La responsabilité civile des organisateurs de loteries commerciales( Télécharger le fichier original )par Roger LANOU Université de Ouagadougou - Maà®trise en droit des affaires 2003 |
§2 L'appréciation in concretoLa prise en compte des qualités du consommateur trompé ou appréciation de la faute in concreto semble être la meilleure (A), car ce qui est de nature à tromper un individu donné n'est pas nécessairement trompeur pour un autre. Cependant cette appréciation est rarement utilisée par les juges français (B). Il en va autrement dans d'autres systèmes juridiques tel celui de la Belgique que nous évoquerons succinctement. A. Une meilleure appréciationIl s'agira ici pour le juge de prendre en considération les qualités propres du destinataire de l'annonce de gain pour évaluer la faute de l'organisateur de loteries qui a rédigé des documents volontairement ambigus43(*). Cette appréciation est considérée comme la meilleure, car les pratiques des sociétés organisatrices de loteries ont tellement fait scandale que le consommateur moyen n'est plus dupe. Il s'avère alors nécessaire pour le juge d'apprécier la faute de manière protéger les personnes vulnérables : les personnes vivant au foyer, celles aux revenus modestes, celles rendues vulnérables par leur âge ou leur état de santé, etc. L'appréciation faite par référence au destinataire paraît indispensable44(*). Il y a la nécessité de « prendre en compte les prédispositions du destinataire à croire au gain de la somme et sa bonne foi, voire le choc émotionnel »45(*) pour mieux toucher les sociétés indélicates qui exploitent la crédulité des personnes fragiles. Malgré le fait que cette appréciation comporte un avantage certain, celui de protéger aussi bien les consommateurs plus intelligents que les consommateurs moins intelligents, elle semble ne pas avoir la faveur des juges français. B. Une appréciation rarement utilisée par les juges françaisMalgré la facilité d'appréciation du caractère mensonger des documents publicitaires qu'offre l'appréciation in concreto, les qualités propres de la victime apparaissent rarement dans les attendus des décisions46(*). C'est la raison pour laquelle de nombreux auteurs ne cessent de rappeler la nécessité d'y recourir47(*). Il y a tout de même de plus en plus une certaine indulgence des juges qui se contentent désormais d'une simple erreur provoquée en la personne du plaignant pour engager la responsabilité du professionnel 48(*). Il peut être rapproché de cette appréciation in concreto la situation dans d'autres systèmes juridiques notamment celui belge, qu'il ne serait pas inintéressant d'évoquer ici. En effet, selon la jurisprudence belge, la loi n'est pas faite pour protéger les consommateurs normalement attentifs et prudents, mais au contraire, les consommateurs de faible formation, peu éduqués49(*). L'appréciation de l'existence de la faute peut donc se faire in abstracto ou in concreto. L'appréciation in abstracto répond à une exigence de sécurité tandis que celle in concreto répond à une exigence de justice50(*). Il s'agira donc en définitive de faire un choix entre justice et sécurité. De manière générale, l'envoi des documents annonçant de faux gains de sommes d'argent est constitutif d'une faute délictuelle selon une jurisprudence quasi unanime. Il est à noter, cependant, que des condamnations civiles ont été prononcées à l'encontre de certains organisateurs de loteries commerciales sur la base d'autres fondements notamment le contrat, le contrat apparent et le quasi-contrat. * 43 Pour des exemples plus précis, voir J. DELGA, Le consommateur serait-il devenu moins intelligent ? , Gaz. Pal. 1995, 2ème sem., p. 1066. * 44 B. LECOURT, Les loteries publicitaires, op.cit n°31. * 45 CA Bordeaux, 2 mars 1989, Inc. 1989, n°635. * 46 Cass. Civ. 2ème , 7 juin 1990, RTDcom.1991.p.88 obs. B. BOULOC ; 28 juin 1995, D. 1996. p, 180 note J.-L. MOURALIS ; TGI Le Mans, 18 juin 1996, Gaz Pal 1996, I, Somm. P.538, note H. VRAY. * 47 J. DELGA Gaz Pal 14 sept.1995, p. 1070 ; J.-L. MOURALIS note sous Cass. Civ. 2ème, 28 mars 1995, D. 1996, p.180. * 48 B. LECOURT, Les loteries publicitaires, op.cit n°31. * 49 CA Bruxelles du 2 novembre 1989 cité par M. A. PEZE in Gaz Pal 1996, Doctrine p.1497 (les loteries publicitaires en Europe). * 50Voir S. DEMBELE, La libération du droit de la réparation par l'effacement de la notion de responsabilité, RBD à paraître. |
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