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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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1.2. La confirmation du principe dans les instruments internationaux

Le principe instauré par l'article 2 § 4 a été confirmé et précisé à maintes reprises par les organes des Nations Unies, que ce soit dans les résolutions des organes politiques, des prises de positions du Secrétariat général ou des jugements de la Cour internationale de Justice (ci- après CIJ).

16Schrijver, supra note 14, à la page 446.

L'Assemblée générale a interprété et développé le sens de ce principe17 dans de nombreuses recommandations spécifiques et déclarations à caractère général.

Dans la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux de 1960, on lit qu'

il sera mis fin à toute action armée et à toutes mesures de répression, de quelque sorte qu'elles soient, dirigées contre les peuples dépendants, pour permettre à ces peuples d'exercer pacifiquement et librement leur droit à l'indépendance complète, et l'intégrité de leur territoire nationale sera respectée18.

Quant à la Déclaration sur les relations amicales de 1970 adoptée à l'occasion du 25e anniversaire des Nations Unies, le premier des sept principes confirmés est celui de l'article 2 § 4. Le recours à la force est assimilé à une violation du droit international puisqu'il « ne doit jamais être utilisé comme moyen de règlement des problèmes internationaux »19. D'autres résolutions peuvent être citées, comme la résolution sur les éléments essentiels de la paix de 194920, la Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté de 196621, la résolution intitulée Stricte observation de l'interdiction de recourir à la menace ou à l'emploi de la force dans les relations internationales et du droit des peuples à l'autodétermination de 196622, la résolution portant définition de l'agression de 1974, dans la quelle l'Assemblée générale « demande à tous les États de s'abstenir de tous actes d'agression et autres emplois de la force contraires à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la

17Selon les articles 10 à 14 de la Charte, les résolutions de l'Assemblée générale ne sont pas obligatoires, elles ne sont que des recommandations sauf pour les questions internes ou budgétaires. Toutefois, certaines résolutions, à travers leur caractère général, peuvent être considérées comme une source d'interprétation et de clarification de la Charte.

18A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, adoptée par 89 voix et 9 abstentions.

19A/RES/2625 (XXV), 24 octobre 1970

20A/RES/290 (IV), 1er décembre 1949.

21A/RES/2131 (XX), 21 décembre 1965.

22A/RES/2120 (XXI), 30 novembre 1966.

coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies »23 ou encore la Déclaration sur le renforcement de l'efficacité du principe de l'abstention du recours à la menace ou à l'emploi de la force dans les relations internationales de 198724.

Pour le Conseil de sécurité, bien que sa pratique en la matière reste ponctuelle et assez largement circonstancielle, on peut donner l'exemple de la résolution sur la question de la Palestine de 196225 ou celle adoptée en 1985 suite aux bombardements de l'aviation israélienne du siège de l'OLP dans la banlieue sud de Tunis26.

Ce même principe a été consolidé par des décisions rendues par la CIJ, l'arrêt de principe en la matière étant celui de l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, où la Cour avait décidé que le principe énoncé dans l'article 2 § 4 est un principe affirmé dans la coutume internationale ainsi que dans la pratique étatique27. On cite aussi l'arrêt rendu dans l'affaire du Détroit de Corfou où la Cour a décidé que le droit d'intervention est une « [...] manifestation d'une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l'organisation internationale, trouver aucune place dans le droit international »28, ou encore l'avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires29.

23A/RES/33 14 (XXIX), 14 décembre 1974.

24A/RES/42/22, 18 novembre 1987.

25S/RES/171, 9 avril 1962.

26Le Conseil de sécurité a déclaré qu'« [...] aux termes du paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies, les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit d'agir de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies [...] ». S/RES/573, 4 octobre 1985.

27Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, CIJ Rec. 1986, à la page 90, par.189-190.

28Affaire du Détroit de Corfou, 9 avril 1949, CIJ Rec. 1949, à la page 35.

29Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, CIJ Rec. 1996, pp.244-245, par. 38, 40 et 41.

Parallèlement aux prises de position des organes des Nations Unies, on peut mentionner aussi une série de traités multilatéraux qui font référence au principe. La plupart des accords multilatéraux en matière de défense se réfèrent au principe instauré dans l'article 2 § 4 de la Charte. Par exemple l'article 1er du Traité de l'Atlantique du Nord30, l'article I du défunt Pacte de Varsovie31 ainsi que l'article 5 du Pacte de la ligue des États arabes32 font une référence explicite à ce principe33.

L'article 2 § 4 est donc, d'un certain point de vue, l'aboutissement des efforts commencés en 1899. D'ailleurs le bannissement du recours à la force « has been qualified as the most remarkable feature of the UN Charter »34.

La Charte contient aussi un corollaire logique de cette interdiction. C'est l'article 2 § 3 qui oblige les États à régler pacifiquement leurs différends. Cet article impose aux États une obligation de comportement afin d'éviter de mettre en danger la paix et la sécurité internationale ainsi que la justice. Quant à l'article 33, il s'inscrit dans la continuité de ces dispositions : lui aussi énonce une obligation juridique qui s'impose aux parties à un différend. Ces deux articles influencent les comportements des États d'une façon profonde. Toutefois l'article 2 § 4 reste la clef de voûte du système de la Charte, dans la mesure où tout le système est construit autour de l'interdiction du recours à la force.

30Cet article stipule que « Les parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient mises en danger, et à s'abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». [En ligne] : [http ://www.nato.int/docu/fonda/traite.htm] (page visitée le 13 mars 2007).

31Pacte de Varsovie du 14 mai 1955, RTNU, vol.219, à la page 3.

32Cet article énonce que : « Any resort to force in order to resolve disputes between two or more member-states of the league is prohibited [...] ». [En ligne]

[http :// www.arableagueonline.org/arableague/english/details _en.jsp ?art_id=1 34&level_id=40&page_ no=2] (page visitée le 10 juillet 2007)

33On peut aussi citer l'Acte constitutif de l'Union africaine qui stipule dans son article 4 (f) que : « l'interdiction de recourir ou de menacer de recourir à l'usage de force entre les États membres de l'Union africaine ».

34Brownlie, supra note 1 à la page 144.

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