Paragraphe II : L'interprétation uniforme du
droit communautaire
Dans le souci d'une application uniforme des normes uniformes,
il est institué au sein de l'OHADA et de l'UEMOA un système de
coordination entre les juridictions communautaires et celles qui sont propres
aux territoires des Etats parties. En effet, ont aurait couru le risque d'une
incohérence si les juridictions nationales pouvaient chacune de
manière séparée et selon leur bon vouloir et leur
entendement, interpréter le droit communautaire. Sans conteste il y
aurait autant d'interprétations que de juridictions nationales et par
conséquent l'uniformisation serait fortement obérée.
Pour cette raison l'analyse des textes fondamentaux de
l'UEMOA et de l'OHADA révèle que c'est aux cours communautaires
de justice qu'est dévolue la mission d'interprétation des normes
communautaires en cas de difficultés pour leur application dans un
litige au plan interne. L'interprétation consiste à
préciser le sens et la portée des dispositions du droit
communautaire
Dans l'UEMOA mais également dans la communauté
jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par
l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le
recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est
organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel
n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du
règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure
de la Cour de justice. Justement, cet article 15 dispose
que : « Lorsqu'un problème d'interprétation
du traité de l'Union, de la légalité des organes de
l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts
des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une
juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours,
cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions
préjudicielles à la Cour ». S'il en est ainsi c'est
dire que la saisine est facultative mais la même disposition
précise également que les juridictions nationales sont cependant
dans l'obligation de saisir la Cour de justice lorsqu'elles statuent en dernier
ressort. Dans l'Union le contentieux portant sur l'ensemble du droit
communautaire est susceptible de faire l'objet d'un recours préjudiciel
(les règlements, les directives, décisions, les statuts des
organes spécialisés comme la BRVM et le Traité
lui-même.
Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou
d'une autorité à fonction juridictionnelle. Ainsi,
l'opportunité de renvoi appartient à la juridiction nationale qui
peut la refuser malgré la requête d'une partie. Cela amène
à dire que dans l'Union le recours n'est pas une voie de recours dont
les justiciables peuvent user contrairement à l'Union Européenne
où les avocats peuvent provoquer le renvoi et même participer
à la formulation de la question posée à la juridiction
communautaire.
Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord l'article 14 du
Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la
CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris
pour son application et des applications. Ensuite c'est l'article 56 du
règlement de procédure qui traite de la question de
l'interprétation mais à ce niveau le règlement consacre le
concept de procédure consultative. Ainsi la disposition inclus au niveau
du Titre III intitulé : De la procédure consultative
énonce que : « Toute décision par laquelle
une juridiction visée à l'article 14 du traité sollicite
un avis consultatif est notifié à la cour à la diligence
de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la
question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de
solliciter l'avis de la cour pour rendre son jugement... ». Ainsi, on
peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi
préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est
demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous
les Etats parties au Traité, par le greffier en chef. En outre il faut
dire que, plus que dans l'Union la demande d'avis apparaît comme une
obligation dans l'organisation dans la mesure où les décisions
rendues par les juridictions nationales qui s'inscriraient en faux avec le
droit communautaire seraient toutes invalidées par la CCJA qui est une
véritable juridiction de troisième degré.
Matériellement la réglementation des deux juridictions
prévoit que le juge national doit exposer les motifs pour les quels il
juge la saisine nécessaire à la solution du litige et les
éléments de droit et de fait du litige en y joignant toutes les
pièces du dossier. Lorsque la décision d'interprétation
est rendue par les deux Cours elle contient l'indication de son auteur, la date
du prononcé, les noms des juges, l'exposé sommaire des faits, les
motifs et enfin la réponse à la question qui était
posée.
Il faut dire en fin de compte que les interprétations
qui sont données par les cours s'imposent en principe à la
juridiction nationale qui les a demandé. L'interprétation
s'impose à toutes les autorités administratives et judiciaires
dans l'ensemble des Etats membres.
De ce fait, l'inobservation par l'Etat ou la juridiction d'une
décision d'interprétation peut entraîner un recours en
manquement dans l'UEMOA. Par conséquent la pratique de la demande
d'interprétation présente des intérêts certains.
Cela permet de préserver l'unité d'interprétation servant
de base à des applications homogènes par les juridictions
nationales mais également l'interprétation permet de diminuer
l'encombrement du prétoire de la juridiction communautaire. En outre, la
faculté de saisine de la cour communautaire aux fins d'une
interprétation disparaît si la question posée a
déjà fait l'objet d'une jurisprudence. Le recours en
interprétation n'est pas requis également lorsque la question
soulevée par l'une des parties manque de pertinence c'est-à-dire
quand elle n'a aucune influence sur la solution du litige.
Au demeurant, il apparaît que la juridiction nationale
et les juridictions communautaires partagent un aspect très important
lié à l'application du droit commun. Si cet aspect illustre l'un
des rapports qu'entretiennent ces juridictions, il n'en demeure pas moins que
l'identité des domaines d'actions constitue également un aspect
important voire déterminent dans les rapports des cours.
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