C - Caractéristiques
et répartition des terres cultivables.
Nous avons, à partir de nos enquêtes,
remarqué que les riziculteurs à chaque saison n'exploitent qu'une
partie des terres qu'ils ont à leur disposition.
En moyenne un riziculteur dispose d'une superficie de terre
irrigable d'environ 2.21 ha soit 44 casiers de 500 m2 chacun, répartis
souvent sur deux chantiers.
Le nombre de casiers exploités varie en fonction des
saisons. En moyenne, ils exploitent 28 casiers à la première
saison, et 33 à la deuxième.
Les casiers sont généralement de forme
rectangulaire ou carrée ; les casiers de forme losange sont rares.
Sur 1 ha, on compte 20 ou 25 casiers suivant que ceux-ci respectent les
dimensions de 20m sur 25m ou de 20m sur 20m.
Une répartition de la population en fonction du nombre
d'années d'expérience et de la taille des exploitations, a permis
de faire l'observation suivante :
Les surfaces exploitées augmentent en fonction du nombre
d'année d'expérience.
65% des riziculteurs ayant moins de 10 ans d'expérience
dans la riziculture exploitent en moyenne 1.6 ha, tandis que ceux qui ont 30
ans d'expérience exploitent en moyenne 2.64 ha. Une remarque
s'impose : les premiers exploitants ont une surface plus grande parce
qu'ils se sont installés les premiers sur le périmètre
lorsqu'il y avait encore à profusion des terrains aménagés
et des moyens de production. Mais avec l'arrivée de nouveaux
exploitants, on a une diminution des terrains aménagés et par
conséquent une réduction de la taille des exploitations. D'autres
facteurs pourraient avoir contribué à cette diminution des
superficies, si nous tenons compte du fait qu'il y a encore des terrains non
exploités. Ces facteurs sont : les moyens financiers, les machines
agricoles et la main-d'oeuvre.
Tableau 10 : REPARTITION DES CHEFS
D'EXPLOITATION PAR ANNEES D'EXPERIENCE ET TAILLE DES EXPLOITATIONS
Année
D'expérience
Paramètres
|
[0 ; 10[
|
[10 ; 20[
|
[20 ; 30[
|
[30 ; [
|
Fréquence des
Exploitants en
%
|
65
|
4
|
9
|
22
|
Taille moyenne des exploitations
En ha
|
1.6
|
1.75
|
2.5
|
2.64
|
Source : Résultat de l'enquête
D - Le capital financier et
le cercle vicieux d'endettement des riziculteurs de KOVIE.
L'argent constitue l'un des facteurs essentiels à la
production du riz. Sans ce dernier, il est presque impossible de produire
à KOVIE. De plus en plus, les riziculteurs de KOVIE font face à
une monétisation excessive de leur culture.
Jadis, ils pouvaient compter sur les semences
sélectionnées, les motoculteurs et autres machines agricoles, du
CRZ sous la direction des Taïwanais et, sur un remboursement en nature
des services dont ils bénéficiaient à la fin de la saison
de culture. Mais aujourd'hui presque tous les services sont payés
comptant et parfois à l'avance pour être sûr d'en
bénéficier effectivement en temps opportun. Le
désengagement de l'Etat vis-à-vis des subventions et assistances
qu'il apportait aux riziculteurs en est pour quelque chose.
La conséquence qu'entraîne cette nouvelle
situation est l'endettement généralisé presque obligatoire
dans laquelle se trouvent 86 % des producteurs, obligés de faire recours
à des prêts pour faire face aux dépenses de production.
Les difficultés d'accès aux systèmes
financiers centralisés, depuis l'échec de la C.N.C.A,
ajoutées aux expériences désagréables faites par
les structures de financement décentralisées comme la FUCEC et
les ONG du monde rural (face au non-remboursement des micro crédits),
obligent aujourd'hui les producteurs à se rabattre sur des revendeuses
de riz communément appelées «bonnes femmes », et
sur certains fonctionnaires du milieu rural pour obtenir des crédits de
production.
En moyenne auprès de ces nouvelles sources
financières, un paysan sollicite un prêt de 145.000 F CFA/ha, pour
une durée moyenne de 5 mois remboursable à un taux
d'intérêt qui varie entre 66 % et 100 %. Ce qui correspond
à un taux d'intérêt mensuel compris entre 13% et 20%.
Le remboursement du prêt se fait en nature une fois les
récoltes et le décorticage du paddy faits ; à raison
d'un sac de 100 kg de riz blanc dont le prix varie entre 24000 FCFA et 28000
FCFA.
Si trouver un financement est difficile pour le producteur, la
tâche du prêteur se révèle souvent très
difficile quand vient le moment de recouvrer les fonds prêtés.
Il doit faire appel au service d'un guetteur qui le met au
courant des faits et gestes du riziculteur pour qu'une fois les
récoltes faites, il puisse récupérer la part qui lui
revient.
Les structures de financement décentralisées
telles que la FUCEC et les ONG qui développent un volet de micro finance
dans leurs activités, ne sont pas préparées à la
gestion du remboursement en nature. Elles ne peuvent donc pas organiser la
surveillance des cultures de toutes les personnes à qui elles octroient
des crédits comme le font les usuriers. Leur tâche est rendue plus
difficile par le délai de remboursement qui est d'une année. Nous
pensons qu'une redéfinition de leur stratégie de recouvrement des
fonds peut apporter un plus à leur programme de micro finance.
Après chaque récolte, le riziculteur
endetté cède plus de la moitié des produits à ses
créanciers que sont, les usuriers, le propriétaire terrien et
ses ouvriers agricoles.
Etant obligé de mettre chaque fois la parcelle en
culture pour ne pas se la faire retirer, il doit vendre une bonne partie de ce
qui lui reste de sa production juste après la récolte
(période durant laquelle les prix chutent) pour recommencer la nouvelle
saison.
La conséquence est le peu de moyens financiers qu'il
réunit pour faire face à la nouvelle saison. Il doit de nouveau
s'endetter : c'est le cercle vicieux d'endettement du riziculteur de
KOVIE.
Les taux d'intérêt très
élevés pratiqués par les usuriers et l'échec des
institutions de financement qui n'arrivent pas à trouver une bonne
stratégie de recouvrement des crédits, apparaissent à nos
yeux comme les principales causes de ce cercle vicieux d'endettement. Mais une
analyse approfondie des conditions de vie des riziculteurs et de leur gestion
des crédits nous permet de déterminer d'autres causes à
leur dépendance financière.
Sur le périmètre, les producteurs qui font
exclusivement la culture du riz, sont les plus endettés. On comprend
qu'ils ne mangeront pas que le riz, mais également d'autres produits
agricoles. Ils doivent les acheter, ce qui peut les amener à faire une
mauvaise gestion des crédits qu'ils reçoivent.
En outre, des témoignages concordants
révèlent que beaucoup de riziculteurs utilisent les
crédits octroyés par les structures de financement à
d'autres fins, soit pour se marier ou pour faire la fête et se
soûler.
La mauvaise gestion des crédits par les riziculteurs
serait également à l'origine de ce cercle vicieux.
E - La Main-d'oeuvre.
Comme le montre le tableau ci-dessous, la culture du riz est
très exigeante en main-d'oeuvre.
Tableau 11 :DUREE DES OPERATIONS
CULTURALES
OPERATIONS
|
Journée de manoeuvre /ha en riziculture
manuelle
|
Journée de manoeuvre /ha en riziculture manuelle
assistée
|
Défrichement
|
4
|
4
|
Sarclage des digues
|
9
|
9
|
Labours
|
50
|
4
|
Planage et mise en boue
|
15
|
5
|
Réfection des digues
|
4
|
4
|
Mise en place de la pépinière
|
2
|
2
|
Transport et Repiquage des plantules
|
22
|
22
|
Epandage d'engrais
|
4
|
4
|
Traitement (herbicide et insecticide)
|
4
|
4
|
Désherbage manuel
|
60
|
12
|
Effarouchant des oiseaux
|
35
|
35
|
Irrigation et drainage
|
30
|
30
|
Récolte et transport au lieu de battage.
|
30
|
20
|
Battage + Vannage
|
15
|
20
|
Séchage
|
15
|
15
|
Transport du paddy
|
10
|
2
|
Total
|
309
|
192
|
Source : Résultats des
enquêtes.
Sur 1 ha en culture manuelle pure (c'est à dire sans
utilisation de machine ni de désherbant chimique), la riziculture
irriguée demande environ 309 journées de travail, dont les 35 %
sont exécutées exclusivement par les femmes.
Pour la culture manuelle assistée pratiquée sur le
périmètre de KOVIE, il faut environ 192 journées de
travail (sans compter le temps qu'il faut pour le décorticage à
la machine), avec 46 % du travail exécuté par les femmes.
S'il est montré qu'à KOVIE, le riziculteur ne peut
compter que sur 4 personnes actives dans sa famille (voir tableau n°8), on
peut donc s'attendre à ce qu'il fasse appel à une main-d'oeuvre
étrangère face aux travaux qui en nécessitent beaucoup
plus. C'est le cas du repiquage, du sarclage manuel, de la récolte et du
transport des bottes de riz du champ vers les aires de séchage, travaux
qui représentent en termes de durée d'exécution 80% des
activités de la riziculture.
Il va sans dire que le rôle joué par cette
main-d'oeuvre est déterminant, compte tenu du délai
d'exécution et de la pénibilité des travaux qu'ils
exécutent.
Cette main-d'oeuvre est recrutée sur place et est
constituée en grande partie des femmes et jeunes garçons du
village.
La rémunération de la main-d'oeuvre
salariée se fait au comptant en argent habituellement avant
l'exécution de la tâche ou à la fin de la saison en
nature.
|