à
bâtir) devront donc être limités et relativement denses.
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