Les institutions juridictionnelles dans l'espace communautaire ouest africain( Télécharger le fichier original )par Sally Mamadou THIAM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de l'intégration et de l'OMC 2005 |
Section II : L'identité des domaines d'actions des CoursLa particularité de l'UEMOA et de l'OHADA se situe au niveau de leur domaine de prédilection. Il faut noter que la production de norme n'a pas été convenablement ajustée afin d'éviter un chevauchement entre elles surtout si l'on sait que l'espace d'exécution des ces deux juridiction est à peu prés la même chose car tous les huit Etats membres de l'UEMOA sont aussi membres de l'OHADA. C'est pourquoi l'étude des rapports passe nécessairement par l'étude du domaine d'action matériel d'abord (paragraphe I) puis par celle du domaine d'action spatial (paragraphe II). Paragraphe I: Domaine d'action matérielPour ce qui concerne l'UEMOA, celle-ci ne jouit que d'une compétence d'attribution45(*). Cela veut dire que ses activités ne peuvent ou ne doivent se déployer que dans un certain nombre de domaines limitativement déterminés par le Traité. Ce principe ressort clairement des dispositions de l'article 16 alinéa 2 du Traité qui limite l'action des organes "aux attributions qui leur sont conférées par le Traité de l'UMOA et le présent traité dans les conditions prévues par ces Traités". Il se pose alors la question des domaines réservés ou ouverts à l'Union et dans lesquels le droit communautaire aurait matière à s'appliquer. Cette interrogation ne reçoit pas de réponse précise, référence faite au Traité eu égard à l'absence d'une différenciation nette entre les notions de fonction et de compétence46(*). Cette imprécision est renforcée par le fait que le Traité UEMOA est un traité cadre. C'est donc dire que le champ d'application matériel du droit de l'UEMOA épouse les contours des objectifs de l'Union. Il ressort de ce qui précède que le domaine d'application ou d'intervention du droit communautaire est à la fois vaste et imprécis. Le droit communautaire de l'UEMOA harmonisé, au moyen des directives ou unifié au moyen des règlements peut porter sur l'organisation des activités économiques dans le cadre du marché et d'une manière plus générale sur tous domaines dès lors que la poursuite des objectifs de l'Union l'exige. La situation est similaire s'agissant du droit de la CEDEAO Le domaine couvert par le droit unifié de l'OHADA est constitué du droit des affaires. Celui-ci est défini par l'article 2 du Traité au moyen d'une énumération d'un ensemble de règles se rapportant «au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports... ».Cette énumération n'est cependant pas limitative puisque la même disposition poursuit l'énumération par la mention que «toute autre matière» peut être incluse dans le droit des affaires pour autant que le Conseil des ministres de l'OHADA décide à l'unanimité de l'y inclure. Ceci ne fait que refléter le fait que le droit des affaires est une branche à contenu variable sans limitation précise. Le droit des affaires a ainsi vocation à englober toutes les règles de droit relatives à l'entreprise et à la production et la circulation des richesses économiques. C'est ainsi que peuvent sans nul doute entrer dans le champ du droit des affaires, outre le droit commercial au sens classique du terme, le droit de certaines professions commerciales spécialisées, le droit des services financiers, le droit pénal des affaires, le droit fiscal, le droit social, le droit comptable et le droit des contrats, en incluant le droit des obligations47(*). On constate donc que les domaines d'intervention sont loin d'être étanches entre les différentes organisations de sorte qu'il n'est pas impossible que des normes produites par plusieurs de ces institutions portent sur les mêmes matières. Il y aurait dans ces situations, coexistence de règles substantielles pour réguler une même situation. De ce qui précède il apparaît clairement qu'il existe un risque réel de concurrence normative entre l'UEMOA et l'OHADA dans la mesure où ces organisations ont compétence à forger le droit commun des affaires mais aussi le droit spécial des affaires (droit des transports ainsi que le droit social. Déjà on a vu apparaître un conflit de normes à propos du droit comptable élaboré par l'OHADA et le SYSCOA élaboré dans le cadre de l'UEMOA. Ce conflit a été résolu à posteriori par la concertation. Mais un conflit similaire peut surgir dans d'autres domaines sans qu'on ait l'assurance que la concertation suffira à apporter la solution. On peut par exemple penser au droit du commerce électronique qui est traité dans le règlement sur les instruments de paiement et qui va l'être dans le prochain AUOHADA sur les contrats. Le risque de conflits de normes existe également entre l'OHADA et les organisations inter- africaines d'intégration juridique à compétence sectorielle. En effet ces dernières ne doivent pas en principe sortir des limites de compétences qui leur sont assignées par leurs traités constitutifs (OAPI, CIPRES, CIMA) mais ces dernières ne sont pas à l'abris des conflits de normes avec l'OHADA si cette dernière en vertu de sa compétence non délimité déciderait un jour d'intervenir dans leur champ de compétence. Ainsi on remarque d'après ces observations qu'il existe un risque sérieux de conflits entre les juridictions communautaires résultant de l'identité de domaines d'action matériel des cours. Aussi, les conflits peuvent ils également surgir du fait de l'identité du domaine d'action spatiale. * 45 Le principe d'attribution des pouvoirs constitue la traduction du principe de spécialité des organisations internationales et connu sous l'appellation de compétences fonctionnelles. Le spectre des domaines attribués peut être plus ou moins large mais on ne peut en aucune manière se retrouver dans la situation d'un champ d'action théoriquement illimité comme dans l'Etat unitaire * 46 Les fonctions d'une OIG sont les finalités de l'activité de cette dernière : fonction de coopération ou d'intégration. Les compétences, par contre, sont des pouvoirs juridiques reconnus à l'OIG pour la réalisation de ses fonctions. C'est donc dire que l'importance des fonctions * 47 D. Ba, Le problème de la compatibilité entre l'UEMOA et l'OHADA, in La libéralisation de l'économie dans le cadre de \' intégration régionale, op. cit. p.174 |
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