b) La dilution de la responsabilité étatique
par le processus de privatisation et d'externalisation.
L'idée même de décentraliser, de
privatiser des fonctions étatiques comporte un risque majeur : celui de
perdre, dans un processus de transfert de compétences, l'idée de
responsabilité de l' Etat. Si l' Etat demeure toujours à l'
origine des décisions mais qu' il ne s'occupe pas de leur
réalisation, il dilue par cela sa responsabiité, et amoindrit
alors son importance, son poids tant vis à vis de sa communauté
que des autres pays. Que penser alors d'un Etat qui s'affaiblit volontairement
?
Par ailleurs, est-il moralement acceptable que l' Etat traite
la Défense et la sécurité comme des marchandises ? Est-ce
une déviance acceptable ? Si l'Etat externalise, ou emploie des SMP, la
tentation est grande alors pour lui de faire de la sécurité un
bien, une marchandise à valeur commerciale. Lorsque le donneur d'ordre
n'est pas la même personne que l'exécutant, les risques de
déviance par rapport au but originel augmentent. L'objectif du donneur
d'ordre peut être correctement interprété ou non, toujours
est-il que l'objectif de l'exécutant est d'obéir au donneur
d'ordre. Que se passe-t-il en cas de dissociation des volontés, des
moyens, des questions d' ordre moral ou éthique, des
responsabilités ? L'Etat peut trop facilement fuir ses
responsabilités, et l'exécutant se décharger des siennes
sur l'Etat. Comment traiter des affaires comme celles d'Abou Ghraib, si des SMP
étaient impliquées ? Qui serait tenu pour responsable
par l'opinion publique, par la communauté
internationale, ou les tribunaux chargés de juger de tels actes ? Il est
probable que l'Etat ne serait pas inquiété outre mesure au regard
des accusations dont les exécutants auraient à répondre.
Pareillement, les responsabilités de l'Etat ne sont pas pleines
dès lors qu'il y a des intermédiaires : nous avons
étudiés le cas des hôpitaux militaires en Grande-Bretagne,
peut on raisonnablement incriminer les << contractors >>
pour le fait que des soldats britanniques soient soignés dans des salles
communes ? Non, et c'est au gouvernement britannique de prendre ses
responsabilités, de les assumer et de réparer ses fautes, ses
manquements à ce qu'il doit à ses propres soldats, qui demeurent
cependant toujours le bras armé de sa propre volonté.
Ne s' écarte-t-on pas alors de ce que doit être,
idéalement pour le moins, le rôle de l'Etat et de ses
représentants: assurer à ses membres paix et
sécurité ? Nous n'affirmons pas que tel est toujours le cas, mais
il est des choses surprenantes que nous avons vues lors de nos recherches : les
exemples de M. Dick Cheney aux Etats-Unis d'Amérique et de sir Malcolm
Rifkind en Grande-Bretagne sont là pour nous rappeler que ces liens
entre politique et << business >> se
généralisent, à l'image du secteur de la privatisation et
de l' externalisation.
Le problème de dilution des responsabilités
vient du fait que certains Etats font d'un droit un bien que l'on marchande.
L'article Trois de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948,
adopté par l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa
résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, stipule que <<
tout individu a droit à la vie, à la liberté et
à la sûreté de sa personne. >> 40
Ainsi donc, si les Etats n' assurent plus eux-mêmes et directement leur
rôle, il est possible de se demander si nous n'assistons pas à la
faillite de l'Etat, à sa démission, au regard des engagements
pris précédemment.
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