Section 2- LES GRANDES ORIENTATIONS DE LA NOUVELLE
LEGISLATION DE L'EAU EN HAITI
1 Principales dispositions de la nouvelle
législation
Le développement des ressources en eau doit permettre
d'assurer une disponibilité en eau suffisante en quantité et en
qualité au profit de l'ensemble des usagers conformément aux
aspirations d'un développement économique et social harmonieux,
aux orientations des plans d'aménagement du territoire national et aux
possibilités offertes par les potentialités en eau pour leur
aménagement et ce, au moindre coût. A cet égard, les
principales dispositions que pourrait contenir cette nouvelle loi-cadre sur
l'eau se résument à:
1.1 Les apports de la nouvelle législation sur
l'eau
Elle doit viser à mettre en place une politique
nationale de l'eau basée sur une vision prospective qui tiendra compte
d'une part de l'évolution des ressources et d'autre part des besoins
nationaux en eau ;
Elle doit prévoir des dispositions légales
visant la rationalisation de Futilisation de l'eau, la
généralisation de l'accès à l'eau, la
solidarité interrégionale, la réduction des
disparités entre la ville et la campagne dans le cadre de programmes
dont l'objectif sera d'assurer la sécurité hydraulique sur
l'ensemble du territoire
Elle contribuera également de manière efficace
à créer le cadre adéquat au partenariat entre
l'administration et les communes rurales en vue de réduire rapidement
les écarts dans l'accès à l'eau potable entre les villes
et la campagne.
La nouvelle loi sur l'eau devra constituer la base
légale de la politique de l'eau du pays et se fixera, en
conséquence, les objectifs suivants :
· une planification cohérente et souple de
l'utilisation des ressources en eau, tant à l'échelon du bassin
hydraulique qu'à l'échelon national ;
· une mobilisation optimale et une gestion rationnelle de
toutes les ressources en eau, en tenant compte des ordres de priorité
fixés par le plan national de l'eau ;
· une gestion des ressources en eau dans le cadre d'une
unité géographique, le bassin hydraulique, qui constituera une
innovation importante permettant de concevoir et de mettre en oeuvre une
gestion décentralisée de l'eau. En effet, le bassin hydraulique
constitue l'espace géographique naturel le mieux adapté pour
appréhender et résoudre les problèmes de gestion des
ressources en eau, ainsi que pour réaliser une solidarité
régionale effective entre les usagers concernés par une ressource
en eau commune;
· une protection et une conservation quantitative et
qualitative du domaine public hydraulique dans son ensemble ;
· une administration adéquate de l'eau permettant
d'aider à la conception de l'utilisation et au contrôle des
opérations citées ci-dessus, en associant les pouvoirs publics et
les usagers à toute prise de décision relative à l'eau.
Elle doit viser en outre la valorisation des ressources en eau
et la rentabilisation des investissements y afférents tout en prenant en
considération les intérêts économiques et sociaux
des populations par la sauvegarde des droits d'eau acquis.
Pour atteindre ces objectifs et renforcer le cadre
institutionnel existant en matière de gestion de l'eau, la nouvelle loi
sur l'eau créera des agences de bassins, établissements publics,
dotées de la personnalité morale et de l'autonomie
financière. Elles auront pour mission d'évaluer, de planifier et
de gérer les ressources en eau au niveau des bassins hydrauliques. Ces
agences pourront accorder des prêts, aides et subventions à toute
personne engageant des investissements d'aménagement ou de
préservation des ressources en eau. Leurs ressources seront
constituées des redevances recouvrées auprès des usagers
et utilisateurs de l'eau, des emprunts, des subventions, des dons... Ainsi,
grâce à la souplesse dans la gestion et la prise de
décision dont pourront disposer les agences de bassins, tous les usagers
de l'eau d'un même bassin pourront bénéficier du soutien
financier et de l'assistance technique nécessaire à leurs
opérations relatives à l'utilisation du domaine public
hydraulique.
1.2 Les principes de base de la nouvelle
législation de l'eau
Enfin, la nouvelle loi sur l'eau devra reposer sur un certain
nombre de principes de base qui découlent des objectifs
cités ci-dessous :
§ la domanialité publique des eaux : toutes les
eaux font partie du domaine public à l'exception des droits acquis et
reconnus.
§ la mise au point d'une planification de
l'aménagement et de la répartition des ressources en eau
basée sur une large concertation entre les usagers et les pouvoirs
publics,
§ la protection de la santé de l'homme par la
réglementation de l'exploitation, de la distribution et de la vente des
eaux à usage alimentaire,
§ la réglementation des activités
susceptibles de polluer les ressources en eau,
§ la répartition rationnelle des ressources en eau
en période de sécheresse pour atténuer les effets de la
pénurie,
§ une plus grande revalorisation agricole grâce
à l'amélioration des conditions d'aménagement et
d'utilisation des eaux à usage agricole,
§ la prévision de sanctions et la création
d'une police des eaux pour réprimer toute exploitation illicite de l'eau
ou tout acte susceptible d'altérer sa qualité.
Parmi les apports de cette nouvelle législation,
figurera également la contribution à l'amélioration de la
situation environnementale des ressources en eau nationales. Cette nouvelle
législation constituera en effet un moyen efficace de lutte contre la
pollution des eaux étant entendu que la réalisation de cet
objectif nécessite, par ailleurs, un travail législatif
supplémentaire en matière de gestion du littoral et de
réglementation des produits chimiques utilisés dans les
activités économiques productrices
La nouvelle législation sur l'eau permettra
d'établir de nouvelles règles d'utilisation de l'eau plus
appropriée aux conditions économiques et sociales d'Haïti
moderne et jettera les bases d'une gestion efficace de l'eau dans le futur pour
relever les défis attendus pour la sécurité de
l'approvisionnement du pays Cette nouvelle loi permettra par ailleurs de
valoriser encore plus les efforts considérables consentis pour la
mobilisation et l'utilisation de l'eau et de les rendre compatibles avec les
aspirations au développement économique et social d'Haïti du
XXIe siècle.
2 Les orientations de la nouvelle législation
de l'eau
2.1 Le régime de l'eau
En ce qui concerne le régime de l'eau, la nouvelle
législation attribuera au Gouvernement les prérogatives en
matière de contrôle et de répartition des usages de l'eau
en cas de sécheresse ou de circonstances exceptionnelles, au niveau
national ou local.
Afin de protéger la ressource en eau et
l'environnement, la nouvelle législation posera les principes de
déclaration et d'autorisation des ouvrages de prélèvements
et des prélèvements eux-mêmes, ainsi que la
déclaration des activités pouvant avoir une incidence nuisible
sur l'eau ou l'environnement.
Toujours dans le même souci de protection, la nouvelle
législation instaurera les périmètres de protection et en
définira les modalités de création ; elle interdira les
activités susceptibles de nuire au cycle hydrologique ou à la
qualité de l'eau, ainsi que les activités nuisibles dans les
diverses zones protégées (parcs nationaux, réserves,
etc.
La nouvelle législation précisera les conditions
dans lesquelles l'Etat pourra déléguer à une
collectivité territoriale les compétences relatives à la
gestion de l'eau, avec un accent particulier sur le service public de
distribution d'eau potable, ou à l'utilisation de l'eau à des
fins agricoles, aquacoles, industrielles, touristiques ou
énergétiques. L'Etat ou la collectivité territoriale
gèrera le service public de distribution d'eau, lui-même, en
régie, ou dans le cadre de contrats de gestion ou de gérance, par
voie de concession ou d'affermage.
2.2 Le financement du secteur de l'eau
La nouvelle législation posera comme principe de base
que l'utilisation de l'eau exige- de chacun qu'il participe à l'effort
de la Nation pour en assurer la gestion. Cela se traduira par les principes
pollueur / payeur et préleveur / payeur ; la contribution
financière issue de l'application de ces principes devra être
affectée en priorité au financement du secteur de l'eau, selon le
principe "l'eau finance l'eau". Cependant, le principe pollueur / payeur ne
sera en aucun cas un droit à polluer contre un payement. Il traduira la
nécessité pour les pollueurs de contribuer financièrement
à l'atténuation des nuisances provoquées et à la
réhabilitation de l'eau et de l'environnement ; de même, le
principe préleveur / payeur ne signifiera pas la possibilité
d'acheter un droit à gaspiller l'eau ; il exprimera l'obligation pour
les usagers de contribuer financièrement à la gestion durable de
la ressource qui leur sera nécessaire pour leur activité.
La nouvelle législation veillera cependant à la
protection sociale des usagers en matière d'accès à l'eau
pour la satisfaction des besoins élémentaires : les usagers
domestiques, dont les types de prélèvement et les seuils d'usage
seront définis par décret, ne seront pas soumis à cette
contribution financière.
La nouvelle législation prévoira
également des indemnités de dédommagement pour les
victimes de pollutions accidentelles, à charge du responsable de la
pollution.
Comme son nom l'indique, la nouvelle législation sera
une loi d'orientation. Elle posera les grands principes de la gestion
intégrée des ressources en eau ; il restera à
élaborer les décrets qui apporteront les précisions et les
modalités pratiques de sa mise en oeuvre.
Les réflexions qui précèdent permettent de
faire les recommandations suivantes
1. - Dans le domaine de la gouvernance:
§ la mise en place d'un cadre légal, transparent
et reposant sur l'état de droit, respectant les besoins fondamentaux de
l'homme et la préservation des écosystèmes, et favorisant
la responsabilisation des acteurs locaux et une approche appropriée du
recouvrement des coûts
§ l'élaboration des plans les plus complets pour
la gestion intégrée et l'utilisation efficace des ressources en
eau
§ le renforcement des compétences et des
connaissances des différents acteurs dans le secteur de l'eau, en
particulier les autorités locales et les acteurs concernés de la
société civile, en favorisant les approches fondées sur
les communautés locales ;
§ l'approche participative (consultation, conciliation,
concertation, etc.) des gestionnaires, des usagers et des citoyens constitue la
voie à privilégier pour réaliser une véritable
gestion intégrée de l'eau
§ la création d'une Agence National de l'Eau,
organe consultatif créé auprès du Ministère
chargé de l'Eau ; toutes les catégories d'acteurs doivent y
être représentées
2.- Sur le plan financier
§ l'encouragement des institutions financières
nationales et internationales à accorder à l'eau la
priorité nécessaire
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