Les institutions juridictionnelles dans l'espace communautaire ouest africain( Télécharger le fichier original )par Sally Mamadou THIAM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de l'intégration et de l'OMC 2005 |
Chapitre II : Les relations conflictuellesLe contentieux relatif à l'application des actes uniformes de l'OHADA est d'abord, comme pour le droit communautaire de l'UEMOA, de la compétence des juridictions nationales des Etats membres ensuite des juridictions communautaires ; d'où les relations de complémentarité traité plus haut . On constate ici une analogie complète avec ce qui a été observé pour l'application du droit communautaire de l'UEMOA. Le contrôle exercé par la juridiction de l'OHADA s'écarte cependant de façon notable du mécanisme souple du recours préjudiciel. Certes, la Cour commune de l'OHADA peut être saisie, à titre consultatif, par toute juridiction nationale saisie d'un contentieux relatif à l'application des actes uniformes31(*), mais ce recours consultatif nullement obligatoire32(*) n'est pas le mode spécifique par lequel le Traité de l'OHADA entend faire de la Cour commune de justice et d'arbitrage l'instrument d'interprétation uniforme du droit de l'OHADA. Cette disposition, qui traduit, selon certains, la supranationalité judiciaire au sein de l'OHADA33(*), exprime explicitement la substitution de la C.C.J.A. aux juridictions de cassation nationales pour les litiges dénoués par l'application du droit uniforme de l'organisation. Ce mécanisme de substitution imaginé par les rédacteurs du Traité de l'OHADA est, susceptible d'engendrer des relations conflictuelles avec les juridictions nationales. D'autres relations conflictuelles peuvent également résulter de la confusion de normes juridiques différentes au sein d'un même pourvoi. En effet, les juridictions nationales et les juridictions communautaires peuvent donc avoir des relations conflictuelles dues à la substitution de compétences (section I) mais aussi à la confusion de normes (section II). Section I : Conflits résultant de la substitution de compétenceCe mécanisme de substitution de compétence est une spécificité de l'OHADA. Il est posé par l'article 14 du traité OHADA. Cette disposition qui traduit selon certains la supranationalité judiciaire au sein de l'OHADA34(*), exprime explicitement la substitution de la C.C.J.A. aux juridictions nationales de cassation pour les litiges dénoués par l'application du droit uniforme de l'organisation (paragraphe I). L'article 14 alinéa 5 étend même cette substitution aux juridictions du fond lorsqu'il y a cassation (paragraphe II). Paragraphe I: La substitution aux juridictions de cassation des Etats membresPour analyser la substitution de la CCJA aux cours de cassation des Etats membres, il importe de relever l'objet de cette compétence (A) mais aussi les limites assignées à cette compétence (B). A: L'objet la compétence en cassation La Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA est la juridiction de cassation des Etats membres dès lors qu'il s'agit d'un litige soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes. Ceci ressort de l'article 14 du Traité OHADA qui, après avoir établi que « la Cour commune de justice et d'arbitrage assure dans les Etats parties l'interprétation et l'application commune du présent traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes », mentionne expressément que la Cour est « saisie par la voie du recours en cassation » et qu'elle « se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Ce mécanisme de substitution imaginé par les rédacteurs du Traité de l'OHADA est, susceptible d'engendrer des relations conflictuelles avec les juridictions nationales dès lors qu'il s'agira de délimiter la portée exacte de cette substitution. Celle-ci dépend du droit à contrôler par la Cour commune. Formellement, le traité vise le traité, les règlements pris pour l'application du traité et les actes uniformes35(*). On peut cependant douter que les règlements entrent dans ce cadre. En effet, les règlements ont pour seul objet les rapports entre les organes de l'OHADA et entre l'Organisation et les Etats membres. Il est donc impossible qu'un contentieux judiciaire privé ouvrant droit à cassation puisse impliquer l'application d'un règlement B: Les limites de la compétence en cassation Substantiellement, le Traité exclut «...les décisions appliquant des sanctions pénales », On peut penser que cette disposition exclut la compétence de la C.C.J.A. dès lors qu'il s'agit d'un pourvoi en cassation en matière pénale. Ceci impliquerait que les pourvois en cassation en matière pénale devraient nécessairement être portés devant les juridictions nationales de contrôle de légalité même s'ils sont fondés sur un moyen tiré de la violation d'un acte uniforme puisqu'il ne faut pas perdre de vue que les actes uniformes peuvent contenir des dispositions d'incrimination pénale mais non celles infligeant les sanctions qui restent du domaine de la loi nationale. Une telle interprétation qui supprime le pouvoir de substitution de la C.C.J.A. en matière pénale, évite la complexité et les lenteurs36(*). En effet, si l'on admet que la C.CJ.A. est compétente pour statuer sur les dispositions d'incrimination mais non sur les dispositions établissant les sanctions, il faut admettre que la Cour commune, après s'être prononcée sur l'application des dispositions d'incrimination, devrait renvoyer l'affaire devant une juridiction nationale (de cassation ou d'appel) pour qu'il soit statué sur les sanctions. La solution consistant à écarter la compétence de la Cour de l'OHADA en matière pénale présente, quant à elle, l'inconvénient d'abandonner l'interprétation des dispositions des actes uniformes établissant des incriminations pénales aux seules juridictions nationales. Ceci pourrait « conduire à avoir autant d'interprétations du même texte qu'il y a d'Etats parties »37(*) ce qui ne conduit manifestement pas à l'émergence d'un droit pénal des affaires harmonisé. Il ne faut pas non plus perdre de vue que, dans un même litige, une partie peut déférer une décision au pourvoi en cassation en se fondant sur la violation de la disposition d'incrimination et de celle établissant la sanction. Cette observation, sur la cassation en matière pénale, est susceptible d'être étendue à toute espèce de pourvoi en cassation et laisse alors entrevoir le danger d'une relation conflictuelle de portée beaucoup plus large entre la Cour commune et les juridictions nationales. En plus de la substitutions aux juridictions de cassations des Etats membres, les conflits naissent également suite à la substitutions des même juridictions communes aux juridictions de fond des Etats membres. * 31 Art. 4 al. 2. du Traité OHADA. * 32 Ce recours consultatif se distingue du recours préjudiciel en ce que l'avis rendu par la Cour commune ne lie pas la juridiction qui y a eu recours. * 33 D. ABARCHI, « La supranationalité de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires » (OHADA), Revue burkinabé de droit, 2000, Spéc. p.l8 et s. J. Issa-Sayegh, « La fonction juridictionnelle de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA », Mél. Decottignies, Presses universitaire de Grenoble; G. Kenfack Douajni, « L'abandon de la souveraineté dans le Traité OHADA », Rec. Penant 1999, p. 125 et s. * 34 Ibid. * 35 Art. 14 al. 3 du Traité OHADA * 36 J. Issa-Sayegh, « La fonction juridictionnelle de la Cour commune de' justice et d'arbitrage de l'OHADA », « Quelques aspects techniques de l'intégration juridique: l'exemple des actes uniformes de l'OHADA », Revue de droit uniforme, 1999-1, p. 5 et s. * 37 Op.cit |
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