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Evangélisation et Promotion Humaine

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par Bienvenu KONE
GRAND SEMINAIRE SAINT AUGUSTIN DE BAMAKO - Licence Canonique 2009
  

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IV-2 L'ENGAGEMENT POLITIQUE, DYNAMIQUE DU TÉMOIGNAGE DE FOI

Parler d'engagement politique et exercer cet engagement supposent, du chrétien d'aujourd'hui, qu'il soit suffisamment formé, informé et averti de la vision chrétienne de l'activité politique. La Parole de Dieu est la lumière qui aide le chrétien à ne pas perdre de vue la charité. Car, « s'il y a pas un enseignement politique chrétien, il y a nécessairement des exigences chrétiennes en politique, comme dans tous les domaines dans lesquels l'homme engage son destin »58(*) nous affirme J. AUBERT.

En effet, la politique est un domaine qui a toujours suscité de graves réserves chez les chrétiens (hommes et femmes) du Mali de façon générale et peut être à un degré encore un plus élevé chez les Bwa. Cette attitude des catholiques dans leur majorité, a longtemps prêté à de variantes interprétations. Mais, il faut se dire que l'attitude rétive des Bwa chrétiens face à l'activité politique s'explique de façon diverse.

D'abord, les séquelles de la répression violente suite à la fameuse Révolte de 1916 a créé un sentiment de haine de la politique encore bien présente dans les mémoires, qu'on soit chrétien ou non. A cela vient s'ajouter le fait créé par la Séparation de l'Eglise et de l'Etat en France et qui fut été à l'origine des tensions entre le Missionnaire et le colon. Crise qui a marqué également les premiers convertis.

Ensuite, la vision populaire à laquelle l'activité politique se prête dans nos pays africains, comme manière acquérir illicitement des biens, suscite beaucoup de méfiance chez les chrétiens (hommes et femmes). En Afrique, beaucoup (pour ne pas dire tous) d'individus s'engagent en politique pour s'enrichir aux dépends des pauvres populations. Ce qui fait que la politique se définit selon la masse populaire, comme l'art de convaincre par le mensonge ; ce qui fait que l'action politique est synonyme de vol et de tricherie, vices contraires aux valeurs évangéliques. C'est la course au profit personnel. Ce sont les grandes interprétations qui justifieraient le sentiment de méfiance et de haine à l'égard de l'activité politique aux regards des chrétiens « justes et honnêtes » au Mali. Ainsi bon nombre de chrétiens se demandent si de tels engagements politiques, « impropres », ne risquent-ils pas de compromettre leur foi chrétienne et leur salut, à travers des liaisons et des options partisanes. Il en va de même pour le commerce que beaucoup de chrétiens, notamment les Bwa considéraient comme une activité contraire aux valeurs évangéliques. En plus, les chrétiens, surtout quand ils sont minoritaires comme au Mali, restent attachés ne serait-ce juste que par les activités religieuses ou sociales telles les fêtes ou les funérailles qui les rassemblent. Et donc l'unité confessionnelle dont ils doivent témoigner serait brisée par des options partisanes dans des camps politiques très opposés, en violentes concurrences. Car en politique, il semblerait qu'on ne peut pas rester neutre, puisque même le refus de prendre position est déjà une implicite prise de position. Ce qui fait qu'au Mali on assiste à une résignation des chrétiens (hommes et femmes) de toute activité politique. La politique a pourtant un grand impact social et elle constitue une force de contestation devant les injustices sociales et les oppressions, car elle concerne directement la gestion de la cité. Oubliant que « le droit d'être un membre de sa communauté politique n'est pas une simple faculté. C'est aussi, sur le plan éthique, un destin devoir fondé sur la solidarité humaine. Puisqu'on partage le destin commun et qu'on bénéficie de ses avantages.»59(*) Chaque personne doit se situer en citoyen libre et responsable par rapport à l'ensemble du reste de la société. En effet, la politique est le domaine des décisions fondamentales, d'où son caractère nécessaire et impérative, les chrétiens ne peuvent prétendre être acteurs du royaume de Dieu sans prendre une part active dans l'édification de leur communauté et de leur société.

Le Pape Jean Paul II appelle les chrétiens à s'investir davantage pour le renouveau du Monde pour une société plus humaine et plus juste lorsqu'il dit qu'il invite les « chrétiens à un renouveau dans leur esprit et dans leur coeur pour que, en promouvant une plus grande justice (...), personne ne manque de la nourriture, du vêtement, du logement et du travail, c'est dire, de tout ce qui donne sa dignité à la personne humaine ; l'image du christ sur la croix, prix de la rédemption de l'humanité, est un appel pressant à mettre sa vie au service de ceux qui sont dans le besoin, au rythme d'une charité généreuse qui ne sympathise non pas avec l'injustice, mais avec la vérité »60(*). Car il est plus que convaincu que l'évangélisation entraîne indispensablement le souci du développement humain et du progrès social.

Chez les Bwa, la réticence face à l'activité politique est plus vive parce que beaucoup de chrétiens ont de la peine à comprendre que la réalisation humaine est une réponse à l'acte de foi, au credo professé au cours de la messe dominicale ; et que croire en Jésus Christ aujourd'hui ne signifie pas simplement adhérer à une série de vérités. Certains pensent avoir la foi parce qu'ils sont toujours à la messe et récitent leur Credo : je crois en Dieu, le Père, le Fils et l'Esprit Saint, abandonne l'alcool durant le temps de Carême, respectent les prescriptions chrétiennes. Mais il faut se dire que tant que la foi se maintient au niveau des vérités intellectuelles, sans implications sociales responsables, pouvons-nous parler encore d'une foi authentiquement vécue et capable d'aider au changement positif de la société ?

En plus, bon nombre de fidèles chrétiens souhaitent un Dieu facile, qui leur apporte des décisions toutes faites à leur place. Ils attendent que quelqu'un vienne d'ailleurs changer l'ordre social et politique, en leur faveur. Pour ces chrétiens (hommes et femmes), la foi est un refuge ; et face aux situations difficiles, ils attendent que Dieu vienne tout faire à leur place, oubliant que le fait de céder à la facilité, à la corruption, signifie également se rendre complice de la misère et de l'oppression dans le monde.

L'action politique est également l'activité soucieuse de la promotion de l'être humain, de son épanouissement, de la justice sociale et de son avenir

La politique est l'activité sociale la plus élevée, celle dans laquelle les autres activités familiale, économique et culturelle, qui fondent l'essentiel de la vie humaine, trouvent leur sécurité, leur régulation sociale et leur efficacité, en tant qu'elle est le domaine des décisions fondamentales portées en vue du Bien commun de tous. Bref, l'activité politique exprime et concerne donc le caractère social de l'existence humaine ; et du fait que la politique est la gestion des activités sociales pour le bien commun, elle est en rapport avec l'avènement du salut chrétien. Et pour le chrétien, l'effort de libération, à la fois contre le péché et les servitudes extérieures individuelles et collectives, est déjà une réalisation du vouloir divin sur sa création ; et constitue une manière d'accueillir le projet de Dieu dans sa vie, pour le bien de toute la société.

Ainsi tout processus social, politique de libération, en vue d'une existence plus digne de l'homme et tout ce qui rapproche les hommes est une préfiguration et une préparation de la communauté du Peuple de Dieu à l'avènement du royaume de Dieu rendu présent dans le Christ. Puisque ce sont les hommes et femmes qui sont concernés dans leur unité vitale ; une question de vie et de survie pour la société.

Il importe donc de réaffirmer que le christianisme est la religion qui rejoint tout homme aujourd'hui dans ses préoccupations, ses soucis, ses angoisses et ses frustrations, de telle sorte que la foi soit une réponse authentiquement humaine aux aspirations profondes de libération, de salut et de plein épanouissement. Et donc, le disciple du Christ ne peut pas ne pas s'intéresser à tout ce qui concerne le bien être social, car, « tout ce qui touche aux droits de la personne nous renvoie au coeur du message chrétien avec son exigence d'amour et de service »61(*)comme l'exprime J. Marc ELA.

De nos jours, le chrétien bo doit prendre conscience que l'agir chrétien, dans le sens d'une présence politique active est aussi une dimension de la mission baptismale du chrétien. Car « la mission de toute l'Eglise comme peuple de Dieu, et donc de tout chrétien, est de vivre l'Evangile, de l'actualiser au cours de l'histoire, pour le rendre présent dans la vie des hommes de notre temps »63(*).l'exprime J. GRITTI Et à ce niveau, nous pouvons nous dire que « la foi lui donnera des raisons plus profondes que la simple solidarité humaine pour s'engager au service de ses frères »64(*) Dans le monde.

Il ne faut surtout pas penser que la politique est un nouveau champ d'action dans lequel on inviterait les fidèles aujourd'hui pour quelque raison que se soit, mais, nous voulons juste redonner à l'action politique toute sa valeur sociale et son impérativité dans le témoignage de foi du chrétien.

Malgré toutes les investigations sociales à travers la sensibilisation et les intellectuels bwa qui travaillent dans les hautes structures étatiques, nous nous étonnons aujourd'hui de n'avoir « vu nulle part en pays bo, émerger des leaders, meneurs d'hommes, ayant une assise économique et/ou politique »65(*) comme l'exprime J.T DIARRA.

La foi chrétienne à forcement une dimension politique, puisqu'elle pousse le chrétien, homme ou femme, à sortir de son ornière de peur et de complexe social pour contester les situations d'injustice, afin de rendre l'avenir commun meilleur pour tout le peuple. C'est là également que se situe la vocation sociale du chrétien.

Il nous faut reconnaître également que la bonne citoyenneté du chrétien est non seulement un témoignage de foi, mais surtout une implication dans l'avenir des hommes et femmes de notre société. C'est aussi une participation à la mission commune des hommes dans le monde.

* 58 J. AUBERT, Vivre en chrétien au XXè siècle, tome 2eme, l'engagement du chrétien, sexualité, l'économie, la politique, Paris, Salvador, 1977 p.160

* 59 R. COSTE, Les communautés politiques, Paris, Cerf, 2000, p.156

* 60 Jean Paul II, Homélie de la messe pour la justice et la paix, Cathédrale de Brazzaville, 05 Mars 1980

* 61 62 J. Marc ELA, Repenser la théologie africaine, le Dieu qui libère, Paris, Karthala, 2003 p.83

* 63 J. GRITTI, l'expression de la foi dans les cultures humaines, Paris, le Centurion, 1975, p.7

* 64 J.JULIEN, Le chrétien et la politique, Tournai, Desclée, 1963, p.199

* 65 J.T DIARRA, Etats, Eglises et Société, les Buwa, les mécanismes oubliés d'une marginalisation, Bamako, EDIM-SA, 2007 p.67

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius