La responsabilité civile des organisateurs de loteries commerciales( Télécharger le fichier original )par Roger LANOU Université de Ouagadougou - Maà®trise en droit des affaires 2003 |
CHAPITRE II LES AUTRES FONDEMENTS POSSIBLESLa responsabilité de l'organisateur de loteries commerciales, annonceur de messages de gain de sommes d'argent, n'a pas pour seul fondement le délit de l'article 1382 du Code civil. En effet, de nombreuses décisions, aussi bien de la Cour de cassation, que des Cours d'appel et Tribunaux français, ont fondé cette responsabilité soit sur une faute contractuelle, présupposant donc l'existence d'un contrat (ou d'un engagement unilatéral) (Section 1), soit sur un quasi-contrat (Section 2). Il y a lieu de souligner là aussi le contrat apparent, proposé par certains auteurs51(*) comme fondement à cette même responsabilité. SECTION 1 LE CONTRATLe contrat a été introduit comme fondement de la responsabilité des sociétés organisatrices de loteries publicitaires par un arrêt de première Chambre civile de la Cour de cassation française en date du 26 novembre 199152(*). Cette responsabilité basée sur les articles 1134 et suivants du Code civil est approuvée par plusieurs auteurs53(*). Dans le souci d'éviter une répétition, cette étude sera consacrée au régime contractuel qui peut être aisément transposé à l'engagement unilatéral dans la mesure où, si l'on peut retenir une offre consistante de la part de l'organisateur, on pourra retenir sa responsabilité soit sur le fondement d'un engagement contractuel, soit d'un engagement unilatéral54(*). L'engagement unilatéral de volonté est une « manifestation de volonté par laquelle une personne agissant seule, détermine des effets de droit »55(*). Nous étudierons dans un premier temps l'existence d'un engagement de la part de l'organisateur (§1) avant de voir dans un second temps la non-exécution de cet engagement constitutive de faute contractuelle (§2). §1 L'existence d'un engagementPour que l'annonceur de gain puisse être condamné sur la base de l'inexécution d'un contrat, il faut qu'il ait fait une offre au destinataire des documents (A) et que celui-ci ait, dans le cas d'un contrat, accepté cette offre (B).
A. « L'offre »Il ne peut se former de contrat sans une offre. Cette offre, même constatée, doit recouvrir certains caractères en l'occurrence la précision et la fermeté. En effet, un engagement contractuel ne peut être retenu contre l'organisateur que si l'annonce, qualifiée d'offre ferme et définitive, est dépourvue de toute ambiguïté ou condition56(*). Il en sera de même pour l'engagement unilatéral qui nécessite quant à lui l'expression d'une volonté certaine et univoque57(*). Ainsi la volonté va engendrer un lien de droit à la charge de celui qui l'exprime avec fermeté et précision. Les sociétés, pour éviter la réunion de ces conditions, réussissent par le caractère équivoque du message à laisser planer le doute sur l'existence d'une volonté certaine de s'engager. Mais la qualification de contrat est possible s'il y a une volonté "déclarée" de l'annonceur donc une offre ayant « toute l'apparence de la fermeté et de précision suffisante »58(*). La volonté interne, qui un est phénomène purement psychologique, est la conception de la volonté qui prévaut dans le système juridique français, tandis que la volonté déclarée est la manifestation externe, la volonté extériorisée59(*). Cette dernière conception est retenue par le droit allemand60(*). Dans le cas de la société organisatrice de loteries, s'il y a une volonté réelle, interne, c'est celle de ne pas être liée. Pour retenir la responsabilité contractuelle de celle-ci, il est donc nécessaire de faire prévaloir la "volonté déclarée" sur la "volonté interne" qui n'existe pas en réalité61(*). Cette solution est de loin préférable, car retenir la volonté interne, différente de celle déclarée, serait source d'insécurité juridique. Le contrat ou l'engagement unilatéral est donc « formé par les déclarations »62(*) de la société organisatrice de loteries, peu importe la volonté réelle que cache la rédaction des documents publicitaires63(*). Engager la responsabilité de l'organisateur sur le fondement d'un contrat ou d'un engagement unilatéral nécessite certes une offre, mais requiert aussi, dans le cas du contrat surtout, une acceptation du destinataire. * 51 Cf. A. BENABENT, Droit Civil, les obligations, op. cit., p. 307 et s. ; G. VINEY, Traité de droit civil : les obligations : la responsabilité : effets, LGDJ, 1988. * 52 Civ. 1ère, 26 novembre 1991, Bull. n°332. * 53 F. MEHREZ, JCP 5 juil. 2000, p. 1321 ; G. CARDUCCI, JCP 30 sept 1998 ; D. MAZEAUD, D. 1997, Somm. p.168 ; J. DELGA, Gaz Pal, 23 mai 1995 ( 1ersemestre) p.576 et s. * 54 Voyez B. STARCK, H. ROLAND, et L. BOYER, Les obligations, 2, contrat, 6ème éd., Litec 1998, n°92 et s. cité par B. LECOURT, les loteries publicitaires op.cit. p.1404, n°21. * 55 J. MESTRE, note ss. DOUAI, 10 février 1993, RTDCiv. 1995, p. 887. * 56 M. FABRE-MAGNAN, Chr. ss. Civ. 2ème, 11 février 1998, JCP 1998, I, 155. * 57 A. LIENHARD, Fondement de la responsabilité des organisateurs de loteries publicitaires : l'intrusion surprise du quasi-contrat, Recueil Dalloz 2002, Somm. , p. 2531 ; CA Paris 24 avril 1989, RTDCiv 1989, p. 746 obs. J. MESTRE. * 58 De GOUTTES, Conclusions ss. Cass. Ch. mixte 6 sept. 2002, II.A. www.courdecassation.fr. * 59 F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit Civil, les obligations, Précis Dalloz, 5ème éd., 1993, n°87. * 60 Voir G. MARTY et P. RAYNAUD cités par G. VINEY Chr. ss. Civ. 2ème, 11 février 1998, JCP 1998, I, 185. * 61 De GOUTTES, conclusions ss. Cass. Ch. mixte, 6 sept. 2002, II.D. www.courdecassation.fr. * 62 F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n°87. * 63 J. GHESTIN, Traité de droit civil, la formation du contrat, 3ème éd. LGDJ, 1993 ; Cf. F.LABARTHE, La notion de document contractuel, LGDJ, 1994, nos 138 et s. |
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