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L’harmonisation des systèmes fiscaux des états membres par la cour de justice de l’union européenne.par Dylan Viry Université de Lorraine - Master II Procédures et fiscalité appliquée 2019 |
II - Le pouvoir de contrainte des décisions prises à la suite d'un recours en manquementEn matière fiscale, le pouvoir de contraintes des décisions prises à la suite d'un recours en manquement est couvert par l'autorité absolue de chose jugée (A) auxquels de nombreux États peuvent tenter, en vain, de résister (B). A - L'autorité absolue de chose jugée des décisions prises à la suite d'un recours en manquement« Le recours en manquement est une procédure juridictionnelle par laquelle la Cour de justice de l'Union européenne contrôle le respect par les États membres des obligations qui leur incombent en vertu du droit européen » 79. Le recours en manquement peut être qualifié de deux manières. Dans le premier cas, il est intentionnel, dans le second, il résulte d'une négligence. « Le manquement doit être imputable à l'État »80 . Cette notion est à entendre de manière extensive, car elle concerne l'État central ainsi que ses entités infra-étatiques telles que les collectivités locales autonomes ou indépendantes. La seule exemption pouvant être invoquée contre un recours en manquement est la force majeure. Toutefois, elle n'est interprétée que strictement par les juges. Dans le cas d'un recours en manquement, la Commission met en demeure l'État en cause à régler le problème du litige et lui octroie un délai dans lequel l'État doit s'engager pour résoudre le manquement. Dans l'hypothèse selon laquelle l'État n'applique pas les demandes de la Commission, cette dernière adresse un avis motivé en droit et en fait sur la constatation du manquement en prévoyant « un délai raisonnable pour permettre à l'État d'adapter son droit ou préparer sa défense »81 . A l'expiration du délai, la Commission a ensuite l'opportunité de poursuivre l'État devant la Cour. 79 Fiche d'orientation - Recours en manquement (Droit de l'Union européenne) - Septembre 2018 Dalloz 80 Ibid79 81 Ibid79 30/101 « La constatation du manquement est purement déclaratoire. La Cour de justice ne peut ni annuler, ni abroger les mesures nationales. Il appartient alors aux autorités nationales de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de l'arrêt en manquement »82 au sens du principe d'autonomie procédurale et institutionnelle. « L'article 260 du TFUE permet seulement à la Cour de justice d'infliger à l'État membre récalcitrant des sanctions pécuniaires sous la forme d'une somme forfaitaire et/ou d'une astreinte »83. En conséquence, la Cour semble en théorie disposer d'un pouvoir de contrainte plutôt limité. Or la pratique de la jurisprudence de la Cour a bien souvent l'effet inverse. A titre d'illustration, la Cour a jugé pour « la première fois84 » qu'une cour nationale aurait dû la saisir afin d'empêcher une décision juridictionnelle risquant d'interpréter de manière erroné le droit de l'Union. En l'espèce, le Conseil d'État imposait dans une jurisprudence constante des restrictions relatives au remboursement de l'impôt indûment recouvré sur le précompte mobilier85. En conséquence, dans un arrêt Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique contre Accor SA86, la Cour a censuré cette jurisprudence française non-conforme au droit de l'Union. Toutefois, le Conseil d'État continua à adopter la même position, à la suite de l'arrêt rendu à la suite d'un recours préjudiciel. La Commission se saisit ainsi du dossier et enjoint l'État français à changer sa jurisprudence. Le changement demandé n'ayant pas eu lieu, la Commission introduit en conséquence un recours en manquement devant la Cour de Justice. En effet, dès lors que le Conseil d'État a omis de procéder à cette saisine, alors même que l'application correcte du droit de l'Union dans ses arrêts ne s'imposait pas avec une telle 82 Ibid79 83 Ibid79 84 CJUE, 4 octobre 2018, Commission contre France, n° C-310/09 http://www.etudes-fiscales-internationales.com/action-en-manquement/ 85 « Le précompte mobilier est une somme prélevée sur un revenu mobilier. Le précompte est en tout ou partie libératoire de l'impôt pour la personne qui le supporte. En France, le précompte mobilier s'est ainsi appliqué aux sociétés qui distribuaient des dividendes et qui n'avaient pas supportés l'impôt au taux plein au cours des 5 exercices précédents la distribution de ces revenus. » https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/precompte-mobilier 86 CJUE, 15 septembre 2011, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique contre Accor SA, C-310/09 31/101 évidence, qu'elle ne laissait pas place à aucun doute raisonnable, le manquement est établi. La question dont aurait dû être saisi la Cour concernait le fait de savoir « s'il y avait lieu de refuser de prendre en compte l'imposition subie par une filiale non-résidente sur les bénéfices sous-jacents à des dividendes redistribués par une société non-résidente »87 . Dans l'arrêt rendu à la suite du recours en manquement, la Cour somme la France de mettre fin au traitement discriminatoire. Le Conseil d'État aurait dû considérer l'absence de double imposition sur les distributions de dividendes des sous-filiales. Cette interprétation extensive sur le fond du litige impose le changement jurisprudentiel et législatif sous astreinte. Ainsi, si les arrêts rendus à la suite de recours en manquement font preuve d'une force juridique et symbolique toute particulière, certains États effectuent parfois des actes de résistance à l'encontre de telles décisions. |
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