Section 3. « Quel modèle d'Etat? »: la
théorie.
Ce titre porte bien la question centrale du débat:
« Quel modèle d'Etat souhaitons-nous adopter? ». Les
délégations des Coprinces ne se sont pas prononcées de
manière très exhaustive sur ce point68. Cependant, la
délégation de la Mitre a tout de même énoncé
l'idée du maintien du découpage territorial traditionnel de
compétences.
Néanmoins, les porteurs du débat se situaient
plutôt dans les rangs du Conseil Général. La place a
été grandement faite à la doctrine, au sein de la
délégation mais aussi par des intervenants extérieurs.
Citons deux exemples de propos relevés lors
d'entrevues. Ces deux théories s'opposent radicalement, et ne sont que
le reflet d'une dynamique qui a porté le débat constitutionnel
à son paroxime vers la fin de l'année 1992.
Tout d'abord, nous allons développer l'opinion partisane
d'une voie centralisatrice, exposée en partie lors d'une entrevue
informelle avec Jordi Marquet69.
L'argument est le suivant: l'Andorre, par sa taille et sa
place, se doit de développer les compétences de l'échelon
pertinent que représente le Conseil Général. En outre, les
compétences et les influences des paroisses, et par là des
Comuns, doivent être ramenées à la gestion du
territoire qui les concerne. Les compétences telles que les permis de
construire, la gestion des routes, et surtout le recensement (cens) de
la population et le cadastre doivent être une compétence de l'Etat
central. Ceci dans un but certain d'harmonisation, à l'échelle
du
68 Conclusion faite après une lecture globale du double
volume « Procés Constituent » op. Cit.
69 Jordi Marquet aura marqué l'histoire
post-constitutionnelle d'Andorre car il a été l'initiateur, le
fondateur et le premier président de la Cambra de Comerç,
d'Indùstria i de Serveis d'Andorra (Chambre de Commerce,
d'Industrie et de Services d'Andorre).
pays, des données de base sur la population et le
territoire.
D'après ce courant de pensée, l'Andorre, par sa
taille, ne peut accepter des rivalités de compétences qui peuvent
surgir entre certaines paroisses et l'Etat (entendu dans son large de
l'exécutif et du législatif, mais aussi de son administration).
Le seul garant de la souveraineté resterait le Peuple andorran, à
travers ses représentants nationaux.
L'autre opinion concerne un point de vue radicalement
opposé. Je citerai et analyserai ici le propos d'Antoni Pol i
Solé70.
L'Andorre, par sa coutûme, est de réalité
fédérale. En tout cas, fédérative. Les
découpages territoriaux, hérité du Moyen-Age, à
part avoir été un échelon pertinent issue d'une
construction sociale empirique, demeureraient des points de repère
importants et primordiaux pour chaque andorran. L'Andorre se doit,
d'après Antoni Pol, de garder ses découpages, ses
compétences propres et son système fédératif au
niveau national. Tout serait question de repères sociaux, qui existaient
et existent encore aujourd'hui.
Le modèle dont devrait se doter le « pays des
Pyrénées » serait tout simplement celui hérité
du système médiéval. Cependant, il apparaitrait
nécessaire de l'adapter aux réalités actuelles, surtout
démographiques (plus de 70% des « nouveaux » nationaux
andorrans résident sur les paroisses d'Escaldes-Engordany et
d'Andorra-la- Vella).
Pour résumer, nous faisons face en 1993 à deux
théories qui s'opposent cependant autant sur le plan idéologique
que sur plan pratique.
La solution qui va être adoptée, et qui va
cependant constituer la base de tous les arguments des négociations sera
celle d'une solution à mi-chemin entre les deux théories, entre
la centralisation totale et le fédéralisme communal.
En outre, lors de la promulgation de la Constitution andorrane
que l'on appellera de 1993, mais qui officiellement, après un circuit
très bien identifié: approbation du Conseil
Général, référendum du peuple andorran, et
ratification par les Coprinces, puis publication au Journal Officiel de la
Principauté d'Andorre71. Cette dernière sera
datée du 4 mai 1993.
70 Antoni Pol i S olé: architecte et auteur d'un ouvrage
précité
71 Officiellement appelé: BOPA, ou Botlleti Oficial
del Principat d'Andorra
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