1.2.3 La dimension organisationnelle des SIG
Nous allons ici nous intéresser aux différents
aspects de la conduite de projets SIG dans une collectivité avec tout ce
qui en découle (stratégies d'acteurs, pouvoirs, conflits,
etc.).
44 Extrait de la brochure Guide SIG pour les
collectivités, édité par la région
Rhône-Alpes, 2005, 46 p. accessible à l'adresse
http://www.rhonealpes.fr/content
files/GUIDE SIG.pdf (lien vérifié le 2 1/06/2007)
1.2.3.1 Géomatique et stratégies
d'acteurs
Afin de prendre en compte les aspects humains et
organisationnels dans les conduites de projets géomatiques, nous devons
donc appréhender les TIG avec un regard et avec un vocabulaire
différent qui fait référence aux concepts et aux
théories de la sociologie des organisations. Pour H. Pornon, «
l'examen des concepts de la sociologie des organisations remet en cause un
grand nombre d'idées relatives à la conduite des projets
informatiques et à l'utilité de celle-ci dans les organisations :
cette remise en cause concerne également la géomatique
»45.
Les sociologues des organisations qui s'intéressent
à l'introduction de l'informatique dans les organisations, critiquent la
vision déterministe technologique et sociale des informaticiens. Ils
suggèrent d'autres visions des organisations et de nouvelles approches
pour le déploiement des outils techniques dans les systèmes
sociaux. Il convient donc de définir quelques notions et concepts
relatifs aux organisations :
Une organisation est une structure, un cadre
formel pour les individus qui la composent. Ici, l'organisation est la
collectivité territoriale. Elle a des buts et des objectifs
et doit mener à bien les missions qui lui sont confiées.
L'organisation est composée d'acteurs, ce sont des
individus ou des groupes d'individus qui prennent part dans des actions et
participent à la construction des organisations. Pour A. Mucchielli, un
acteur est un « membre d'un groupe social, déterminé et
socialisé par son groupe d'appartenance »46.
L'interaction entre les acteurs aboutit à la
constitution d'un système d'action, terme
essentiellement utilisé par M. Crozier et E. Friedberg47
nommé également système social qui est
une notion plus générale. Au final, les systèmes sociaux
sont des construits humains où les acteurs se caractérisent par
des stratégies dont ils sont porteurs, ce qui engendre des
stratégies et des jeux d'acteurs voire des
conflits de pouvoirs.
Pour définir le pouvoir, nous
utiliserons la définition de H. Mintzberg : « le pouvoir se
définit comme étant tout simplement la capacité à
produire ou modifier les résultats ou effets organisationnels
»48. Mais c'est la notion de conflits
d'acteur qui est au coeur de cette réflexion, tout comme chez
F. Pichault pour qui « le conflit entre rationalités est le plus
souvent vécu sur un mode larvé et implicite. Il peut alors
s'analyser en termes de négociations
45 PORNON H., 1998, Système d'information
géographique, pouvoir et organisations, Ed. L'Harmattan, 255 p.
46 MUCHIELLI A. (dir.), 1996, Dictionnaire des
méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, Armand
Colin, 303 p.
47 CROZIER M., E. FRIEDBERG, 1977, L 'acteur et le
système, Ed. du Seuil, 436 p.
48 MINTZBERG H., 1986, Le pouvoir dans les organisations,
Les éditions d'Organisation, 688 p.
et d'ajustements réciproques »49,
nous utiliserons le terme de conflit pour suggérer les situations
de contradictions, même si elles n'aboutissent pas à un
affrontement direct.
Après avoir défini quelques concepts et notion
de la sociologie des organisations nous allons pouvoir aborder le cas de la
conduite de projets géomatiques dans les organisations. H. Pornon dresse
un premier constat « la mise en ouvre de SIRS pose des
problèmes organisationnels analogues à ceux posés par les
autres systèmes informatiques »50.
Il définit sa démarche comme suit : « montrer que les
conflits de pouvoir entre acteurs autour de la géomatique sont
inévitables et que l'intégration de la géomatique dans les
organisations passe par leur résolution »51.
Il faut donc reconsidérer le rôle de l'acteur
dans la mise en place de projets géomatiques car l'introduction de ces
outils implique et engendre des changements dans les modes de travail et plus
globalement contribue au mouvement de complexification des organisations. La
géomatique offre donc à la fois des opportunités
d'améliorations du fonctionnement interne et dans le même temps
engendre des conflits au sein de l'organisation.
Pour H. Pornon, il existe plusieurs systèmes d'actions
géomatiques dans le cadre de collectivités territoriales :
· Système d'action départemental ou
sectoriel : une direction ou un service de la collectivité se
dote d'un SIG pour ces missions.
· Système d'action organisationnel :
une collectivité territoriale se dote d'un SIG.
· Système d'action inter-organisationnel
: les acteurs de plusieurs collectivités se rassemblent pour
mettre en place un SIG dans le cadre d'un projet géomatique commun.
P. Lawrence52 montre que les organisations
s'adaptent aux contraintes de leur environnement par un double mouvement de
différenciation et d'intégration.
-La force de différenciation est en
action dans les SIG sectoriels, c'est-à-dire des SIG qui s'appliquent
à des services précis et opérationnels. Les SIG couvrent
des besoins spécifiques indépendamment de tout objectif de
coordination avec les autres services de l'organisation. Ces services se
placent du point de vue de leurs métiers et se dotent d'applications
métier.
49 PICHAULT F., 1990, Le conflit informatique : gérer
les ressources humaines dans le changement technologique, Ed De Boeck
Université, 259 p.
50 PORNON H., 1998, Système d'information
géographique, pouvoir et organisations, Ed. L'Harmattan, 255 p.
51 Ibid.
52 LAWRENCE P. LORSH J., 1989, Adapter les structures de l
'entreprise, Les éditions d'Organisation, 237 p.
-La force d'intégration est en action
dans des SIG organisationnels, mis en place par des services fonctionnels
(informatique, SIG). Ils privilégient des objectifs de coordination et
de coopération en s'appuyant sur la spécificité de chaque
service, le but étant de centraliser les informations et les
applications pour améliorer la cohérence et la qualité de
l'information dans la collectivité et bien sûr de contrôler
le système d'information géographique.
Dans tous les cas, pour H. Pornon, les organisations sont des
« systèmes paradoxaux dont la structuration est le résultat
de l'articulation de deux forces contradictoires et complémentaires,
l'une différenciatrice, l'autre intégratrice»53
et il conclut sur l'idée que « les conflits d'acteurs sont
inévitables. Ils ne constituent pas des dysfonctionnements
organisationnels, mais résultent du mouvement de différenciation
» 54. Il dresse une liste de cinq types de conflits
: conflits d'intérêts, conflits d'incompréhension
(l'exemple le plus parlant étant l'opposition entre cultures
professionnelles différentes), conflits de valeur, conflits d'objectifs
et conflits engendrés par une situation de crise dans l'organisation.
|