Le contentieux de la propriété intellectuelle: cas de la marque de produits ou de services( Télécharger le fichier original )par Nadine Josiane BAKAM TITGOUM Université de Dschang (Cameroun) - Diplome d'Etudes Approfondies 2008 |
C- L'ABSENCE D'EXCUSES LEGITIMES AU DEFAUT D'EXPLOITATIONL'article 23 alinéa1 prévoit que le titulaire de la marque n'encourt radiation de son enregistrement que s'il ne justifie d'aucune excuse légitime. Il s'agit de tout obstacle extérieur l'ayant empêché d'exploiter sa marque. Cette impossibilité doit être sérieuse mais pas forcément absolue comme la force majeure. Les hypothèses sont légions. Il peut s'agir d'un contentieux communautaire opposant le titulaire de la marque à l'administration qui par exemple s'opposerait pour une raison ou pour une autre à l'exploitation envisagée. Les recours formés par le titulaire de la marque, en pareil cas, manifeste bien sa volonté de l'exploiter. Les obstacles peuvent être de fait82(*) ou de droit, par exemple une interdiction d'exploiter, l'attente d'une autorisation administrative indispensable pour le commerce en question (visa, autorisation de mise sur le marché, agrément, etc.) ou un procès en contrefaçon dirigé contre le titulaire de la marque ou un contentieux sur la propriété de la marque aussi longtemps que l'action est en cours83(*). Ces obstacles ont un effet interruptif. Du moment où l'article 23 alinéa 1 exige une période ininterrompue de non exploitation, un nouveau délai de 5 ans doit commencer « à zéro » à compter de la date à laquelle a pris fin la cause de l'excuse légitime. C'est dire qu'il doit s'écouler entre cette dernière date et celle du début de l'action un minimum de 5 années de non exploitation. Autrement, cela pourrait constituer pour le titulaire de la marque un moyen de défense lui permettant d'échapper à la déchéance. §2: LA DECHEANCE PROPREMENT DITEL'article 23 stipule que la radiation d'une marque enregistrée mais non utilisée par son titulaire, peut être ordonnée par le tribunal à la requête de « tout intéressé ». Autrement dit, le demandeur doit avoir un intérêt à obtenir la radiation de ladite marque. Il peut s'agir d'un concurrent qui possède une marque voisine, qui craint une action en contrefaçon ou qui souhaiterait exploiter la marque seul ou l'exploiter pour les produits ou services inexploités par son titulaire. L'activité menée par le demandeur n'est pas nécessairement identique ou similaire à celle du titulaire de la marque. D'ailleurs, il est possible qu'il n'ait pas encore entamé son activité, l'action en étant un préalable. Qui plus est, il peut s'agir du titulaire d'une dénomination sociale ou d'un nom commercial identique ou similaire, dans le même secteur d'activité, qui veut mettre fin à un risque de confusion. Parfois, enfin, le défendeur à une action en contrefaçon répliquera par une demande reconventionnelle en déchéance. Parce que la preuve du non usage serait difficile voire impossible pour le demandeur, l'article 23 alinéa 2 en a renversé le fardeau. Ceci paraît justifié dans la mesure où seul le titulaire de la marque est apte à démontrer l'exploitation dont elle a fait l'objet. L'exploitation étant un fait, cette preuve peut être administrée par tous les moyens (factures, catalogues, contrats, témoignages, etc.). Le propriétaire doit établir non seulement l'existence mais également la consistance et la date des actes d'exploitation afin d'asseoir la religion du juge. Lorsque la décision ordonnant la radiation est devenue définitive, elle est communiquée à l'Organisation qui l'inscrit au registre spécial des marques. La radiation est ensuite publiée suivant les exigences en vigueur. Elle a un effet absolu en ceci qu'elle est opposable à tous et invocable par tous. L'efficacité de la radiation se mesure à l'aune de son effet rétroactif. L'enregistrement de la marque est, en effet, considéré comme n'ayant jamais existé. Dès lors, le défendeur à une action en contrefaçon pourra échapper, purement et simplement, à la condamnation, s'il réussit à faire prononcer la radiation par voie reconventionnelle. CONLUSION DE LA PREMIERE PARTIE A l'analyse, l'acquisition du droit exclusif sur la marque est l'aboutissement de procédures à caractère administratif voire juridictionnel selon que la procédure a été normale ou qu'elle a impliqué des intérêts opposés à ceux du déposant. L'enregistrement de la marque est conditionné par la validité et la disponibilité du signe ou terme choisi pour désigner le produit ou service considéré. Le contrôle du respect de ces impératifs est effectué soit d'office ou à la demande par les autorités de l'OAPI, soit par les juridictions saisies par tout intéressé. Toutefois, il nous semble que l'établissement de délais impartis aux autorités de l'Organisation pour se prononcer sur les demandes des particuliers en rajouterait certainement à la célérité souhaitée. En somme, une fois revêtue du sceau de l'enregistrement et consolidée par d'éventuelles décisions juridictionnelles favorables, la marque est apte à être exploitée comme telle. Mais il n'est pas sûr que cette exploitation soit paisible dans tous les cas. Elle pourra toujours être contestée. Une fois l'enregistrement accompli, le titulaire de la marque a sur celle-ci un droit de propriété ayant vocation à la perpétuité, sous réserve qu'il procède aux formalités de renouvellement et exploite la marque. La propriété de la marque n'est pas oisive. Ce droit de propriété incorporel consiste en une exclusivité d'exploitation opposable à tous, mais limitée au cadre de la spécialité et au territoire de l'OAPI. Le contenu des prérogatives du propriétaire de la marque n'est pas défini par le législateur mais il est possible de le déduire des actes que ne peuvent impunément poser les tiers. A cet égard, et en principe, seul le propriétaire de la marque a le droit de l'exploiter pour les produits ou services désignés au dépôt et d'offrir en vente, vendre et importer les produits revêtus de sa marque. Mieux, lui seul a la prérogative de reproduire le signe, d'apposer ou utiliser sa marque pour ces produits ou services. Ce monopole d'exploitation de la marque suppose que le propriétaire soit en mesure d'empêcher les tiers agissant sans son accord de faire usage au cours d'opérations commerciales de signes identiques ou similaires pour des produits ou services similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. Par exception, l'article 7 de l'annexe permet certains emplois à titre de signe distinctif par les tiers du signe qui constitue la marque déposée. Il s'agit entre autres de cas fondés sur la préservation d'un droit acquis notamment lorsque le tiers est le premier à avoir utilisé le signe pour distinguer son entreprise ou ne l'a utilisé que parce que, du fait de son non renouvellement, la marque avait temporairement perdu la protection de la loi. Il s'agit aussi des cas dans lesquels un tiers de bonne foi fait usage des attributs de son identité ou enfin des hypothèses où l'usage de la marque s'avère indispensable pour qu'une entreprise indique à sa clientèle la destination de ses propres produits ou services84(*). Lorsqu'on envisage le contentieux de l'exploitation de la marque, l'idée qui transparaît avec une certaine évidence est celle de sa contrefaçon. Il est vrai qu'aujourd'hui plus qu'avant, ce délit focalise les attentions en raison des atteintes portées aux droits des concurrents, des consommateurs, et par identité de raisons, au droit de la propriété industrielle. Mais, la contrefaçon n'est que l'une des nombreuses facettes du contentieux de l'exploitation des marques. Si on garde à l'esprit que la marque peut être exploitée par son propriétaire ou par un cocontractant, on comprend dès lors, que des litiges puissent avoir lieu entre ces derniers voire entre le propriétaire et les tiers. Aussi, nous semble-t-il intéressant d'étudier d'une part les difficultés tenant à une relation contractuelle relative à la marque (chapitre I) et d'autre part, les actes délictuels qui entravent son exploitation paisible (chapitre II). * 82 Exemple, impossibilité ou grande difficulté de se procurer les matières premières ou de conditionner les produits. * 83 Exemple : interdiction d'exploiter, attente d'une autorisation administrative indispensable pour le commerce en question (visa, autorisation de mise sur le marché agrément, etc.), procès en contrefaçon dirigé contre le titulaire de la marque, contentieux sur la propriété de la marque aussi longtemps que l'action est en cours. * 84 Il en va ainsi du réparateur qui indique les produits de quelles marques il répare ou entretient, et du producteur de pièces détachées, d'accessoires ou « consommables », susceptibles de s'adapter ou de fonctionner sur des produits de marque. |
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