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L’harmonisation des systèmes fiscaux des états membres par la cour de justice de l’union européenne.par Dylan Viry Université de Lorraine - Master II Procédures et fiscalité appliquée 2019 |
B - Les apports jurisprudentiels respectivement maigre et créatif en matière de règles anti-hybride et d'« exit tax »Les hybrides se définissent comme étant « instruments dont le régime fiscal est différent dans les pays concernés, étant le plus souvent considérés comme titres de dette dans un pays et comme titres de participation dans un autre »275. Il peut également s'agir d'une société considérée comme fiscalement transparente dans un État mais observée comme fiscalement opaque dans un autre État. En conséquence, l'hybridité des flux ou des sociétés est un problème de taille au sein de l'Union car elle implique parfois une double déduction ou une double imposition des flux monétaires transmis entre sociétés liées. A cet effet, si la jurisprudence en matière d'hybridité n'est pas florissante276, le terme hybride apparaît quelques fois dans les conclusions des avocats généraux et dans les arrêts de la Cour. En témoigne cet arrêt277 concernant l'hybridité des SCA de droit polonais. Par une interprétation téléologique en faveur du législateur la Cour juge que « le législateur de l'Union a entendu exclure de la notion de «société de capitaux» les structures juridiques à caractère hybride, telles que la SCA, dont seule une partie des parts représentatives du capital ou de l'avoir social est susceptible d'être négociée en Bourse ou dont seule une partie des membres ont le droit de céder sans autorisation préalable leurs parts sociales à des tiers et ne sont responsables des dettes de la société qu'à concurrence de leur participation »278. En conséquence, le juge de l'Union rappelle sur ce point précis qu'« une société en commandite par actions de droit polonais doit être considérée comme une société de capitaux au sens de la directive, quand bien même seule une partie de son capital et de ses membres est susceptible de remplir les conditions prévues par ladite directive »279. L'« exit tax » consiste dans le fait d'imposer les plus-value latente d'une entreprise qui transmet son siège de direction effective à l'étranger, généralement dans un pays tiers. En 275 Plan d'action BEPS, OCDE, action 2 276 Car la directive est suffisamment claire, précise et inconditionnelle 277 CJUE, 22 avril 2015, Drukarnia Multipress sp. z o.o. c/ Minister Finansów, C-357/13 278 Ibid278 279 Ibid278 81/101 effet, au sein de l'Union, le transfert de siège bénéficie de la neutralité fiscale lorsque le siège de la société est transféré dans un État membre. A cet effet, la Cour tient à assurer le libre exercice de cette activité au sein du territoire de l'Union. En effet, dans un arrêt National Grid Indus280, une société de droit néerlandais avait choisis de transférer son siège au Royaume-Uni. En vertu du droit national néerlandais, l'administration fiscale dudit pays a décidé d'imposer la plus-value latente conséquente au transfert. La société s'est défendue en argumentant qu'une telle imposition était contraire au droit de l'Union et en particulier à la liberté d'établissement281. La Cour a dans un premier temps reconnu l'existence d'une restriction à la sortie de la société mais a considéré que la mesure nationale était justifiée au regard de l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. Toutefois, ce sera sur le terrain de la proportionnalité de la justification que la Cour émettra des doutes sur la législation néerlandaise car un recouvrement immédiat de la plus-value issue du transfert de siège peut sembler particulièrement brutale pour les finances de l'entreprise. A ce titre, la Cour choisira de botter en touche offrant la possibilité pour la société de se voir appliquer un report d'imposition ou de payer immédiatement l'imposition exigée auprès de l'administration fiscale néerlandaise. La Cour va toutefois, étoffer sa jurisprudence en se montrant davantage entreprenante dans un arrêt Commission c/ Portugal282. « En l'espèce, une société portugaise qui transfère son siège statutaire ou sa direction effective hors du Portugal est imposée sur ses plus-values latentes. Une société maintenant son siège sur le territoire portugais ne sera imposable que sur les plus-values qu'elle réalise effectivement. L'imposition des plus-values latentes est également prévue en cas de transfert partiel ou total des actifs d'un établissement stable d'une société non-résidente, alors qu'un transfert d'actifs sur le territoire portugais n'entraîne pas une telle conséquence »283. Le principal apport de l'arrêt consiste à « faire entrer expressément au rang des restrictions les impositions à la sortie frappant les transferts d'actifs attachés à un établissement stable. La Cour affirme ici sans détour que sont visés non seulement les 280 CJUE, 29 novembre 2011, National Grid Indus, C-371/10 281 Restriction à la sortie 282 CJUE, 6 septembre 2012, Commission c/ Portugal, C-38/10 283 Michel Aujean, Marie-Pierre Hôo, Transferts d'actifs intracommunautaires et Exit tax, 7 décembre 2012 https://taj-strategie.fr/transferts-dactifs-intracommunautaires-exit-tax/ 82/101 transferts de siège sociaux comme les transferts de siège de direction effective, mais également tout transfert, partiel ou total, des éléments d'actifs affectés à un établissement stable. Comme le relève d'ailleurs l'avocat général, la liberté d'établissement est applicable aux transferts d'activités d'une société d'un État membre vers un autre État membre et cela indépendamment de la question de savoir si la société en question transfère son siège statutaire et sa direction effective ou si elle transfère des actifs d'un établissement stable. La Cour rejoint ici les conclusions du Conseil de l'union européenne dans sa résolution 2008/C323/01 du 2 décembre 2008 »284. Toutefois, il est dommageable que la Cour n'ait pas apporté de précision relative aux sociétés de capitaux fiscalement opaque. Les hésitations jurisprudentielles de l'arrêt National Grid Indus demeure en conséquence d'actualité, sauf si la Cour généralisait à demi-mot l'application des principes énoncés dans l'arrêt Commission c/ Portugal aux systèmes d'« exit tax » des États membres concernant le transfert de société d'un État membre à un autre État membre. La Cour bien qu'opérant en faveur de la lutte contre la fraude fiscale en maintenant en équilibre cette balance fragile de la liberté et de la restriction, apporte également sa vision d'harmonisation concernant la coopération entre États membres. |
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