Le contentieux de la propriété intellectuelle: cas de la marque de produits ou de services( Télécharger le fichier original )par Nadine Josiane BAKAM TITGOUM Université de Dschang (Cameroun) - Diplome d'Etudes Approfondies 2008 |
2- L'usage sous une forme modifiéeLe législateur OAPI ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si une marque exploitée sous une forme différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée peut donner lieu à sa radiation pour inexploitation. La solution peut être tirée de la Convention de Paris à laquelle ont adhéré les Etats membres de l'OAPI et dont l'article 5-c-2 dispose : « L'emploi d'une marque de fabrique ou de commerce, par le propriétaire, sous une forme qui diffère, par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée dans l'un des pays de l'Union, n'entraîne pas l'invalidation de l'enregistrement et ne diminuera pas la protection accordée à la marque ». C'est dire que malgré une différence minime entre le signe enregistré et celui qui est exploité, on ne doit pas considérer que cette marque n'est pas exploitée dans la mesure du moins où cette différence ne change pas véritablement la marque. La solution est différente dans l'hypothèse où une personne a enregistré deux marques distinctes mais proches par la forme et n'en exploite qu'une seule. L'une des marques constitue, en pareil cas, une marque « de défense », destinée à empêcher les concurrents de gêner l'exploitation du signe exploité. La Cour de cassation, dans une espèce mettant en présence deux marques enregistrées par un même titulaire, a déclaré que «l'exploitation d'une marque enregistrée, analogue à une autre marque enregistrée, ne vaut pas exploitation de cette dernière et l'article 5-C-2 de la Convention d'Union de Paris ne trouve application que si une seule est en cause »78(*). 3- Exploitation partielle de la marqueL'article 23 alinéa1 in fine dispose que « la radiation peut être appliquée à tout ou partie des produits ou services pour lesquels ladite marque a été enregistrée ». La radiation partielle suppose, d'une part, que l'usage ait porté sur une partie des produits ou services désignés et pas pour les autres. D'autre part, le juge ne peut prononcer la déchéance que dans la mesure de la demande du requérant ; il ne peut aller au-delà de cette demande. En d'autres mots, la déchéance partielle est limitée aux produits et services non exploités et, dans cette limite, aux produits et services visés par le demandeur. Une autre question qui attire notre attention est celle de savoir si l'exploitation de produits similaires à ceux désignés dans l'enregistrement peut faire échapper de la déchéance pour ces derniers (produits désignés). Cette préoccupation n'a pas fait l'objet de dispositions particulières dans l'annexe III de l'accord de Bangui. Mais, la Cour de cassation s'y est prononcée par la négative dans un arrêt79(*) dont les faits étaient les suivants : la marque était enregistrée pour désigner du lait frais, sec ou condensé mais exploitée par un concessionnaire seulement pour les fromages frais basses calories non désignés au dépôt. La Cour de céans a jugé que c'est à bon droit qu'une cour d'appel prononce la déchéance, dès lors qu'elle constate l'absence d'exploitation pour les produits énumérés au dépôt, sans avoir à se préoccuper d'une éventuelle similitude des produits. En effet, si la protection du droit du titulaire de la marque s'étend aux produits ou services similaires80(*), l'objet de ce droit est strictement soumis au principe de la spécialité c'est-à-dire aux produits ou services que le déposant a choisi de désigner dans son dépôt. Ce principe demeure applicable même à l'égard des marques notoires. Autrement dit, malgré sa notoriété, la marque n'est protégée que pour les produits et services désignés au dépôt. Par conséquent, si une marque notoire est exploitée pour certains seulement des produits ou services désignés au dépôt, la déchéance devra être prononcée pour les autres produits ou services inexploités81(*). Mais cela n'empêche pas que le titulaire d'une marque célèbre agisse en responsabilité civile ou en concurrence déloyale contre des tiers qui, se camoufleraient sous son sillage pour profiter injustement de cette notoriété. * 78 Ass. Plénière, 16 juillet 1992, « Au lotus », Bull. civ. N°10, p. 21, PIBD, 1992, n°534 III 659 ; JCPE, 1992.II.355, obs. J-J Burst. * 79 Cass. Com. 24 octobre 1984, «Silhouette», Annales, 1984, p.219, obs. Y. REBOUL * 80 Art. 7 al. 2 de l'annexe III de l'accord. * 81 Cass. Com. 4 juin 1991, «Coca Cola », Bull. civ. IV n°210; PIBD 1991, n°510. III. 646. |
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