CHAPITRE II
L'UTILISATION DE LA FORCE NON CONTRAIRE AU PRINCIPE
La règle posée par l'article 2 § 4 ne
signifie pas que tout emploi de la force est illégal dans les relations
interétatiques, puisque la Charte des Nations Unies prévoit deux
cas d'utilisation de la force non soumis à l'interdiction de cet
article. Il s'agit d'une part, de la légitime défense et, d'autre
part, de l'usage de la force armée dans le cadre du maintien de la paix
et de la sécurité internationales par le Conseil de
sécurité.
2.1. La légitime défense
Contrairement au Pacte de la SDN et au Pacte Briand-Kellog qui
ne reconnaissent la légitime défense qu'implicitement, le
chapitre VII de la Charte se clôt sur l'article 51 qui énonce qu
:
Aucune disposition de la présente Charte ne porte
atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une
agression armée, jusqu'à que le Conseil de sécurité
ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la
sécurité internationales. Les mesures prises par les membres dans
l'exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement portées à la connaissance du Conseil de
sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le
Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de
la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité internationales.
La légitime défense est considérée
comme un droit inaliénable appartenant à tout État. Elle
est la conséquence du droit à la vie et à
l'autopréservation ; il s'agit en d'autres termes, de donner aux
États la possibilité de se défendre tout en restant dans
le cadre de la légalité. À
19 travers l'article 51, la légitime défense se
trouve réglementée, pour la première fois, comme
corollaire de l'interdiction générale de l'usage de la force de
l'article 2 § 4.
Il est à noter que certains juristes considèrent
la légitime défense comme une exception, c'est à dire
qu'elle est susceptible de suspendre l'effet obligatoire de la règle
imposée dans l'article 2 § 4. À notre avis, cette conception
est cependant inadmissible dans la mesure où la légitime
défense est uniquement, comme le précisent les professeurs Sur et
Combacau, une :
Conséquence de l'interdiction de certains recours
à la force et spécialement de l'agression armée contre
laquelle elle constitue une réplique justifiée. C'est parce que
l'agression armée est prohibée que la légitime
défense est autorisée et non en dépit de l'interdiction du
recours à la force que la légitime défense est
tolérée47.
En d'autres termes, il n'y a aucune contradiction normative
entre les deux articles, au contraire, « ils n'en constituent qu'un seul
»48 puisque la légitime défense « ne porte
atteinte ni à l'indépendance politique ni à
l'intégrité territoriale d'un État. Elle n'est pas non
plus contraire aux autres buts des Nations Unies. Elle rentre donc pleinement
dans le cadre de l'article 2 § 4, qui n'est qu'interprété ou
précisé, et non pas contredit par l'article 51
»49.
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