B - L'effet direct et l'applicabilité
immédiate
« L'effet direct du droit de l'Union est un principe
fondamental du droit de l'Union. Il a été consacré par la
Cour de justice des Communautés européennes dans l'arrêt
Van Gend & Loos39 du 5 février 1963
»40. Dans cet arrêt, l'effet direct du droit de
l'Union se caractérise comme le fait de « conférer des
droits individuels que les juridictions nationales doivent sauvegarder
». « Les particuliers peuvent se prévaloir de ces
droits et invoquer directement des normes européennes devant les
juridictions nationales et européennes »41
.
En principe, l'effet direct peut s'observer sous deux
perspectives. La première constitue l'effet direct vertical. Il s'agit
d'un effet direct qui impacte les particuliers dans leur relation avec
l'État. A l'inverse, il existe un effet direct horizontal qui impactera
les relations des particuliers entre eux42.
L'effet direct est qualifié de partiel lorsqu'il s'agit
d'effet direct vertical. A contrario, il est qualifié de complet ou
total lorsqu'il joint la dimension verticale et la dimension
horizontale43.
Ainsi, l'effet direct vertical et partiel consiste en une
norme qui confère des droits aux particuliers dont ils peuvent se
prévaloir à l'encontre de leur État tandis que l'effet
direct
38 La fiscalité
39 CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos c/
Administration fiscale néerlandaise, 26/62
40 Effet direct du droit de l'Union européenne - Octobre
2018, Fiche d'orientation, Dalloz
41 Ibid40
42 Ibid40
43 Ibid40
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complet, à savoir tant horizontal que vertical, vise
à octroyer des droits aux particuliers mais également à
leur imposer des obligations44.
« Pour se voir reconnaître un effet direct, la
disposition de droit européen doit être, du point de vue de son
contenu, inconditionnelle et suffisamment précise ; elle ne doit
être subordonnée à aucune mesure ultérieure
comportant un pouvoir discrétionnaire, soit des organes nationaux, soit
des organes européens »45.
En droit de l'Union, la notion d'effet direct est essentielle
et utilisée quasiment depuis la création du droit communautaire.
Ce concept joue toutefois de pair avec l'applicabilité immédiate
du droit de l'Union dans les ordres juridiques internes. Cette
applicabilité immédiate doit s'entendre comme le fait pour une
norme du droit de l'Union de s'insérer sans besoin de transposition ou
de nationalisation. Elle doit s'interpréter en ce sens comme jouant en
faveur d'un système moniste46.
Toutefois, au sens de la doctrine47,
l'applicabilité immédiate est à distinguer clairement de
l'effet direct. En effet, l'applicabilité immédiate intervient en
amont de l'effet direct. Il est logique à penser que la norme doit
être appliquée dans l'ordre juridique interne avant que de
quelconques droits ou obligations ne naissent dans le chef de l'État ou
des particuliers.
Le juge communautaire a en conséquence
opéré un travail tout particulier dans l'intégration des
normes communautaires au sein des systèmes juridiques nationaux. Un
véritable tour de force jurisprudentiel, prétorien, qui a permis
l'intégration croissante du droit de l'Union. Depuis le
célèbre arrêt Simmenthal48 qui promeut
notamment ces grands principes, les décisions suivantes de la Cour n'ont
fait que confirmer et affirmer cette position. Imposant, entre autres, les
principes de primauté et d'applicabilité immédiate au juge
national ; faisant ainsi de lui le juge de droit commun du droit de l'Union.
Dans l'arrêt
44 Obligations qui n'étaient à la charge que de
l'État dans le cadre de l'effet direct partiel
45 Ibid40
CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, 41/74
46 A la différence du sytème dualiste qui impose
une ratification de la norme puis une nationalisation de cette dernière
par le législateur de l'État concerné
Henri Chavrier, Droit de l'Union et des Communautés
européennes et contentieux administratif - Primauté et effet
direct du droit communautaire - Mars 2005 (actualisation : Octobre 2014)
47 Ibid46
48 CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77
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précité, le « très grand
pragmatisme » du juge sera à l'honneur en considérant
que ce dernier « ne doit pas appliquer la norme nationale contraire,
sans développer les conséquences pour l'ordonnancement juridique
interne de cette inapplicabilité »49 .
« L'enracinement des compétences du juge
national est en effet passé par certaines adaptations qui rendent
nécessaire de prendre la mesure des incidences de la primauté sur
l'applicabilité immédiate du droit de l'Union. Plus encore, il ne
fait guère de doute que le juge est allé au-delà de cette
simple réaffirmation et s'est attaché à en tirer de
nouvelles conséquences. Aussi bien l'« émancipation du juge
interne au regard du droit national, par l'auto-appropriation de sa part de
certains pouvoirs50 » qui résulte de l'arrêt
Simmenthal, est poussée plus avant. On note ainsi un nombre significatif
de solutions qui ont en définitive pour effet d'affaiblir
l'autorité des juridictions supérieures, de sorte qu'il semble
important d'évaluer les conséquences nouvelles de la
primauté sur la hiérarchie juridictionnelle
interne51 ».
La hiérarchie juridictionnelle nationale est
bousculée par le droit de l'Union. Ce sont ces grands principes qui,
comme la primauté, l'effet direct ou encore l'applicabilité
immédiate bouleversent les frontières du droit et de la
fiscalité. L'ordre juridique des États membres est en pleine
rénovation dont le plus fervent artisan se caractérise par une
jurisprudence constructive qui n'en était pas à ses premiers
coups d'éclat. La plupart des domaines du droit sont concernés et
particulièrement la fiscalité52. Ces principes
fondamentaux sont les marqueurs originels d'une jurisprudence constamment
évolutive par l'édiction de nouveaux principes
généraux applicables en matière fiscale.
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