Processus d'externalisation en Grande-Bretagne et privatisation de la sécurité: Quels rapports, quels enjeux ?( Télécharger le fichier original )par Hugues de Bonnières Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr - 2007 |
c) la communauté internationale33. Sandline International, Comments on Government Green Paper entitled Private Military Companies: Options for Regulation published 12 February 2002, juillet 2002. Elle devra venir à la volonté expresse de mettre en place ce système car elle a peut être le plus à gagner d'une telle organisation. Si le terme de << communauté internationale >> est un peu vague, l'idée est qu'une structure mondiale, au delà du simple débat public / privé, nationalisation / privatisation devrait voir le jour, afin de se positionner au dessus du problème. Cela lui permettrait alors de saisir l' ensemble des données du problème, et, pourquoi pas, d'instaurer une sorte de droit international dans ce domaine. Peut être qu'une telle idée est déjà présente dans la pensée de Kofi Annan, dès 1998 : «Some have even suggested that private security firms, like the one which recently helped restore the elected president to power in Sierra Leone, might play a role in providing the United Nations with the rapid reaction capacity it needs. When we had need of skilled soldiers to separate fighters from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I even considered the possibility of engaging a private firm. But the world may not be ready to privatize peace.» 34 L'utilisation des SMP par l'Organisation des Nations Unies, comme Kofi Annan l'avait envisagé, est le résultat d'une volonté particulièrement affirmée quand aux résultats recherchés par l'Organisation des Nations Unies. Il s'agit donc de voir jusqu'à quel point les Nations Unies sont prêtes à aller pour réaliser leur mission. Nous entrons ici dans une nouvelle problématique, qui concerne le secrétariat et le Conseil de Sécurité des Nations Unies : faut-il faire passer en premier l' efficacité ou la morale ? Si elle n' est pas neuve, cette alternative prends une nouvelle dimension car l'Organisation des Nations Unies à toujours su se positionner comme << arbitre moral >> dans la résolution des conflits à travers le monde. Cependant, le but premier de l'Organisation des Nations Unies est de « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de 34. Cf. note infrapaginale n° 22. caractère international, susceptibles de mener
à une rupture de la paix ; ( Cependant, l' article 42 du chapitre 7 (Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression) peut interdire l'emploi des SMP : << Si le Conseil de Sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies. >>36 Le problème ici est que l' on ne peut pas considérer une SMP, quelle qu'elle soit, comme une force militaire nationale d'un Etat membre de l'ONU. Dès lors donc, les Etats membres de l'ONU devront choisir entre l' efficacité des actions et le respect de la morale, de l' argumentation juridique de leur charte. Si l'efficacité est privilégiée, alors il suffirait que le Conseil de Sécurité de l'ONU mandate une SMP afin d'intervenir à son profit, en soutenant une partie des opérations, ou en organisant complètement la mission. L'ONU a déjà quelques relations avec des SMP, car ce sont elles qui protègent ses personnels, ses bureaux ou entrepôts.37 Aux yeux du président de l'International Peace Operations Organisation (IPOA), Doug Brooks, le fait pour l'ONU de passer contrat avec une SMP pour régler par la force un différend ne constituerait donc pas un précédent, et ne ferait donc pas non plus jurisprudence. Cependant, force nous est de constater que M. Brooks, par sa position et les intérêts qui en découlent, ne peut être que favorable à l' externalisation des missions de maintien (ou de rétablissement) de la paix de l'ONU. Il semble ne pas tenir compte de la différence qui existe entre un gardiennage de nourriture et une mission comme Artémis. Ce discours qui ne prend pas en compte la réalité de la diplomatie onusienne reflète assez le débat selon lequel l' ONU a perdu sa légitimité et sa crédibiité. Si l' ONU choisit de faire appel à une SMP à la place de forces armées régulières, elle devrait faire alors face à un problème que l'on pourrait qualifier de << dilution >> du 35. Charte de l'Organisation des Nations Unies, Chap.1 (Buts et Principes), Art. 1, Alinéa premier. Cf. http://www.un.org/french/aboutun/charte/txt.html, visité le 30 octobre 2006. 36 . Idem, Chap. 7, Art. 42. 37. Christopher Spearin, «Private Security Companies and Humanitarians : A Corporate Solution to Securing Humanitarian Spaces?», International Peacekeeping, vol. 8, n°1, 2001, pp. 20-43. processus de résolution de crise : le Conseil de Sécurité vote une résolution, l' ONU envoie des troupes, qui ne sont pas des forces armées régulières. Porteront-elles quand même le casque bleu ? Auront-elles les mêmes règles d'engagement ? La population locale sera-t-elle apte à saisir qui sont ces hommes qui interviennent sur son territoire ? Certes, l' argument financier selon lequel le recours à des SMP arrangerait les membres de l' ONU est peu recevable : les missions de l' ONU sont en générales assez longues, comme l' Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve en Palestine (ONUST), qui dure depuis 1949. Nous reviendrions alors au même argument que celui de l'économie réalisée par l'externalisation de fonctions militaires, selon lequel l' externalisation n' est pas nécessairement rentable. Une dernière option s'offre aux Etats et au Conseil de Sécurité de l'ONU: ajouter un amendement à la charte de telle manière que l'on puisse considérer une SMP comme force armée mandatée par l'ONU comme une force armée nationale. Prononcées en 1998 les paroles de Kofi Annan prennent une toute autre dimension au moment où nous rédigeons cette étude. En effet, depuis lors, la guerre a montré un visage nouveau, et les 48 Sociétés Militaires Privées présentes en Irak nous le montrent bien.38 Les scandales liés à la présence de forces armées en Irak comme celui d' Abou Ghraib sont la preuve que la guerre, et la manière dont elle est faite, demeure une chose extrêmement compliquée. Toutes les forces armées sont concernées, tous les pays sont susceptibles d'être un jour sous la critique pour les agissements de leurs soldats (est-il nécessaire de revenir sur les évènements dans les prisons iraquiennes ou, dans un autre registre ou sur l'affaire Mahé ?). Les SMP peuvent ici apparaître comme une solution intéressante pour les Etats : constituées généralement d' anciens militaires, elles offrent un profil de vieille troupe professionnelle, dynamique, et sensibilisée à la problématique du comportement des hommes sur un théâtre d'opération. Dans les prisons, ce sont généralement les soldats, ou les engagés sans grande expérience, qui sont les plus susceptibles de mal agir et de porter atteinte aux Droits de l'Homme. Cependant, le fait que les hommes des SMP aient une plus grande expérience peut signifier que s'ils sont moins enclins à commettre des exactions pour se distraire, il est probable qu'ils soient 38. Cf. la liste de ces SMP en Irak disponible sur http://www.pscai.org/pscmembers.html, site de l'association des SMP engagées dans ce conflit. Visité le 15 novembre 2006. plus rudes que des jeunes soldats dans un contexte de recherche de renseignement, ou d'interrogatoire. Mais ce peut être un calcul de la part d'un Etat que de se dire qu'ils seront peut être aussi plus discrets, plus prudents dans leurs rapports avec les médias... Après donc avoir vu ce que nous devions penser et retirer de l'essai britannique et de la réflexion que doivent mener, à leurs niveaux puis ensemble, tous les acteurs de la privatisation, il nous reste à voir comment nous pouvons interpréter les phénomènes de privatisation de la sécurité, dans quel cadre plus général nous pouvons les replacer, afin de leur donner un sens plus large qu'une simple évolution économique des fonctions de Défense. |
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