La responsabilité civile des organisateurs de loteries commerciales( Télécharger le fichier original )par Roger LANOU Université de Ouagadougou - Maà®trise en droit des affaires 2003 |
CONCLUSION GENERALELa responsabilité civile de l'organisateur de loteries commerciales, et plus particulièrement de l'organisateur de loteries publicitaires a soulevé, et continue de soulever de nombreuses difficultés. La principale difficulté se trouve dans la question du fondement de cette responsabilité. En effet, il s'est en premier lieu agit de trouver un fondement adéquat qui donne lieu à une juste réparation, et qui permette par la même occasion d'infliger une sanction dissuasive aux organisateurs de loteries publicitaires qui utilisent des annonces trompeuses et déloyales. La jurisprudence s'est ainsi trouvée partagée entre un « bon fondement » et une « sanction adéquate »178(*). Le fondement délictuel de l'article 1382 du Code civil fut le premier consacré par la Cour de cassation française. A priori, ce fondement semble le plus adapté aux pratiques des loteries publicitaires car, non seulement il s'attache à la "tromperie", qui est l'élément caractéristique de ces loteries, mais aussi, il permet des solutions souples, laissant une grande marge d' appréciation au juge pour moduler les dommages et intérêts à la mesure du préjudice réellement subi par le prospect. Cependant, ce fondement suppose la caractérisation d'une faute et d'un préjudice, ce qui n'est pas toujours aisé. En effet, à combien évaluer la déception d'un prospect ? Des auteurs ont ainsi vu dans certaines décisions, le prononcé de dommages et intérêts "punitifs", s'apparentant à une "peine privée", le juge s'écartant ainsi du domaine du droit pour tenir compte de préoccupations d'équité. Il revient à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la motivation des juges du fond relative à l'évaluation de la réparation. Le fondement contractuel, quant à lui, fut introduit en 1991 par la première Chambre civile de la Cour de cassation française179(*). L'avantage le plus remarquable d'un tel recours à la responsabilité contractuelle est de permettre un renforcement de la protection du prospect. D'une part la simple constatation du non paiement de la somme promise suffit à établir l'existence de la faute, d'autre part le prospect peut réclamer et obtenir l'exécution complète des promesses alléchantes et indépendamment du préjudice subi. Ce fondement ne manque pas cependant de faiblesses. Il s'agit notamment de la problématique de la rencontre de volontés. En effet, l'ambiguïté calculée de la rédaction des documents publicitaires permet de contester l'existence d'un engagement ferme de la part de l'organisateur. A moins de faire prévaloir la volonté déclarée sur la volonté interne, il ne peut alors être retenu un contrat, manifestation et rencontre de volontés en vue de produire des effets de droit. Présenté en doctrine comme ayant été retenu par la Cour de cassation française en une occasion180(*), l'engagement unilatéral de volonté est une théorie, inspirée du droit germanique, qui accorde toute puissance à la volonté exprimée. Ce fondement n'est pas fondamentalement différent de celui contractuel, du moins lorsqu'il est utilisé pour fonder la responsabilité de l'organisateur de loteries publicitaires, car il présente les mêmes avantages et les mêmes inconvénients que le contrat. Par deux arrêts rendus en Chambre mixte le 6 septembre 2002, la Cour de cassation française révolutionnait la matière. Elle a, en effet, fondé l'effet obligatoire des loteries publicitaires sur le texte de l'article 1371 du Code civil. Ce nouveau quasi-contrat caractérise l'incitation, spontanée et illégitime, à croire aux fausses promesses. Le nouveau quasi-contrat n'exclut pourtant pas le jeu de la responsabilité civile car, Il ne pourra être retenu que contre les seuls organisateurs n'ayant pas attiré l'attention sur la véritable nature de l'opération en ne mettant pas en évidence l'existence d'un aléa. L'originalité de l'application par la Chambre mixte de l'article 1371 du Code civil aux loteries publicitaires, réside dans le fait que le nouveau quasi-contrat n'est pas fondé sur l'idée de rééquilibrage, de remboursement d'un avantage procuré indûment. Les deux arrêts du 6 septembre 2002 consacrent, non seulement un nouveau quasi-contrat, mais bien plus, au delà des loteries publicitaires, « dépoussièrent [...] tout un pan du droit des obligations »181(*). En effet, ces décisions, très riches en promesses, présagent la consécration d'autres nouveaux quasi-contrats, une utilisation plus fréquente de l'article 1371 du Code civil comme une source d'obligation. Selon une certaine doctrine, c'est la théorie de l'apparence qui a été consacré en un quasi-contrat dans les deux arrêts du 6 septembre 2002. Selon cette théorie, l'apparence crée, au profit de la personne trompée, le droit qu'elle a cru valablement acquérir. Ainsi, la légitimité de la croyance du prospect a une force créatrice, c'est-à-dire qu'elle lui fait reconnaître la titularité d'un droit. En ce qui concerne la réparation due au prospect, dans une responsabilité fondée sur le quasi-contrat ou le contrat apparent, celui-ci pourra réclamer et obtenir l'exécution par l'organisateur de ses obligations quasi-contractuelles, donc le paiement de la somme promise. Le débat sur la responsabilité des organisateurs de loteries publicitaires continuera encore d'alimenter débats doctrinaux et controverses jurisprudentielles. Le défi reste toujours à relever, celui de trouver un fondement unique à cette responsabilité, pour que celle-ci suffise « à donner satisfaction aux victimes qui le méritent tout en assurant une fonction prophylactique qui en fait un instrument efficace de prévention des activités nocives »182(*). En attendant cela, à l'organisateur de loteries publicitaires, disons, avec M. VIRASSAMY : « Suscitez des rêves, ne créez pas des mirages »183(*). * 178 D. HOUTCIEFF, loteries publicitaires : les promesses engagent aussi ceux qui y laissent croire, op. cit., p. 18. * 179 Civ. 1ère, 26 novembre 1991, Bull. civ. I, n°332. * 180 Civ. 1ère, 28 mars 1995, D. 1996, p. 180 note J.-L. MOURALIS ; RTDciv. 1996, 397, obs. J. MESTRE. * 181 D. HOUTCIEFF, loteries publicitaires : les promesses engagent aussi ceux qui y laissent croire , op.cit., p. 21. * 182 G. VINEY, L'avenir des régimes d'indemnisation indépendants de la responsabilité civile, in Mel. Drai, 2000 p. 671. Cité par S. DEMBELE, La libération du droit de la réparation par l'effacement de la notion de responsabilité civile, RBD à paraître. * 183 G. VIRASSAMY note ss. Civ. 2ème, 3 mars 1988, op. cit., n°21313. |
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