3.2 Les friches industrielles des secteurs de gare, une
chance pour le développement spatial de la Suisse
Les agglomérations en Suisse aujourd'hui
représentent un quart du territoire, près de 1000 communes, 82%
des emplois et 75% de la population (ARE, 2005). Les processus d'urbanisation,
de suburbanisation et de périurbanisation touchent donc l'ensemble du
pays, et non plus seulement des villes isolées et dispersées sur
un territoire rural. Le
développement des villes et des agglomérations
se fait selon le mode de l'étalement, avec tous les problèmes
déjà mentionnés que cela induit. Les tendances
actuelles du développement territorial conduisent le pays sur une voie
contraire aux principes du développement durable (idem: 67).
Dès lors, quelles sont les alternatives possibles?
En 1996, le Conseil fédéral éditait un
rapport de l'OFAT sur les Grandes lignes de l'organisation du territoire (OFAT,
1996): les stratégies proposées reposaient sur un réseau
de villes et d'espaces ruraux, un développement spatial durable et un
développement de l'urbanisation à l'intérieur du tissu
bâti. En 2005, suite aux évolutions territoriales de ces
dernières années, une révision des Grandes lignes est
publiée par l'ARE. Les orientations de base restent valables, mais
l'accélération de certains processus, notamment celui de la
métropolisation, ainsi que les défis grandissants soulevés
par les agglomérations, nécessitent de nouvelles solutions,
synthétisées sous la forme d'un projet de territoire mettant
la Suisse sur la voie d'un développement durable et
équilibré (ARE, 2005).
En nous appuyant sur ces deux documents, nous allons exposer
en quoi les friches industrielles des secteurs de gare représentent une
chance dans le modèle de développement spatial souhaité
pour la Suisse.
3.2.1 Les tendances du développement territorial
L'urbanisation de la Suisse se fait selon le mode de
l'étalement. La différence entre ville et campagne n'est plus
aussi nette qu'autrefois, car les bassins de vie des villes centres comprennent
des territoires de plus en plus distants que les infrastructures de transport
permettent de joindre rapidement. L'urbanisation ne concerne plus seulement les
villes, mais bien l'ensemble du territoire. Les agglomérations
s'étendent et avalent les communes rurales, qui deviennent urbaines sans
acquérir d'urbanité. Elles se transforment en effet en vastes
zones de constructions de faible densité, mêlées à
des secteurs d'agriculture et de nature {...} qui s'organisent sans
souci de création d'espaces publics, en profitant des gains
d'accessibilité assurés par les grandes infrastructures de
transport (ARE, 2005: 7). L'étalement et ses conséquences -
forte consommation de sol, ségrégations fonctionnelle et sociale,
dépassement des limites institutionnelles, production d'espaces
déstructurés, explosion de la mobilité individuelle
motorisée - assurent un développement non viable à nos
agglomérations. D'autre part, à cause de l'exiguïté
du territoire suisse, les agglomérations, en s'agrandissant, tendent
à se rejoindre. Ce processus de métropolisation des
régions urbaines nuit à la conservation du paysage rural, mais
aussi au dynamisme économique des régions
périphériques. L'équilibre du réseau de petites,
moyennes et grandes villes suisses qui fait la structure du pays est lui aussi
menacé par une tertiairisation et une polarisation croissante des
grandes agglomérations de Zürich d'abord, de Bâle et des
villes lémaniques ensuite.
Face à ce constat, l'alternative proposée en
1996 par l'OFAT est celle d'un réseau polycentrique des villes suisses.
Pour freiner l'étalement urbain, trois mesures sont proposées: la
rénovation et revitalisation des villes, la limitation de l'extension
des agglomérations à l'intérieur de la zone à
bâtir et la structuration des zones urbanisées par un
réseau de transport public (OFAT, 1996: 37).
Ce modèle de développement polycentrique au
niveau national repose sur le rail. Il est basé sur la mise en
réseau des grandes agglomérations d'une part, qui, ensemble,
peuvent rivaliser avec les grandes métropoles européennes. La
connexion des villes suisses doit aussi permettre une décentralisation
des fonctions, une répartition des investissements et de la population
pour empêcher le développement de conurbations
problématiques à gérer. L'équilibre du
réseau doit donc être préservé pour garantir une
plus grande compétitivité et une meilleure qualité de vie.
Le développement à proximité des noeuds
ferroviaires {est présenté comme} l'une des conditions
préalables à la mise en place d'un réseau de villes
reliées par le rail (idem: 45).
La stratégie proposée repose d'autre part sur
une rénovation et une revitalisation des villes pour que l
'attractivité économique ne porte pas ombrage à la
qualité du cade de vie de leurs habitants (idem: 46), le
développement des agglomérations à l'intérieur de
la zone à bâtir et un réseau de transport public comme
structure du développement (Figure 5):
Figure 5. Schéma des divers scénarios
d'évolution de l'urbanisation
(OFAT, 1996)
La révision des lignes directrices de 1996
proposée par l'ARE en 2005 développe un projet de territoire
(ARE, 2005: 88) plus complexe mais dont les principes de base sont
conservés. Il fonctionne sur une superposition de réseaux
à différentes échelles:
· la compétitivité des
agglomérations de Zürich, Bâle et Genève et leur
connexion aux métropoles mondiales grâce aux aéroports
et à la communication virtuelle
· un réseau de métropoles (Zürich,
Bâle, Genève-Lausanne) et de villes reliées au
réseau européen par les liaisons autoroutières existantes
et ferroviaires à grande vitesse à terminer
· un réseau urbain stratégique de villes
non métropolitaines; réseaux auxquels les centres touristiques
alpins et les centres ruraux et bourgs doivent eux-mêmes être
connectés
· chaque métropole fonctionne de manière
polycentrique.
Ce projet de territoire a été
développé grâce aux apports et aux limites de quatre
scénarios de Suisses possibles à l'horizon 2030, cherchant
à éviter une polarisation excessive du développement dans
les trois plus grandes agglomérations (scénario 1), à
éviter la continuation des tendances actuelles néfastes de
l'étalement (scénario 2), tout en se basant sur un réseau
polycentrique dynamique (scénario 3) qui ne délaisse pas les
régions périphériques (scénario 4) (Figure 6).
Figure 6. Scénarios de développement
territorial. De haut en bas et de gauche à droite:
scénario 1, un territoire fortement polarisé; scénario 2,
un territoire émietté; scénario 3, un territoire
multipolaire et des espaces délaissée; scénario 4, des
territoires acteurs de leur développement.
(ARE, 2005)
Le modèle de développement polycentrique en
réseau est donc la forme urbaine proposée pour cette «
Suisse urbaine » dans son ensemble ainsi que pour ses villes et
agglomérations. Elle semble en effet assez convaincante pour assurer un
développement plus durable du territoire, comme nous l'avons vu au
chapitre précédent. Dans un tel contexte, les friches
industrielles des secteurs de gare ont un rôle vital à jouer.
La
structuration tant des agglomérations que du
réseau de villes suisses par les transports publics et le rail
confèrent aux secteurs de gare une importance tout à fait
particulière, puisqu'ils sont à la fois noeuds d'un réseau
national, portes d'entrée des villes et pôles de densification.
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