PREMIÈRE PARTIE
LE SYSTÈME INSTAURÉ PAR LA CHARTE DES
NATIONS UNIES
CHAPITRE I
LA CONSÉCRATION NORMATIVE DU PRINCIPE DE
L'INTERDICTION DE LA MENACE ET DU RECOURS À LA FORCE : L'ARTICLE 2
PAR. 4
L'obligation imposée aux États de trouver des
solutions pacifiques à leurs différends, l'interdiction
générale de tout recours à la force ainsi que la mise en
place d'un système de sécurité collective
représentaient les trois éléments essentiels dans tout
projet concernant l'emploi de la force au lendemain de la Deuxième
Guerre mondiale.
L'établissement des Nations Unies a permis d'atteindre
ces objectifs. Pour les États, il y a eu une expropriation totale du
droit d'utiliser la force, sauf dans le cas de légitime défense.
Sur le plan international, le droit d'utiliser la force a été
centralisé au sein d'un organe représentant la communauté
internationale, à savoir le Conseil de Sécurité. En
d'autres termes, cette interdiction de recourir à la force a
été placée dans un système incluant des
méthodes de règlement pacifique des différends et des
mécanismes de sécurité collective.
1.1. Le contenu de la norme
Lors de la Conférence de San Francisco, le projet
d'article 2 § 4 fit l'objet de plusieurs discussions entre les
délégations participantes. La version finale de cet article fut
adoptée à l'unanimité, avec l'abstention de la
Norvège, le 5 juin 1945.
Sur le plan normatif, l'article 2 § 4 pose une prohibition
générale du recours à la force en
Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs
relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
Cette interdiction lie tous les États dans la mesure
où elle constitue une règle générale de droit
international. En effet, « without any exaggeration, it may be stated that
non-use of force is the most important cornerstone of the present-day edifice
of international law »15. Avant toute considération,
l'interdiction générale du recours premier et unilatéral
à la force armée est aujourd'hui un principe central du
système juridique des relations internationales. Ce principe posé
par l'article 2 § 4 ne s'applique que dans le cas des relations
internationales des États. Il ne traite pas de la question de l'emploi
de la force par les États en vue du maintien de l'ordre public sur leur
territoire. L'article 2 § 4 qualifie par ailleurs l'interdiction de
l'usage de la force en l'interdisant soit contre l'intégrité
territoriale et l'indépendance politique de tout État, soit de
toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. Selon
l'interprétation traditionnelle, cela couvre toute utilisation
première de la force armée par un État contre un autre
État. Les contraintes d'ordre politique ou économique n'entrent
pas dans le cadre de la force prohibée.
Par ailleurs, les dispositions de l'article 2 § 4 ne
constituent pas les seules ayant trait au recours à la force dans les
relations interétatiques. En effet, l'alinéa 7 du
préambule de la Charte marque la résolution des Nations Unies
« à accepter des principes et instituer des méthodes
garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans
l'intérêt commun ». Sur cette base, l'article 1 § 1
énonce parmi les buts des Nations Unies celui de « maintenir la
paix et la sécurité internationales et à cette fin :
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et
d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte
d'agression ou autre rupture de la paix [...] ».
Quant à l'article 42, il donne au Conseil de
Sécurité la possibilité d'entreprendre « [...] au
moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il
juge nécessaire au maintien et au rétablissement de la paix et de
la sécurité internationales ». Autres dispositions
importantes, celles de l'article 51 qui énonce qu'
aucune disposition de la présente Charte ne porte
atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une
agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de
Sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir
la paix et la sécurité internationales.
Malgré cette diversité d'articles traitant du
recours à la force sur la scène internationale, l'article 2
§ 4 détient la place centrale en la matière. Cet article est
considéré comme « la mère de toutes les dispositions
relatives au recours à la force dans la Charte »16.
En faisant donc disparaître le droit subjectif à
la guerre offensive dans les relations internationales au travers des termes
les plus généraux, la Charte a établi un régime qui
se veut, selon les interprétations dominantes, exhaustif concernant
l'usage de la force. Depuis 1945, la Charte et son régime sont devenus
le standard pour l'évaluation de tout usage de la force dans les
relations internationales.
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