B. Les structures de contrôle et de
régulation
Le contrôle de la RTNC s'effectue soit de manière
interne ou encore externe, ainsi, deux catégories de contrôle sont
à définir. Le contrôle interne peut être entendu
comme, la vérification qui est effectuée par des unités
propres à un service en vue de déterminer la
145 Y. GUYON, « Droit des affaires : droit commercial
général et société », Tome 1,
12e Ed, Paris,
Economica, 2003, p 336.
146 Idem, p 46.
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conformité du service et de ses agents aux dispositions
juridiques, missions et programmes qui leur sont assignés.
Ce contrôle s'effectue de deux manières : par le
pouvoir hiérarchique qui participe aux fonctions de commandement au sein
du service, et par des organes qui sont chargés du contrôle et de
la vérification. Evidemment, les dysfonctionnements constatés
auprès des services compétents (inspection, service juridique ou
comptable) rejaillissent sur la qualité du contrôle interne. Par
exemple le commissariat aux comptes, serait un organe de contrôle qui au
regard du décret portant statut de la RTNC, se charge de vérifier
notamment les livres, la caisse, les portefeuilles de la RTNC et contrôle
la régularité et la sincérité des inventaires et de
l'état financier ainsi que de l'exactitude des informations
données sur les comptes de la RTNC dans les rapports du Conseil
d'Administration.147
Par contre, le contrôle externe quant à lui,
accorde un droit de regard et d'évaluation à des concours
externes qui, par nature, par pouvoir ou par délégation, estiment
qu'il est de leur droit d'être informés et de formuler une opinion
sur la gestion de la chose publique. Il s'agit du contrôle institutionnel
latéral opposé au contrôle interne hiérarchique. Le
contrôle externe du service public en République
Démocratique du Congo est riche, du point de vue de la
multiplicité d'organes, mais très peu opérationnel et
efficace, car assez souvent, il intervient à posteriori et demeure aussi
souvent superficiel dans ses investigations.
Pour la RTNC, deux institutions externes sont chargées
d'effectuer un contrôle régulier dont la suite se doit être
matérialisée par la formulation d'un rapport. Ces deux
institutions sont, le Ministère de l'information et des médias,
autorité tutélaire et le Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel et de la Communication qui est une autorité de
régulation (CSAC).Ainsi, le Ministre de la presse exerce un pouvoir
assez étendu et bien effectif en qualité de l'autorité
tutélaire, la RTNC ne peut rien engager sans parcourir aux avis ou
à la position de l'autorité de tutelle, tandis que pour le
Conseil Supérieure de l'Audiovisuel et de la Communication, le
contrôle s'effectue dans un secteur d'activité spécifique,
il s'agit bien en matière de communication ou d'information
audiovisuelle, ce pouvoir lui est reconnu par la loi qui définit le
périmètre de ses compétences et de ses attributions.
a. Le ministère de la communication et des
médias 1. Les Attributions du Ministre des médias
La RTNC est placée sous la tutelle du Ministre ayant la
communication et les médias dans ses attributions. Ce dernier y exerce
son pouvoir de contrôle par voie d'autorisation, par voie d'approbation
et par voie d'opposition.148
? Contrôle par voie d'autorisation
Par voie d'autorisation en effet, le Ministre de tutelle
reçoit les convocations aux réunions du Conseil d'Administration
et, dans les conditions qu'il fixe, les copies des
147 Article 19, alinéa 2 du décret portant statut
de la RTNC cité supra.
148 Article 24, du décret portant statut de la RTNC,
précédemment cité.
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délibérations du Conseil d'Administration. Les
délibérations et les décisions qu'elles entraînent
ne sont exécutoires que dix jours francs après leur
réception par le Ministère de médias, sauf si celui-ci en
autorise l'exécution immédiatement. Sauf exception liée
à son irrégularité dans ce cas l'opposition doit pouvoir
s'imposer.149Ainsi, sont soumis au régime d'autorisation
préalable au regard de l'article 25 :
· les acquisitions et aliénations
immobilières;
· les emprunts à plus d'un an de terme;
· les prises et cessions de participations
financières;
· l'établissement d'agences et de bureaux à
l'étranger;
· les marchés de travaux et de fournitures d'un
montant égal ou supérieur à 500.000.000 de Francs
Congolais.
+ Contrôle par voie d'approbation
Dans le but de prévenir l'arbitraire et de maintenir
un bon climat des affaires, certains actes des autorités de la RTNC sont
soumis à l'approbation du ministre de tutelle. Parmi ceux-ci nous
pouvons citer donc :
· le budget de la RTNC : dans ce stade il se passe trois
activités. Premièrement, la Direction Générale
propose un budget ; deuxièmement, le Conseil d`Administration
procède à son élaboration. Troisièmement et enfin,
ce budget doit être approuvé par le ministre de tutelle.
Autrement dit, dès lors que la Direction
Générale aura soumis la proposition d'un budget au Conseil
d'Administration pour assurer son élaboration, ce budget ne pourra
être exécuté qu'après son approbation par le
ministre de la communication et des medias. Celui-ci est habilité
à vérifier son caractère purement économique en vue
de prévenir toute incohérence.
· le règlement intérieur du Conseil
d'Administration;
· le rapport annuel d'activités.150
+ Contrôle par voie d'opposition
L'autorité de tutelle a la possibilité de faire
opposition à l'exécution de toute délibération ou
décision du Conseil d'Administration et de la Direction
Générale qu'elle juge contraire à la loi, à
l'intérêt général ou à l'intérêt
particulier de la RTNC. Lorsqu'elle fait opposition, elle notifie celle-ci par
écrit au Président du Conseil d'Administration ou au Directeur
Général suivant le cas, et fait rapport au Premier Ministre. Si
le Premier Ministre n'a pas rejeté l'opposition dans le délai de
quinze jours francs à dater de la réception du rapport dont
question à l'alinéa précédent, l'opposition devient
exécutoire.151
149 Article 27 alinéa 1, du décret
déjà cité
150 Article 26
151 Article 27
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b. Du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de
la Communication (CSAC) 1. Aperçu historique
La liberté d'expression et de la presse ont fait des
médias, en tant que support de l'opinion, un véritable pouvoir.
On admet même que les démocraties actuelles sont des
démocraties d'opinions. Toutes les fois, la régulation et le
contrôle des entreprises de média doivent pouvoir s'articuler pour
permettre à ce que l'expression soit véritablement un outil
fondamental de la démocratie.
La constitution de la République Démocratique
du Congo, a prévu dans son chapitre cinquième, la création
de deux institutions d'appuis à la démocratie. Leur mise en place
a pour but de bâtir un Etat de droit et une nation puissante et
prospère, fondée sur une véritable démocratie
politique, sociale et culturelle. Il ressort de cette disposition, le
législateur congolais aura voté une loi qui doit régir la
matière. C'est le fondement de la loi organique n°11/001 du 10
janvier 2011 portant composition, attributions et fonctionnement du Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication. Ainsi, cette loi a
été prise conformément à l'article 212 de la
constitution dont l'alinéa 1er stipule qu'« Il est
institué un Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la
Communication doté de la personnalité juridique ».
Au visa de cette loi, le CSAC a pour missions de garantir et
d'assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que tous les
moyens de communication de masse. Dans ce cadre, il veille au respect de la
déontologie en matière d'information et à l'accès
équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux
moyens officiels d'information et de communication. En complément au
gouvernement qui a la charge de réglementer le domaine des
médias, le CSAC qui, conformément à l'article 212 de la
constitution est une institution d'appui à la démocratie, et
régule les contenus des médias.
Par définition, la régulation des médias
est un « ensemble d'actions visant à instaurer un
équilibre dans le fonctionnement du secteur de la communication,
à garantir à tous un accès égalitaire et
équitable aux médias publics et privés, mais aussi
à concilier l'usage de la liberté d'expression ainsi que
l'exercice loyal de la profession des métiers avec les missions
d'intérêt général ».152Cette
loi comme le démontre bien son contenu, elle consiste à expliquer
et à définir en détaille la composition, les missions et
le fonctionnement du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la
communication, CSAC en sigle.
En effet, depuis que le vent de la démocratie a
soufflé dans notre pays le 24 avril 1990, a vu le jour une nouvelle
dynamique des médias congolais caractérisée par une
floraison de titres de journaux et une ouverture de l'espace audiovisuel aux
initiatives privées. Avec le temps, cette dynamique a pris des
proportions inédites au point de provoquer la prolifération des
médias, au mépris, aussi bien de la qualification des
professionnels du secteur de la presse ou média que de la qualité
de l'information produite ou des programmes diffusés.153
152 Article 4 point 11 de la loi organique n° 11/001 du
10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication, in Journal
Officiel de la RDC, Cabinet du Président de la république,
Numéros spécial, 22e année, Kinshasa, 2011.
153 Exposé de motif, Idem.
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Dans une première tentative visant à
remédier aux différents maux dont souffre ce secteur, la Haute
Autorité de Médias a été instituée pendant
la période de la Transition à la suite du Dialogue
Inter-congolais pendant la transition démocratique de 2003. C'est une
des cinq institutions citoyennes prévues dans l'Accord Global et
Inclusif de décembre 2002 et dans la constitution de la transition
d'avril 2003. Elle a joué le rôle de la première instance
de régulation qui a fonctionné dans notre pays jusqu'à
2011. Cependant, elle a souffert, dans sa substance, de nombreuses
interférences des opérateurs politiques l'empêchant
d'accomplir sa mission. Le CSAC, vient alors s'intégrer à l'ordre
du jour, dans le souci d'accomplir les tâches qui n'ont pas
été accomplies ou encore ayant été
inachevées par la Haute Autorité des Médias. Pour ce
faire, il lui est reconnu l'autonomie et la personnalité juridique.
En RDC, comme dans la plupart des pays africains, les
instances de régulation des médias ont été mises en
place avec les mêmes missions, à savoir : « d'organiser
la communication sociale selon les exigences de l'État
démocratique ». Cette instance de régulation de la
communication est actuelle et dans son organisation effective et les missions
qui lui sont assignées participent au défis de la reconstruction
de la RDC. Elle constitue surtout un garde-fou indispensable et
équilibré du pluralisme médiatique et politique dans la
perspective de la démocratisation sociale.
2. Missions et charges sociales du CSAC
Dans le cadre de ses missions sociales, le Conseil
Supérieure de l'Audiovisuel et de la Communication est appelé
à :
· Garantir la liberté de la presse, de
l'information et de tout autre moyen de communication des masses, ainsi que
assurer la protection de la presse ;
· Veiller au respect de la déontologie en
matière d'information et à l'accès équitable des
partis politiques, des associations et de toute autre personne aux moyens
officiels d'information et de communication.154
En tant qu'acteur institutionnel, et de par sa loi organique,
le CSAC est doté de plusieurs prérogatives dans la collaboration
avec les autres acteurs institutionnels et non institutionnels intervenant dans
le domaine de la liberté de la presse. Tout d'abord, dans le cadre de
ses « missions quasi juridictionnelles », et
conformément à l'article 9 de sa loi organique, il a entre autre
la charge de :
· Élaborer son règlement intérieur
et de garantir le droit de la population à une information pluraliste,
fiable et objective ;
· Assurer la neutralité et l'équité
des médias publics ainsi que privés, commerciaux, associatifs et
communautaires ;
· Mener, en cas de conflit, des actions de
médiation entre les différents protagonistes et intervenants dans
le domaine des médias ;
· Veiller à la conformité, à
l'éthique, aux lois et règlements de la République, des
productions des radios, des télévisions, du cinéma, de la
presse écrite et des médias en
154 Article 212 de la constitution précitée.
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ligne et aussi au respect de la loi fixant les
modalités de l'exercice de la liberté de presse en
République Démocratique du Congo ;
· Promouvoir le développement technique et
l'accès des médias congolais aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication et de veiller à la qualité
des productions des médias du secteur tant public que privé et en
promouvoir l'excellence ;
· Donner des avis techniques « a priori » ou
« a posteriori » sur toutes les matières concernant les
médias audiovisuels, la presse écrite et électronique et
un avis conforme avant toute attribution de fréquences et avant toute
délivrance du récépissé de la presse audiovisuelle,
écrite et électronique aux impétrants du secteur;
· S'assurer du respect du cahier des charges par les
opérateurs de l'audiovisuel ;
· Veiller à la diffusion de la culture de la
paix, de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ainsi que des informations favorisant le développement
socioéconomique ;
· OEuvrer pour la production des émissions, des
programmes, des documentaires éducatifs et d'articles de journaux
respectueux des valeurs humaines, notamment la dignité de la femme ainsi
que de la jeunesse et des groupes vulnérables ;
· amener les organisations à faire observer le
code d'éthique et de déontologie par les professionnels des
médias;
· Encourager l'implantation des médias dans les
milieux ruraux : la radiodiffusion sonore, la télévision, la
presse écrite, les nouvelles technologies de l'information et de la
communication et l'internet ;
· Encourager les médias à assurer la
formation continue, le recyclage et le professionnalisme de leurs membres ;
· Veiller à la valorisation de la culture
nationale à travers les médias ;
· Prendre des décisions et/ou des directives
applicables à tout intervenant sur les médias, notamment en
période électorale ;
· Veiller au respect des normes sur la publicité
et le sondage d'opinions ;
· Prendre toutes les mesures nécessaires en vue
de protéger les enfants des effets néfastes et pervers de
l'Internet ;
· Déposer son rapport périodique et annuel
à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Et donc institution voulue indépendante du
gouvernement et dotée de la personnalité juridique, le CSAC est
un autre acteur incontournable dans la protection, la promotion et la
défense de la liberté de presse. C'est un véritable
organisme de droit de l'homme, il assure les fonctions arbitrales et est
doté du pouvoir de châtier et de coercition. Dans le même
cadre de ses attributions quasi juridictionnelles, en application des
dispositions de l'article 58 de sa loi organique, le CSAC constate et/ou
sanctionne aussi :
· L'exercice illégal de la profession
journalistique ou de tout autre métier lié à la presse et
à la communication audiovisuelle ;
· Le prêt illicite de la raison sociale ou
pratique illégale de prête-nom et le refus de fournir les
informations exigées par lui dans le cadre d'une enquête ;
· La diffusion illicite des programmes de radiodiffusion
sonore ou de télévision ou la perturbation des fréquences
attribuées aux tiers ;
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? La non-communication des tarifs à ses utilisateurs et
la diffusion frauduleuse des programmes d'autres stations de radios et
chaînes de télévision ;
? La non observance de sanctions prononcées par lui
ainsi que la diffusion frauduleuse des programmes, films, documentaires et
émissions protégées par la législation relative aux
droits d'auteurs.
Toujours dans le cadre de la coercition, le conseil peut donc
infliger des sanctions administratives aux entreprises de média en
rapport avec les violations des règles d'éthique et de
déontologie et peut requérir la saisie des documents, films,
vidéocassettes ou tout autre support se rapportant aux médias ;
suspendre une station de radiodiffusion et de télévision ou un
organe de presse écrite pour une période n'excédant pas
trois mois ou et décider de la suspension ou de la suppression d'une
émission, d'un programme, d'une chaîne de télévision
ou d'une station de radio publique ou privée ou d'une rubrique d'un
organe de presse, il requiert auprès des juridictions compétentes
le retrait provisoire ou définitif de la fréquence
attribuée.155 Ce qui voudrait alors signifier la forte
collaboration qu'il entretient avec les autres pouvoirs, notamment, le pouvoir
judiciaire.
En résumé, en garantissant la liberté et
la protection de la presse, la déontologie de professionnels des
médias et l'égal ou l'équitable accès des partis
politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d'information
et de communication, le CSAC est le défenseur du pluralisme politique ou
idéologique dans l'information et de ce fait, un contrepouvoir face
à ceux qui voudraient imposer la pensée unique.156
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