DEUXIEME PARTIE:
PLAIDOYER EN FAVEUR D'UN CADRE JURIDIQUE UNIQUE SUR
L'EAU EN HAITI
CHAPITRE TROISIEME:
ANALYSE CRITIQUE DE LA LEGISLATION DE L'EAU EN
HAITI
Ce bref parcours réalisé, au chapitre deux, sur
l'état actuel de la législation de l'eau en Haïti, appelle
un certain nombre de remarques. En premier lieu, un constat s'impose Dans les
faits, Haïti possède déjà des éléments
d'une politique de l'eau, une politique des usages. Élaborée au
gré des besoins, des crises et des occasions, cette politique empirique
a des défauts bien connus : elle est sectorielle, peu
intégrée, peu axée sur la protection et la
durabilité de la ressource. En second lieu, de nombreux textes
constituent la législation de l'eau et définissent les
compétences des différentes administrations dans le domaine de
l'eau en Haïti. Nous ne sommes pas en mesure de faire une critique
exhaustive de ce régime complexe de lois et réglementations.
Cependant, nous croyons utile de d'indiquer les pièces
législatives maîtresses de la protection de l'eau en Haïti.
Il s'agira, entre autres :
§ Le code civil, la Constitution de 1987, fixe les
règles de propriété de l'eau ;
§ La loi no.7 de mars 1963 (code rural) définit
les règles de la police des eaux, c'est-à-dire permet à
l'administration de fixer le régime des cours d'eaux et d'intervenir sur
toute action ou ouvrage empêchant ou modifiant l'écoulement
naturel des cours d'eau. Cette même loi réglemente l'utilisation
systématiquement soumise à une concession ou à une
autorisation de l'état ;
§ La loi de juillet 1974 réglemente et soumet
à autorisation l'exploitation des eaux souterraines profondes ;
§ Quelques textes du code rural, réglementent les
rejets d'eaux résiduaires et organisent la répression des actes
de pollution, mais souvent de façon indirecte et selon des points de vue
très spécifiques.
L'important édifice juridique et réglementaire
ainsi constitué, malgré sa valeur et son coté positif,
s'est quelquefois révélé peu efficace,
singulièrement face au problème de la gestion des eaux, parce que
lacunaire, hétéroclite et mis en oeuvre par plusieurs
administrations. Cependant, puisque rien ne saurait être parfait en ce
bas monde, nous nous devons de soulever certaines difficultés
rencontrées dans l'application de la législation actuelle.
Section 1. CONTRAINTES D'APPLICATION DE LA LEGISLATION
1 Une réglementation variée et foisonnante
-en matière d'eau
La législation actuelle régissant l'usage de
l'eau, en Haïti, comme nous l'avons déjà souligné,
est ancienne, dispersée, incomplète, et parfois contradictoire.
Elle est à l'heure actuelle peu et mal appliquée. La
législation ne prévoit rien concernant la coordination du secteur
eau, c'est-à-dire les procédures conduisant à une
répartition de la ressource entre différents utilisateurs. La
politique de l'eau en Haïti a été mise en place d'une
manière empirique au gré des fonctions et des besoins. C'est avec
l'émergence de la question écologique qu'est née
l'idée d'une gestion globale et intégrée qui assume
à la fois les usages et les exigences de la ressource elle-même.
La structure du droit actuel, élaboré selon une approche
sectorielle et empirique au gré des difficultés posées par
les utilisations de la ressource ne nous semble pas suffisamment solide pour
absorber les modifications requises par la situation actuelle. Tout un travail
doit donc être engagé pour mettre sur pied une législation
moderne qui soit en concordance avec les options de la politique
sectorielle.
En Haïti comme dans la majorité des pays
développés, la gestion de l'eau s'articule autour de composantes
et d'usages séparés les uns des autres. Toutefois, le patrimoine
hydrique ne se résume pas à une liste d'éléments et
d'usages séparés. Il est plutôt constitué d'un
ensemble d'éléments inter - reliés en un système
complexe. Ce contexte éclaté ne permet pas de tenir compte des
impacts cumulatifs des actions des uns et des autres. C'est que chaque
gestionnaire poursuit individuellement ses objectifs de développement,
sans interaction avec les autres.
Une gestion morcelée se caractérise
habituellement par la déresponsabilisation de certains acteurs à
l'égard de l'eau et de la dégradation de sa qualité. Elle
ne permet pas de régler les conflits d'usages. Or, les sources de
conflit sont multiples : usage immodéré des ressources et partage
inéquitable, déséquilibre des relations de pouvoir entre
les promoteurs et les « victimes » d'un projet, manque
d'accessibilité à l'information pour les acteurs
concernés, absence de participation du public dans la planification d'un
projet et dans la prise de décision.
Le passage d'une gestion balkanisée à une
gestion intégrée se justifie par le fait que tous les
éléments d'un écosystème sont
interdépendants. C'est la raison pour laquelle les ressources en eau et
les milieux aquatiques doivent être gérés comme des
systèmes dynamiques et intégrés plutôt que comme des
éléments indépendants et distincts.
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