4- HYPOTHÈSES
De nos jours, de nombreux de baptisés retournent aux
religions traditionnelles, parce que, disent-ils, a qui veut les entendre, que
le christianisme n'a pas trouvé satisfaction à leurs aspirations
humaines et temporelles. Situant le christianisme comme une religion de
l'au-delà, les uns et les autres y voient une vie de foi beaucoup
déconnectée des réalités du monde d'ici bas. Ces
impressions certes personnelles mais bien réelles, trouvent leurs
fondements dans la situation sociopolitique et économique que les bwa
dans leur grande majorité vivent aujourd'hui.
Gagnés massivement à la cause des missionnaires,
les Bwa se sont vus abandonnés à leur propre sort par ceux pour
lesquels ils avaient abandonnés religion et culture en blâmant
totem et mythes, père et mère, frères et soeurs (certains
catéchumènes ont même été chassés de
l'enceinte familiale sans qu'ils ne renient leur appartenance aux
« blancs »).
Aujourd'hui l'Eglise autochtone se retrouve face à
elle-même et les Bwa se voient responsables du christianisme ce qu'ils
ont longtemps lié à la « peau blanche » du
missionnaire ; et l'Eglise désormais administrée par leurs
frères et soeurs, leurs fils et filles du « pays »
doit être à leur charge. Ce qui suscite de nombreuses
inquiétudes, surtout par rapport à la mission et au christianisme
dans son ensemble. Certains vont jusqu'à se demander si le l'homme bo
pouvait réellement être un « Père »,
non pas qu'ils doutent de sa capacité d'étudier la bible ou de
consacrer le pain et le vin en corps et sang du Christ, mais parce qu'ils
définissent le « Père » comme celui qui
donne toujours, « un papa-noël », et comme celui qui
n'attend rien en retour de ses fidèles que la foi. Voilà la
définition que beaucoup donnent du Père ; étonnant,
mais pas surprenant pour celui qui sait que c'est l'impression que les premiers
pasteurs ont laissé d'eux-mêmes. Le contexte d'alors les condamne
en même tant qu'il les justifie.
La mission du chrétien bo aujourd'hui consiste
essentiellement à s'approprier l'Eglise, en prenant conscience que
l'Eglise leur revient, pour éviter de vivre la foi par accoutumance, ou
pour faire plaisir aux « Pasteurs ». Voici, ce que nous
appelons la « mer rouge » que le chrétien bo doit
traverser pour arriver à la terre promise. C'est-à-dire, passer
du « Pèrenii » (gens des Pères),
à des chrétiens, à des disciples du Christ
ressuscité. C'est l'appel que l'Evangile lance aujourd'hui aux
chrétiens bwa, c'est-à-dire, à être ses disciples du
Christ, des porteurs de l'Evangile du salut.
Redynamiser la vie chrétienne par la construction de
communautés chrétiennes à la lumière de l'Evangile
s'avère plus que nécessaire pour nos Eglises aujourd'hui. Mais
cela exige des fidèles un changement de mentalités et une
formation catéchétique conséquente insistant davantage sur
le témoignage de vie chrétienne suivant les
réalités propres au Bwatun, en ayant le souci ardent de la
fidélité aux « termes » du credo. Or si c'est
uniquement un problème de mentalité, toute une vie, même
celle des plus vigoureux (quatre vingt dix selon le Psalmiste) ne
suffirait, car les mentalités changent par génération.
Mais en plus du problème de mentalités, c'est également
une sorte d'ignorance du Christ et de son Evangile de salut, un manque
d'instruction, une catéchèse littérale jadis
enseignée et qui aujourd'hui nous lance un grand défi à
relever.
Pour que le témoignage chrétien s'affirme dans
la dynamique d'une vie évangélique, il faut que l'Evangile soit
inscrit au coeur de l'homme bo, dans les secteurs vitaux de la
société. En s'engageant d'avantage à traduire l'esprit de
l'Evangile dans leur milieu de vie, les chrétiens pourront construire de
communautés chrétiennes beaucoup plus dynamiques et aideront la
société à transcender sa lourdeur sociopolitique et
économique, pour la promotion humaine et intégrale de l'homme. De
ce fait, l'évangile pourra être un vecteur du progrès
social qui s'amorcera selon le dessein de Dieu pour le bien être de toute
la société. Ainsi il importe aujourd'hui d'insister sur la
vocation humaine et chrétienne de l'homme bo dont il doit prendre
conscience dans sa vie de tous les jours. Et que le message
évangélique soit transmis aussi bien par l'exemple de vie que par
la parole et que le chrétien devienne par son témoignage de foi
en Christ, une Bible ouverte pour ses frères et soeurs dans la
société, un témoin de l'espérance, de l'amour et de
la charité dans le monde. Il s'agit d'une reprise en compte des
dimensions sociopolitiques de la Bonne Nouvelle du Christ pour mieux lui
être fidèle.
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