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L’harmonisation des systèmes fiscaux des états membres par la cour de justice de l’union européenne.


par Dylan Viry
Université de Lorraine - Master II Procédures et fiscalité appliquée 2019
  

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Conclusion

Si les législations fiscales des États membres de l'Union ne sont pas totalement harmonisées, la Cour de Justice oeuvre, dans ce sens, à travers de nombreuses décisions clés. Servant, dans la plupart de ses arrêts, un objectif d'intégration, la Cour opère cependant de manière progressive. En effet, si les législations nationales se sont conformées progressivement au droit de l'Union en matière de fiscalité indirecte, il se développe, en parallèle, une maturation de l'harmonisation de la fiscalité directe tant du côté du législateur de l'Union qu'à travers la jurisprudence prétorienne et téléologique de la Cour.

Par conséquent, en matière de fiscalité indirecte et dans le cadre des directives relative à la fiscalité directe des entreprise, la Cour procède davantage à des précisions ou à des explications et interprétations des textes européens. Sa jurisprudence abondante en matière de TVA et d'imposition des revenus de capitaux mobiliers est, en ce sens, un renfort accordé au législateur européen et un moyen d'appliquer ce « droit fiscal européen » dans l'ordre juridique national. A l'inverse, en matière de fiscalité directe, il reste pour la Cour un vaste chantier en construction.

En, effet, la législation de l'Union est beaucoup moins régulatrice en matière de fiscalité directe, de tel sorte qu'il pourrait être observer, de prime abord, que ladite fiscalité directe est par principe de la compétence exclusive des États membres. Toutefois, ce n'était pas sans compter sur la jurisprudence de la Cour qui, au travers des décisions, apporta un peu plus de mouvance à cet environnement statique. Ainsi, contribuant par « petites touches » et précisant son interprétation des textes de droit primaire, la Cour devint progressivement actrice de l'harmonisation de la fiscalité directe. La Cour effectuait alors ce que la doctrine a théorisé avec l'expression « harmonisation négative ». C'est d'ailleurs cette même « harmonisation négative » de la fiscalité directe qui a été exprimé de manière abondante, tant en quantité qu'en qualité, ces trente dernières années.

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En conséquence, ce travail d'harmonisation infléchit inéluctablement la souveraineté des États en matière fiscale. Cependant, la Cour n'exerce pas une harmonisation à travers une jurisprudence fondée ex-nihilo. Au contraire, en raison des principes de légalité et de sécurité juridique auxquels elle se se soumet, cette dernière utilise toujours une base légale dans son raisonnement. En effet, qu'il s'agisse de fiscalité directe ou indirecte, l'harmonisation négative apparaît, notamment, pour protéger les grandes libertés promues par l'Union européenne.

Cet argument permet ainsi d'éviter toute entrave ou discrimination à ces grandes libertés. De surcroît, cette protection garantie un système économique européen au sein duquel les investisseurs, et plus largement les contribuables, doivent avoir confiance. En effet, cette confiance « verticale » des contribuables envers le système fiscal des États membres est garantie par l'inspection et le contrôle de plus en plus renforcée de la Commission européenne notamment en matière d'aide d'État.

De plus, pour appuyer son raisonnement, la Cour peut avoir recours aux principes généraux du droit de l'Union. Elle justifie de la sorte sa décision et exprime, dans le même temps, son point de vue sur l'application d'une législation nationales. De la primauté du droit de l'Union à l'effet utile dudit droit, le juge, tant national qu'européen, se doit de prendre en considération de tels principes dans la motivation sa décision. Et si les frondes juridictionnelles et législatives peuvent exister, la Commission comme la Cour veillent à ce que les sanction juridiques, politiques ou financières soient effectives.

L'harmonisation fiscale s'observe également à travers son objectif de lutte contre la fraude fiscale. En effet, face à des fraudeurs toujours plus ingénieux et des montages plus complexes, la Cour livre avec les États membres une véritable bataille contre le fléau de la fraude fiscale issue de la concurrence fiscale entre les États. « A ce titre, la concurrence fiscale peut notamment déboucher sur une remise en cause de la souveraineté nationale, si chaque État doit continuellement réagir aux changements intervenant ailleurs afin de rester compétitif dans cette course au « moins-disant fiscal293 ».

293 Politique fiscale communautaire, Encadrement politique des sources juridiques, Méthode d'intégration envisageable, §1 Concurrence fiscale

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Toutefois, l'action d'harmonisation de la Cour n'est pas achevée et de nombreux pans de la fiscalité directe comme l'impôt sur le bénéfices des sociétés mériteraient une harmonisation de la part du législateur européen. Bien que la Cour puisse agir parfois ultra petita lorsqu'elle reformule certaines questions préjudicielles des juges nationaux, son expertise demeure cantonnée à des problématiques précises. Ce rôle doit rester tel qu'il est afin de ne pas tomber dans les écarts d'un gouvernement des juges, qui pourrait, à bon droit, susciter de nombreuses critiques, ne serait-ce qu'en matière de légitimité.

Ainsi, si la Cour de Justice est limitée dans son action par le Parlement et le Conseil de l'Union européenne. Ces institutions sont soumises à des aléa politiques empêchant une intégration pleine et entière. La Cour se retrouve ainsi en binôme avec la Commission afin de défendre et préserver les intérêts politiques et économiques de l'Union sans lesquels elle cesserait d'être cette organisation internationale sui generi que nous connaissons.

Ce statut est toutefois ambigu. En effet, l'Union européenne est une institution à cheval entre la confédération et la fédération. Cette qualification, si elle semble satisfaisante pour certains États membres, demeure fragile comme l'a récemment démontré la sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni. Si une uniformisation des législations fiscales semble utopique dans sa mise en oeuvre comme dans son application, l'encadrement des législations fiscales européennes est privilégié par l'Union. En effet, l'harmonisation décrite laisserait la liberté aux États membres d'élaborer des normes circonscrites dans un cadre défini par le législateur ou la Cour, et qui tiendra, bien entendu, des circonstances locales particulières de chaque États.

Cependant, « l'alternative de l'harmonisation ne constitue pas la panacée non plus. La souveraineté fiscale reste la dernière parcelle de souveraineté nationale au sein de l'Union, et, à choisir, les États membres préféreront sans doute perdre une partie de cette souveraineté en raison de la concurrence fiscale interétatique à laquelle ils participent, que du fait fait de l'harmonisation d'en haut dont ils ne sont que les spectateurs. Il ne faut pas oublier non plus l'enracinement du droit de prélever l'impôt dans l'idée du consentement à l'impôt par la Nation représentée par son Parlement. Rien de tel dans l'harmonisation communautaire issue des technocrates de Bruxelles. Le déficit

démocratique présidant à l'élaboration des textes communautaires constitue une faiblesse irrémédiable et ne manque pas de rappeler la fameuse expression de James Ottis « l'imposition sans représentation est de la tyrannie ». L'on peut se demander également si le fait de fermer la porte à la concurrence fiscale n'est pas synonyme de fermer la porte à la découverte. Cela pourrait être la fin de l'esprit d'entreprise. Si nous ne préservons pas la liberté, nous nous engageons sur la route de la servitude dont parlait Friedrich von Hayek »294. En ce sens, comme tenait à le rappeler Benjamin Franklin « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux ».

Toutefois, à l'heure actuelle, l'Union n'est pas parvenue à gommer les disparités nationales, et ne sera une communauté économique aboutie, que lorsqu'il existera une harmonisation fiscale intégrale. L'Union européenne n'est pas une organisation internationale classique. Elle est le fruit de convergences historiques, politiques et économiques, constituant une communauté sui generi dont la volonté de son organe juridictionnelle semble parfois tendre, et cela de manière insidieuse, à la réalisation du doux rêve de ses pères fondateurs : les États Unis d'Europe.

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294 Ibid294

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