L’harmonisation des systèmes fiscaux des états membres par la cour de justice de l’union européenne.par Dylan Viry Université de Lorraine - Master II Procédures et fiscalité appliquée 2019 |
B - La mutation de l'ordre juridique nationale : objet d'un consensus imposé par la CourLa mutation de l'ordre juridique nationale est tout d'abord l'objet d'un consensus. Ce consensus tient pour origine le processus législatif européen. Qu'il s'agisse des traités issus de l'accord unanime entre les exécutifs et les législateurs des États membres, ou des actes législatifs de l'Union74 pris par les instances européennes démocratiquement élues par les peuples des États membres75. En effet, depuis 1979, le Parlement européen est élu au suffrage universel76. Chaque institution législative de l'Union dispose d'une légitimité qui lui est propre, fondée tant sur le citoyen européen que national. A l'inverse la Cour de Justice ne dispose pas de cette légitimité. A ce titre, « la Cour de justice est composée de 28 juges et de 11 avocats généraux. Les juges et les avocats généraux sont désignés d'un commun accord par les gouvernements des États membres, après consultation d'un comité chargé de donner un avis sur l'adéquation des candidats proposés à l'exercice des fonctions en cause. Leur mandat est de six ans, renouvelable. Ils sont choisis parmi des personnalités offrant toutes les garanties d'indépendance et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leur pays respectif, des plus hautes fonctions juridictionnelles ou qui possèdent des compétences notoires »77 . 74 Règlement, directive, décision, recommandation, avis, acte délégué et acte d'exécution. 75 Conseil de l'Union européenne et Parlement euopéen 76 « La décision et l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct ont été signés à Bruxelles le 20 septembre 1976. Après ratification par tous les États membres, l'acte est entré en vigueur en juillet 1978 et les premières élections ont eu lieu du 7 au 10 juin 1979. » http://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/11/le-parlement-europeen-contexte-historique 77 Cour de Justice - Présentation https://curia.europa.eu/jcms/jcms/Jo2_7024/fr/ 28/101 Ainsi, contrairement au législateur européen, la Cour ne dispose d'aucune légitimité démocratique. Elle n'est, par essence, ni élue ni représentative de l'intérêt et de l'action politique des États membres. Au contraire, la Cour dispose d'une légitimité judiciaire. Elle est indépendante de toute considération nationale et ne doit pas tirer son pouvoir du peuple, sans quoi elle ne pourrait plus représenter l'intérêt européen. Elle est le bras armé de l'Union, celle par laquelle les actes législatifs sont appliqués avec effectivité. Elle est l'institution qui contourne les entraves nationales et les réprime. La Cour est le garant de l'effet utile du droit de l'Union. Cet effet utile du droit de l'Union est permis par les grands principes définis précédemment. Le législateur européen est l'initiateur de l'acte issu du consensus78, représentatifs d'un accord des peuples européens. Les juges de Luxembourg, eux, imposent le consensus aux États membres qui laissent ou font naître des réglementations ou des législations nationales non-conformes au droit de l'Union. La notion de conformité est, de surcroît, employée dans un sens strict par rapport à une autre notion, celle de la compatibilité. A titre d'exemple, une chose peut être compatible à une autre, à défaut d'être conforme. La Cour exige une conformité avec le droit de l'Union. Sa jurisprudence est donc le véritable ciment de la législation européenne. Le consensus est imposé à travers ce besoin de conformité et le but d'atteindre cet effet utile du droit de l'Union, si cher aux fédéralistes. La fiscalité n'aurait ainsi pu être modifiée avec autant d'aisance. Cette branche du droit hautement inflammable dans son sujet appartient encore de manière pleine et entière aux États, enfin en principe. En pratique, la Cour de Justice a trouvé des moyens détournés pour se mêler de la fiscalité qu'il s'agisse de l'utilisation des textes de droit primaire pour réprimer les atteintes aux grandes libertés ou de l'incursion rapide de sa jurisprudence pour suppléer les directives fiscales. L'imposition d'un tel consensus peut être également visible à travers la force contraignante des décisions prises à la suite d'un recours en manquement. 78 Qu'il soit unanime comme pour les traités de droit primaire ou adopté à la majorité qualifiée selon la procédure législative ordinaire 29/101 |
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