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De la neutralité du service public de média en temps de crise de légitimité. Cas de la radio télévision congolais.


par Jonathan KENDWA
Université Libre des Pays des Grands Lacs/ULPGL Goma - Licence en Droit Public 2018
  

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Paragraphe 2. Les principes et lois qui gouvernent les services publics

Les principes de fonctionnement du service public sont représentés par les trois grands principes dégagés et mis en évidence par la doctrine et la jurisprudence tout au long des XIXème et XXème siècles : le principe d'égalité, le principe de continuité et le principe de mutabilité. Etant classiques ou traditionnels, et appelés également « lois de Rolland » du nom de l'universitaire qui les a théorisés, ces principes constituent en droit administratif des conditions nécessaires pour l'exécution des services publics, ce sont donc des modalités particulières que doit respecter le gestionnaire du Service public.

Pour certains auteurs, l'étude de ces trois principes permet aussi de développer une réflexion sur un principe, qui demeure de teneur floue et indéterminée. C'est dire qu'il apparaîtrait encore nécessaire de rendre compte d'un quatrième qui, sans être spécifique au droit du service public, en constitue l'armature : le principe de neutralité. Mais le fait est que ce principe n'est pas de l'ordre des critères historiques ayant présidé à l'apparition de la philosophie du service public. Son analyse semble alors relever des transformations des principes « classiques » du service public. Les discours administratifs sur le rôle et la place du service public dans les formes de cohésion sociale, l'évolution des mentalités et, par-là, les variations de la jurisprudence sur ce point montrent en effet que, le principe de neutralité n'est qu'une des conséquences du développement du principe d'égalité.

En outre, Il n'existe pas de hiérarchie fonctionnelle entre les trois principes retenus comme règles de fonctionnement du service public. Certes, tous ces principes, traditionnels et modernes, s'imposent tant à l'organisme chargé de fournir le service, à travers par exemple un cahier de charge, qu'aux usagers du service. Ils sont revêtus d'une dimension négative et positive notamment à l'égard des gestionnaires des Services publics dont ils restreignent la liberté d'organisation. Egalement, ils sont revêtus de la dimension positive en assurant les garanties à ces mêmes gestionnaires mais aussi aux usagers.65

Toutefois, ces principes ne sont pas équivalents au service lui-même qui comme son nom l'indique en tant qu'activité. Aussi, il y a une forte corrélation entre la mission de service public et ces principes. Ces derniers ne constituent pas cependant une condition suffisante à l'identification du service public.66

A. Les principes fondamentaux

a. De la continuité de service et de l'adaptabilité ou mutabilité 1. La continuité du service public

Les services publics ne fonctionnent que par l'intermédiaire d'agents dont la grande majorité est constituée de fonctionnaires de l'Etat et des collectivités locales. La continuité du service risque d'être affectée en cas par exemple de la grève par ces agents. Ceci explique les

65B. Du MARAIS, Op.cit., p. 102. 66Idem, p. 103.

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difficultés soulevées par la reconnaissance et l'exercice de droit de grève dans le service public que la jurisprudence invoque dans l'arrêt DEHEDE, et s'efforça de résoudre.67

En effet, afin de satisfaire aux usagers de l'intérêt général, mais aussi de répondre au principe de la continuité de l'état, voire de la vie de la nation, le service public doit pouvoir fonctionner de manière ininterrompue et régulière. Ce principe, reconnu depuis le milieu du XIXe siècle par le juge administratif, a été érigé en principe à valeur constitutionnelle.

En droit positif français tout comme en droit positif congolais, ce principe comporte tout d'abord une composante négative en ce qu'il limite l'action et la liberté de fonctionnement des gestionnaires du Service public. Par exemple la continuité est aussi une des limites à la création de droits réels sur le domaine public lorsqu'en politique, ces droits seraient sans limites de durées.

Ensuite, on en déduit aussi une composante positive permettant en outre à l'administration de disposer d'un pouvoir de contrainte à l'égard de son cocontractant par exemple à assurer ses obligations. D'ailleurs, la responsabilité de la puissance publique peut être engagée sur terrain de la faute simple en cas d'interruption du service qui lui incombe, si par exemple il n'effectue pas les diligences nécessaires à son établissement. Ceci est particulièrement le cas pour des services publics obligatoires. C'est-à-dire, ceux qui sont créés par la loi.68

2. De l'adaptabilité ou mutabilité du service public

Comme l'appréhende CHAPUS René, ce principe répond à des exigences constantes du plus grand nombre de Services qui, dans la hiérarchie qu'on peut établir entre-elles, vient au premier rang. Il signifie en effet que le régime des services publics doit pouvoir être adapté, chaque fois qu'il le faut, à l'évolution des besoins collectifs et aux exigences de l'intérêt général. Il impose qu'il n'y ait pas d'obstacles juridiques (résultant notamment des droits acquis ou d'engagement contractuels) aux mutations à réaliser69. Il résulte de cela alors trois effets dont :

Premièrement, dans le cas même où l'exécution du service public a été concédée contractuellement, l'administration concédant conserve la maitrise du service. Le contrat de la concession est tel qu'il se prête aux modifications qu'elle estime utile ou nécessaire d'introduire dans les conditions d'exécution du service ;

Deuxièmement, les usagers du service n'ont pas des droits qu'ils pourraient opposer aux modifications de son régime. C'est particulièrement pour les usagers des services publics administratifs, qui sont dans une situation légale et règlementaire, c'est-à-dire, unilatéralement déterminée par les lois et règlements et cela même dans le cas où les prestations du service public donnent lieu à la rémunération, au paiement par exemple, de

67 J. FRANÇOIS LACHAUME, Les grandes décisions de la jurisprudence administratives, PUF, Paris, 1991, p. 243.

68 B. Du Mariais, Op.cit., 104-105.

69 R. CHAPUS., Op.cit, p 593.

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frais pour l'utilisation de certains ponts et des autoroutes de liaison ou des frais de séjours dans un hôpital à cet effet, aucune relation contractuelle n'en résulte.

C'est également vrai pour les usagers du service public qui, par exception, se trouvent dans une situation contractuelle de droit public. Et il n'en va pas autrement pour les usagers des services publics industriels et commerciaux qui sont dans une situation contractuelle de droit privé. De ce qui précède, il ne faut pas conclure que les usagers des services publics sont soumis au bon plaisir de l'administration.

Tout d'abord, ils ont droit au fonctionnement normal du service, qui doit être assuré conformément aux règles qui le régissent, tant qu'elles n'ont pas été modifiées. Ensuite, les modifications décidées ne peuvent avoir légalement d'effets que pour l'avenir. Elles ne sauraient donc rétroagir. C'est notamment le cas pour les modifications du tarif des redevances perçues sur les usagers. Par exemple, les prix de consommation d'électricité ne peuvent pas légalement être calculés sur la base d'un tarif entré en vigueur postérieurement à la date à laquelle ils ont été réalisés. Enfin, et comme dans toutes les matières c'est sous contrôle du juge que les règlements décidant les modifications sont édictés.

Le juge administratif sur le recours d'un usager ou d'une association d'usagers, appréciera non seulement si, ces modifications ont été décidées par l'autorité compétente et selon les procédures instituées mais aussi si elles sont justifiées au fond par les faits invoqués par l'administration.70

Il est important de souligner qu'il n'existe pas non plus de droits acquis ou d'engagements contractuels au nom desquels les personnels pourraient s'opposer juridiquement à des changements dans l'organisation ou dans le fonctionnement des services où ils sont employés. Dans leur grande majorité, ces personnels se trouvent dans une situation légale et réglementaire : cette situation peut à tout moment être modifiée sans compensation pécuniaire ou autre, en cas d'alourdissement de leurs obligations statutaires ou de leurs conditions de travail. Quant à ceux qui sont dans une situation contractuelle, il n'est pas exclu qu'ils puissent dans un tel cas, prétendre à une indemnité compensatrice ; mais leurs contrats ne sont pas un obstacle à des changements. Bien entendu, là encore le principe de mutabilité n'est pas synonyme d'arbitraire.

Les personnels ont droit à l'application correcte de leur statut tant qu'il n'a pas été modifié et les modifications ne peuvent légalement avoir des effets rétroactifs, et les mesures prises sont susceptibles de contrôle juridictionnel, se traduisant le cas échéant par des annulations et des condamnations à des dommages-intérêts.

En résumé, et compte tenu des observations qui précèdent, l'adaptation apparait comme un principe protecteur des usagers. Il ne faut pas cependant, oublier qu'elle joue quelquefois contre eux notamment, en cas de suppression partielle de service public jugé non rentable ou non adapté à l'intérêt général, augmentation de tarif etc.

70 R. CHAPUS., Op.cit, pp. 596-597.

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b. Egalité et neutralité du service public

1. De l'Egalité du service public

L'égalité est un principe supra-constitutionnel et d'ailleurs c'est un principe qui fonde toute relation humaine car, non seulement il est invoqué par les lois nationales notamment en droit positif congolais, mais aussi, dans plusieurs instruments juridiques tant internationaux que nationaux de la majorité d'Etats au monde entier. Ce qui justifie son caractère fondamental.

Ce principe trouve son origine dans le principe d'Isonomie défini par CLISTHENE au 6e siècle avant Jésus Christ, et qui constituait l'un des fondements de la démocratie athénienne. Grace à ce principe, CLISTHENE a mis en oeuvre des réformes en 508 et 507 Av J.-C., qui consistaient principalement à créer des nouvelles circonscriptions populaires et une assemblée de la boulé, dotée des pouvoirs qui d'abord ont contrebalancé, puis surmonté et remplacé, ceux des aristocrates.71

Le principe s'est développé dans la philosophie politique occidentale au 18e siècle, qui a imaginé un état de nature de l'être humain, et des droits naturels associés à cet état. L'égalité a fait l'objet d'une longue réflexion de la part du philosophe français Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage intitulé « discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes » en 1755 et dans lequel il exprime ses préférences en matière de gouvernance, et en 1762 dans son ouvrage intitulé « Du contrat social ».

Le principe fut mis en oeuvre dans des systèmes de démocratie libérale aux USA après la révolution américaine et l'adoption d'une constitution en 1787, ainsi qu'en Europe à la suite de la proclamation en France de la Déclaration de droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Apres s'être intégré comme base des toutes les conventions et les lois des Etats dans le monde.

En droit positif congolais le principe est consacré par l'article 12 de la constitution en ce terme « Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».72 En outre, cette disposition semble interdire indirectement les pratiques discriminatoires. Elle soutient que la loi doit s'appliquer en toute égalité, c'est dire que les distinctions liées aux statuts, fonctions sociales et races etc. s'avèrent être exclues quant à l'application de la loi.

En droit international, le principe trouve sa base dans l'article 1e de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui dispose en effet, que «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Le principe d'égalité implique que toutes les personnes qui sont à un titre ou un autre, en contact avec le service, soient traitées de la même manière sans discrimination ni

71 N. TSHAMALENGA, Op.cit. p.149.

72 Article 12 de la constitution citée supra.

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arbitraire. L'article 13 de la constitution en donne une signification plus large « Aucun Congolais ne peut, en matière d'éducation et d'accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l'objet d'une mesure discriminatoire, qu'elle résulte de la loi ou d'un acte de l'exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique». Il s'agit donc de la serviabilité et de l'accessibilité. Ce principe s'applique à 3 catégories d'individus 73 :

Ce principe s'applique premièrement aux agents des services, ceux-ci doivent être soumis aux mêmes règles dans l'accès aux emplois c'est-à-dire par rapport au mode de recrutement des employés d'une part et d'autre part dans le déroulement de leur carrière. Ce qui se résume au traitement égale quant aux droits et obligations.

L'égalité s'applique ensuite, aux fournisseurs, ils doivent être traités également dans la passation des contrats avec l'Administration. D'où les procédures d'adjudication, d'appel d'offres, de publicité et de mise en concurrence qui régissent le droit des marchés publics et qui ont pour but d'éviter le favoritisme ou le clientélisme et la corruption qui peut s'ensuivre. Enfin, le principe s'applique à l'égard des usagers bénéficiaires du service. En ce titre, il implique pour les agents un devoir de neutralité de service.

C'est que le principe d'égalité interdit de repartir ou de distribuer le service de façon différente en fonction des opinions politiques ou religieuses de son personnel ou de celles des usagers. Dès lors, la neutralité et la laïcité deviennent des véritables principes administratifs autonomes.

Toutefois, ce principe est entaché d'exceptions. Bien que hostile aux discriminations et à l'arbitraire, le principe de l'égalité ne se confond pas avec l'uniformité. Pour MALONGA Télesphore, le principe de l'égalité postule-t-il une égalité catégorielle ou proportionnelle. Et donc l'égalité de traitement concerne d'abord les situations identiques et semblables. Les privilèges, la partialité et la subjectivité. Il postule que le service fournisse à tous les mêmes prestations, à condition qu'ils se trouvent dans une situation identique.

Les différences du traitement doivent donc être justifiées et fondées sur les critères objectifs. Ainsi les exceptions sont fondées sur 74:

Premièrement, la différence de situation de droit ou de fait : il n'y a pas d'obstacles à ce que des situations différentes soient traitées de façon différente. Deuxièmement et enfin, les nécessités de l'intérêt général (le cas de l'ordre public) peuvent justifier des atteintes aux droits des particuliers.

L'égalité va dans les deux sens, c'est le droit d'exiger que des situations de faits semblables soient assujetties à des lois semblables et que des situations de faits différents soient assujetties à des lois différentes. Ce droit n'implique pas le droit d'exiger des différences légales quand les différences de fait sont passagères, minimes.75

73 T. MUHINDO MALONGA, Op.cit. pp. 181-182.

74Idem, p.182.

75 A. ZERMATTEN, Droit administratif, Ed UNIFR, 2007, p 54.

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Par ailleurs, la problématique classique portant sur le principe de l'égalité a aussi été complètement renouvelée par le développement récent des droits subjectifs sur ce qu'il est convenu d'appeler ici les discriminations positives. Celles-ci interviennent dans le domaine de droit économique et social ou du droit financier et fiscal.76

En outre, elles n'étaient pas établies à partir des discriminations expressément interdites par la constitution. Si cela était le cas, il aurait fallu réviser la constitution comme dans les années passées, par exemple avec l'instauration de l'objectif « parité » ou égalité entre les femmes et les hommes dans l'accès aux mandats et fonctions publiques. Donc nous pouvons déduire que le principe de l'égalité bien que fondamental ou alors supra-constitutionnel est frappé par ces trois exceptions que nous avons évoquées ci-haut et celles-ci qui lui assurent une très grande efficacité car dit-t-on l'exception confirme la règle.

2. La neutralité du service public

Le principe de la neutralité tel que nous l'avons défini dans la partie introductive de notre étude est un principe très complexe. Cette complexité se traduit par son caractère fondamental qui fait ressortir de son contenu autant d'énoncés et des principes aussi nécessaires que soient-ils pour l'administration publique. Dans cette partie, nous allons devoir analyser au fond la portée du principe de la neutralité, sa définition et son contenu.

? Définition et contenu

Le principe de la neutralité est évidement un principe moderne de droit administratif. Il ne figure pas non plus dans les principes de Rolland. Il s'agit pourtant d'un principe fort dès l'origine ; la neutralité permet d'assurer l'égalité de traitement. Il a été qualifié pour certains auteurs, corolaire du principe de l'égalité. Et même les lois dans certains pays par exemple comme en RDC, définissent la neutralité dans la lignée directe du principe de l'égalité, le principe est décrit par l'article 193 de la constitution en ces termes « L'Administration publique est apolitique, neutre et impartiale. Nul ne peut la détourner à des fins personnelles ou partisanes. Elle comprend la fonction publique ainsi que tous les organismes et services assimilés ».

En effet, la neutralité est un principe par lequel tout gestionnaire d'un service public doit s'abstenir d'afficher un comportement qui fait preuve de son appartenance politique, religieuse, sociale. Il implique de ne pas faire de discriminations en raison des opinions religieuses ou politiques entre des candidats à des emplois publics, des agents publics ou des usagers. Il signifie selon KABANGE Clément, que toutes les opinions ou des tendances, qu'elles soient politiques, philosophiques, religieuses etc. ont une vocation identique d'accéder au service public.77Dès lors la neutralité dégage deux idées :

D'abord, elle est matérielle : les décisions ne doivent pas être dictées par le profit personnel des agents, dont le désintéressement est le corollaire de leur devoir de probité.

76 L. FAVOREU, Droit constitutionnel, 14e Ed, Paris, Dalloz, 2012, pp 1006-1007.

77C. KABANGE NTABALA, Droit des services et entreprises publiques et problématique de la transformation des entreprises publiques en RDC, Kinshasa, Ed Dieu est Bon, 2007, p 36.

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C'est-à-dire, d'un devoir d'indifférence vis-à-vis des opinions et des croyances. Ceci révèlerait une mise à distance par la puissance publique des courants de pensées philosophiques, morales ou religieuses dans le but de parer à tout soupçon de manipulation des citoyens ou administrés ou encore des usagers des services publics concernés.

Ensuite, elle est aussi intellectuelle : l'administration doit respecter la liberté de conscience de chacun et ne doit procéder à aucune discrimination pour des raisons politiques, religieuses, philosophiques, raciales ou ethniques. Dans la République la laïcité est la manifestation de la neutralité en matière religieuse. Il s'agit là de ce que Martial et Kada qualifient d'un devoir d'action du pouvoir public en vue de garantir le respect des certaines libertés fondamentales. L'on comprend qu'il s'agit ici de la vision d'une neutralité active qui contribue à la pacification sociale en signalant le devoir de l'Etat ou des collectivités locales face aux droits des individus, des usagers des services publics.78

Au demeurant, il faut comprendre que le principe de la neutralité est caractérisé par la nondiscrimination, l'impartialité, l'indépendance et la laïcité devant et dans le service public. Dans cet ordre d'idées, nous croyons fermement qu'il est nécessaire de développer séparément ces éléments ou facettes susmentionnées.

? La non-discrimination administrative

Le droit à la non-discrimination est issu du postulat général de l'égale dignité de tous les êtres humains qui a été affirmée par la charte des Nations Unies et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des tous les autres instruments juridiques internationaux en matière de droits humains.

Consacré notamment par les articles 1 et 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » et l'article 2 du même acte dispose quant à lui que « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ;alinéa 2, De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté».79

La non-discrimination occupe une place particulière dans les dispositifs des droits humains, étant donné que tous les droits humains doivent être mis en oeuvre pour tout un chacun et en toute légalité. Les instruments juridiques internationaux en matière des droits humains interdisent toute distinction, exclusion, restriction ou tout autre traitement différencié au sein d'une communauté bien donnée. Mais aussi, des discriminations entre des

78 N. KADA et M. MARTIAL, Op.cit., pp 342-343.

79 Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Principaux instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme, New-York et Genève, 2006, p.1.

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communautés qui ne se justifient pas et qui compromettent la jouissance des droits humains par toutes et tous.

Lorsqu'on observe le monde contemporain dans cette optique, on constate que des centaines de millions de personnes continuent d'être discriminées à travers le monde entier du fait de leurs appartenances à un peuple ou à une ethnie, de leur langue, de leur croyance de leurs situations sociales et ou économiques, de leur ascendances, de leurs opinions politiques, mais aussi de leurs sexes, de leur âge ou de leurs orientation sexuelles. La non-discrimination présente ici deux aspects distincts ou nous rappel deux autres notions fondamentales dont :

? La non-discrimination dans le service public

Il s'agit ici de s'attacher à la situation des agents et fonctionnaires dans le service public. Le principe de neutralité des agents publics a pour finalité de garantir la neutralité du service public et l'impartialité de traitement des usagers. Elle implique tout d'abord l'obligation. Dans ce contexte d'étude la non-discrimination oblige à ce que les agents ne soient pas traités en vertu de leurs appartenances à une classe ou obédience quelconque. Les agents doivent jouir des mêmes avantages en fonction de leur grade et carrière. Il implique également, une égalité sur le plan de rémunération que doivent toucher tous les agents.

? La non-discrimination devant le service et dans la fourniture des prestations

Cette option est relative à la situation des usagers. Ces derniers sont appelés pour une même fin. C'est de bénéficier les prestations qui leurs sont fournies par le service public. Les usagers sont destinataires des prestations, pour ce, ils ont la vocation d'être traités tous de la même façon. Le principe dont question implique deux réalités. L'on comprend premièrement que les candidats au recrutement doivent tous remplir les mêmes conditions. On peut alors se référer au principe d'accessibilité et d'admissibilité.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme est spécifique sur la question, elle prône une stricte accessibilité.Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire des représentants librement choisis ; elle a droit d'accéder, dans des conditions d'égalité aux fonctions publiques de son pays.80Cette option est également invoquée et soutenue par la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui stipule que, « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l'intermédiaire des représentants librement choisis, c'est conformément aux règles édictées par la loi ».81

Puisque l'intérêt générale l'oblige, puisque il est le ciment de toute action administrative, les usagers ont droits aux mêmes avantages. Ces derniers doivent leur être fournis en vertu de la situation de tout un chacun. Tous doivent être pris sur un même pied de traitement selon la situation juridique individuelle de tout un chacun.

80 Article 21, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, cité supra.

81 Article 13 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

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? L'impartialité, l'indépendance et la laïcité du service public

Le devoir d'indépendance est consacré par l'article 193 de la constitution de la RDC qui dispose que « l'Administration publique est apolitique, neutre et impartiale. Nul ne peut la détourner à des fins personnelles ou partisanes. Elle comprend la fonction publique ainsi que tous les organismes et services assimilés ».

Il ressort de cette disposition que, l'indépendance dont question répond à la gestion de Service et à la participation des travailleurs ou fonctionnaire à la vie politique. En ce qui concerne la participation à la vie politique, les agents sont soumis à des restrictions d'autant plus sévères que la place qu'ils occupent au sein de l'administration. On conçoit que, dans l'exécution du service, le fonctionnaire soit astreint, tant du point de vue du bon fonctionnement du service que celui de la subordination hiérarchique, à des obligations qui limitent dans de très larges proportions la liberté d'expression.82

En cela, il faut d'une part le fonctionnaire ne doit pas faire de la fonction un instrument ou une occasion de propagande ; il est astreint au devoir de stricte neutralité qui s'impose à tout agent collaborant à un service public. Il n'est pas question ici d'inciter le fonctionnaire à la désobéissance envers son supérieur, ni moins envers les pouvoirs publics, mais au-delà même de ce devoir d'impartialité ou de l'indépendance ,l'on peut admettre qu'un minimum de loyauté à l'égard des pouvoir publics puisse lui être exigé car les pouvoirs publics existent en effet pour satisfaire les intérêts du pouvoir politique, mais aussi des administrés ou usagers à l'égard desquels les fonctionnaires doivent faire preuve d'une stricte impartialité.

La neutralité des services publics qui implique celle des fonctionnaires fonde l'obligation de réserve c'est-à-dire celle de retenue, de démarcation dans l'expression d'opinion de toute nature. Cette obligation se résume comme suit :

? L'obligation de réserve dans l'exercice des fonctions

Reserve dans l'expression des opinions et dans le comportement général

Lorsque l'exercice de la liberté d'opinions ne se traduit plus seulement par une adhésion intellectuelle mais s'extériorise sous la forme d'attitudes, agissements, expressions verbales ou matérielles, cette liberté d'expression trouve des frontières. Elle devient dangereuse pour la survie de l'administration et de la carrière de l'agent

La neutralité interdit à tout fonctionnaire de faire de sa fonction l'instrument d'une propagande quelconque, ni moins de pratiquer ce qu'il convient d'appeler culte de personnalité. La réserve ici s'impose dans le comportement général dans ce sens qu'elle impose aux fonctionnaires le devoir de faire preuve de discrétion ; les agents de l'Etat en tant que fonctionnaire ont un devoir de loyauté et non du loyalisme à l'égard du gouvernement.83

82 A. De LAUBADERE et Alli, Traité de droit administratif, Tome 1, 9e Ed, Paris, LGDJ, 1992, p.119

83S. SERGE et J-Ch. SAVIGNAC, Notions essentielles de la fonction publique, Ed SIREY, 1985. Pp 242-243.

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? Reserve en dehors du service

Reserve dans l'expression des opinions et dans le comportement général

En dehors du service, la liberté d'expression qui constitue un principe. L'appartenance, même militante à une obédience politique, l'action écrite ou verbale font, par exemple partie de cette liberté. Celle-ci connait cependant une limitation qui consiste dans un certain devoir de réserve minimum.84 Pour les plus hauts fonctionnaires, l'obligation de réserve est interprétée de façon stricte.

L'obligation de réserve en dehors du service empêche également au fonctionnaire de ne se livrer à des propos qui entraveraient le fonctionnement du service et violeraient le secret professionnel, il doit alors observer un comportement empreint de dignité. Donc même dans sa vie privée, le fonctionnaire ne doit pas donner à l'expression de ses opinions une forme grossière ou insultante à l'égard des pouvoirs publics et de ses chefs hiérarchiques.85

La neutralité trouve aussi une illustration particulièrement typique en matière de liberté de conscience. L'obligation de neutralité dans le service public s'y trouve renforcée et précisée. Elle dégage l'établissement d'une distance permettant de garantir l'égalité de tous dans leur liberté de croire ou de ne pas croire. C'est la naissance même de la laïcité au sein des institutions étatiques.

Certes, la laïcité prend ses sources en droit français qui ne reconnait plus aucun culte comme faisant partie intégrante des institutions de la république. Sous l'Ancien régime, Etat et Religion gallicane tel que conçu par Louis XIV sont totalement imbriqués. Le monarque de droit divin est le chef de l'Etat et le chef de l'Eglise. L'organisation de la société traditionnelle est fondée sur la primauté du spirituel par rapport au temporel, telle que le concevait Saint Augustin dans « La cité de Dieu ».

Le clergé constitue le 1er des trois ordres et sa puissance économique et son influence sur la vie de la société sont considérables : l'Eglise assure la tenue de l'état civil, elle contrôle l'enseignement, elle assure les soins hospitaliers, et le Blasphème est interdit (le chevalier de la Barre payera de sa vie la transgression de cet interdit en 1766). En remettant en cause cet ordre ancien multiséculaire, la Révolution de 1789 marque une rupture fondamentale et constitue le point de départ du processus de laïcisation de la société française. C'est avec la Révolution qu'apparaît, dans la suite logique du mouvement des Lumières, l'idée d'un Etat laïque, indépendant de toute religion où l'Etat est neutre vis-à-vis de tous les cultes.

En instaurant la laïcité comme principe régissant l'administration publique, la France a voulu par-là effacer officiellement toute distinction entre les anciens cultes (le culte catholique, les deux principales églises protestantes, et le culte israélite) et les autres. Tous sont sur le même pied.86

84A. De LAUBADEREet Alli, Op.cit., p. 120.

85S. SERGE et J-Ch. SAVIGNAC, Op.cit., p 244.

86 R. CABRILLAC et Alli, « Libertés et droits fondamentaux », 5e Ed, Paris, Dalloz, 1999, pp 285286

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La laïcisation de la société qui en est issue comme réaction au cléricalisme ; l'urgente nécessité de résister à l'indifférence, au naturalisme et surtout à un laïcisme totalitaire et anticlérical (libéral dans ses conceptions, mais agressif vis-à-vis de l'Eglise et de toute forme religieuse) ont produit des très grands bouleversements dans la quotidienneté de la République française.87Cette non-reconnaissance du culte n'est pas totalement une attitude d'hostilité ou de méfiance. Elle implique que le fait religieux, contrairement aux solutions concordataires, cesse d'être un fait public et cela va dégager deux conséquences suivantes :

Premièrement la laïcisation de l'Etat a conduit à la reconnaissance officielle de la liberté religieuse. La laïcisation de l'état, la liberté religieuse s'accordent d'une importance capitale, déjà la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 dans son article 10 proclame la liberté religieuse« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi ».88 Une disposition qui sera plus tard soutenue par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.89Cette reconnaissance va permettre à ce que dans les législations sociales, le droit d'exprimer sa religion ou de la pratiquer sans inquiétude devienne plus concret. Malgré que certaines violations persistent dans beaucoup d'Etats.

Deuxièmement, elle reconnait officiellement le pluralisme religieux, celui-ci fait allusion à une situation où l'Etat permet à tout individu non seulement de pratiquer sa religion en privé qu'en public, mais aussi lui assure la possibilité de créer des églises. Ce pluralisme est à la fois négatif et positif.90

Il est négatif du fait que la république qui admet toutes les manifestations divers de la pensée, qui ne rejette aucune idéologie, qui les accueille toutes, ne saurait en choisir une dont elle se ferait officiellement le champion et dont elle s'instituerait la propagandiste. Et de l'autre côté il est alors positif du fait qu'elle implique l'engagement de l'état d'assurer pratiquement, à chacun, dans sa quotidienneté vécue, le libre exercice de sa religion. C.-à-d., de mettre à sa disposition, si la nécessité l'impose les moyens lui permettant d'en observer les règles.

En outre, le principe de laïcité, appliqué aux services publics emporte deux exigences : d'un côté la neutralité du service public, mais aussi le respect de la liberté de conscience des agents et des usagers du service public. La non-confessionnalité de l'Etat met les citoyens, c'est-à-dire, les fonctionnaires et les usagers de service public sont placés sur un angle d'égalité morale rigoureuse en face de l'Etat du fait que celui-ci entend ne professer aucune

87 Commission Pontificale Justice et Paix, l'Eglise et les Droits de l'Homme. Sommet du travail N°1, 2e éd, Ed Cité de Vatican, 2011, p. 14.

88 Article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen proclamée en France le 26 août 1789.

89 Article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dispose que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ».

90 R. CABRILLAC et Alli, Op.cit. p.286.

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foi au nom de la nation. Cette volonté de l'Etat de ne pas reconnaitre du spirituel est de ce fait, une garantie de liberté pour divers confessions religieuses.

Le devoir de neutralité implique prioritairement l'État, ses institutions et ses représentants, et plus rarement les citoyens. Autrement dit, la laïcité s'applique aux seuls agents de la fonction publique du fait que si les fonctions publiques sont investies d'un devoir de neutralité, les citoyens et usagers des services publics sont libres d'exprimer leurs convictions religieuses ou non religieuses, sauf si cela contrevient à l'ordre public.91 La laïcité devient ainsi une obligation qui contraint l'administration et tout personnelle et une exception aux usagers et citoyens pour accéder aux services publics.

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