2. Une réflexion de toutes les parties.
Au vu de l'apparente anarchie du secteur, du polymorphisme de
la privatisation de la Défense et de la sécurité
(externalisation, sous-traitance, SMP, etc.) il nous paraît important de
souligner l'idée de créer une organisation internationale. Organe
de centralisation des données (répertoire des prestataires, des
clients et fournisseurs de services...), voire de contrôle, cet organisme
devrait apporter un bénéfice certain à chaque intervenant
dans les processus de privatisation de la sécurité. Cependant,
afin d'aboutir à une telle avancée, les différents acteurs
prenant part aux différentes étapes des processus
d'externalisation et de privatisation doivent d'abord entamer une
réflexion à leurs niveaux.
a) les commanditaires
Les Etats, ainsi que les plus grandes entreprises du domaine
de l'extraction de ressources naturelles (pétrole, gaz, charbon,
métaux rares et pierres précieuses...), devraient être les
plus favorables à un tel système. Il est en effet dans leurs
intérêts de faire savoir publiquement quels sont les buts qu' ils
poursuivent en se tournant vers le secteur privé, quels sont les moyens
qu' ils mettent en oeuvre pour cela, quelles sont leurs éventuelles
restrictions (charte éthique, Droits de l'Homme), et ainsi faire par ce
biais à la fois des appels d'offres et des bilans de l'intervention du
domaine privé au
profit du service publique. Si les commanditaires acceptent
l'idée de ce genre de structure, ils doivent passer outre leurs
réticences naturelles et légitimes qui consistent à
dissimuler aux autres la manière dont ils accomplissent ou font
accomplir leurs obligations de service à la société, et la
tendance à trouver des réglementations internationales et des
formes de gouvernance << mondiale >> pour les
sociétés internationales devrait s'appliquer aussi dans ce
secteur. L'Organisation des Nations Unies pourrait peut être remplir
cette fonction de dialogues, d'échanges et de réflexion commune.
Une organisation commune devrait voir le jour, destinée à donner
un cadre à l' existence de ce secteur de la privatisation. La question
est donc de savoir quelle forme aura cette organisation, qui y prendra part,
quels seront ses moyens et ses objectifs.
b) les prestataires
Il y a, nous l'avons vu tout au long de cette étude,
deux catégories principales d'intervenants dans les processus de
privatisation de la sécurité. La première catégorie
regroupe les << contractors >>, c'est à dire les
entreprises qui fournissent des prestations aux forces armées, dans le
but de les aider à se focaliser sur le coeur de leur métier. Nous
retrouvons ici les sociétés que nous avons étudiés
plus haut, qui ne jouent pas de rôle significatif dans les
opérations de combat. Cependant, une société qui fournit
des repas à une force armée, même si elle se trouve sur le
territoire national, peut avoir une influence sur les missions réelles
menées par l'armée : << dans l'armée de l'Air, il
n'est pas nécessaire de quitter le sol national pour que
l'externalisation soit confrontée aux défis opérationnels.
En effet, les forces aériennes participent souvent aux opérations
extérieures depuis leurs bases nationales. Ainsi, la base de
Mont-de-Marsan a hébergé au cours du conflit du Kosovo des avions
ravitailleurs américains qui décollaient tous les matins
très tôt et dont les équipages devaient prendre leur petit
déjeuner vers une heure du matin. Un tel horaire n'étant pas
prévu par le contrat d'externalisation liant l'armée de l'Air
à la société de restauration, la surfacturation fut
particulièrement élevée. Dans le même temps, le
personnel militaire de la base était plutôt enthousiaste à
l'idée de participer, même à une heure aussi inhabituelle,
à un effort de guerre pour lequel il passe le plus clair de son temps
à s' entraîner. >> 32
32 . Rapport d'Information déposé par la Commission
de Défense Nationale et des Forces Armées, op. cit.
Ces entreprises, qui ne fournissent que des prestations
annexes au métier militaire, ne peuvent pas être
considérées comme appartenant au domaine des activités
militaires, contrairement à la seconde catégorie, qui regroupe
les sociétés fournissant des services d'ordre militaire, ou des
prestations directement liées à ce domaine : entraînement,
formation, ravitaillement, soutien logistique et même activités de
combat.
Nous avons vu qu'il existe déjà des cas dans
lesquels des sociétés fournissent des services qui appartiennent
aux deux catégories. L'intérêt pour les prestataires de la
sécurité privée est donc double dans ce cas. La
création d'un organisme de référence, reconnu
publiquement, leur permettrait de se placer avantageusement sur le
marché de la sécurité privée, et de gagner en
respectabilité, en reconnaissance. Beaucoup de SMP exigent une meilleure
reconnaissance, et veulent être connues comme des entreprises
respectables, au comportement irréprochable :
<< Comme elle l'a toujours déclaré,
Sandline International est en faveur d'une réglementation et d'un cadre
légal strict qui engendrerait de la confiance dans le professionnalisme
et les pratiques légales et éthiques des participants à la
privatisation. >>33
La majorité des entreprises travaillant pour l'Etat ne
sont pas concernées par ce phénomène de transparence
éthique. En effet, où se trouve l'éthique lorsque l'on est
une société de restauration, de transport, de maintenance
informatique, si ce n'est dans la bonne réalisation de la prestation. En
revanche, les SMP sont plus que concernées par les aspects moraux de
leur profession. Elles savent que de la gestion de leur réputation
à ce niveau dépend leur survie, et que pas une << bavure
>>, pas une erreur d'ordre moral ne doit entâcher leur travail. C'
est pourquoi elles ont pris les devants, en se réclamant toutes de
diverses chartes de bonne conduite, de différents codes d'honneur et de
nombreuses associations (Cf. Annexe III, Code de conduite de l'IPOA). Est-il
permis de se demander dès lors si l' auto réglementation tant
critiquée par certains, comme War on Want, ne pourrait pas
produire des effets positifs sur le secteur ?
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