Partie I - Une harmonisation jurisprudentielle mouvante
et flexible au détriment de la souveraineté des États
membres
L'harmonisation négative effectuée par la Cour
de Justice est le fruit d'une jurisprudence mouvante et flexible : en un mot
prétorienne (Chapitre I). Cette jurisprudence, en constante
évolution avec son temps et les problématiques de son
époque, est symptomatique, portant inéluctablement atteinte
à la compétence et, a fortiori, à la
souveraineté fiscale des États membres (Chapitre II).
Chapitre I - La jurisprudence de la Cour,
créatrice d'un droit de l'Union prétorien
La jurisprudence de la Cour de Justice est créatrice
d'un droit prétorien. Ce droit prétorien de l'Union s'observe
principalement à travers l'édiction de nombreux principes
généraux du droit de l'Union (Section I). En ce sens, ce
caractère évolutif de la jurisprudence fragilise
inéluctablement la souveraineté fiscale des États membres
(Section II).
Section I - Un droit prétorien à travers
l'édiction de principes généraux du droit de l'Union
Ce droit prétorien de l'Union s'analyse par le biais
d'une jurisprudence novatrice construite autour du triptyque de la
primauté, de l'effet direct et de l'application immédiate du
droit de l'Union (I) et d'autres principes généraux du droit
à l'apport non négligeable (II).
18/101
I - Une jurisprudence novatrice construite autour du
triptyque de la primauté, de l'effet direct et de l'application
immédiate du droit de l'Union
La jurisprudence de l'Union peut être qualifiée
de novatrice, car elle a édicté sous couvert des traités
originels des notions uniques comme la primauté (A), l'effet direct et
de l'application immédiate du droit de l'Union (B).
A - La reconnaissance de la primauté du droit de
l'Union
La primauté consiste dans le fait de faire primer une
norme de l'Union sur une norme nationale35. L'arrêt Costa
contre ENEL est ele précurseur de la notion de primauté du
droit communautaire sur les normes internes. Se superpose en
conséquence, un ordre juridique de l'Union sur l'ordre juridique
national. De plus, la norme communautaire prévaut toujours en cas de
conflit avec une norme constitutionnelle36. Toutefois, une telle
conception intégrante de l'ordre juridique de l'Union dans l'ordre
juridique interne n'a pas été d'emblée acceptée par
les États, encore moins par certaines juridictions nationales telles que
le Conseil d'État en France37 . En effet, dans un arrêt
Sarran et Levacher, les juges du Palais-Royal ont affirmé leur
attachement à la norme constitutionnelle, indétrônable
selon eux par quelque norme que ce soit. En revanche, la seule limite
posée par le juge de l'Union au principe de primauté se situe
à l'alinéa 2 de l'article 4 du traité de Lisbonne qui
prévoit la garantie de « l'identité nationale des
États membres, inhérente à leurs structures fondamentales,
politiques et constitutionnelles ».
Toutefois, outre cette rare exception au principe, la
primauté du droit de l'Union est fondatrice, elle est la sève
même de l'objectif d'intégration poursuivi par l'organisation
européenne. Sans primauté, il n'existerait pas de droit aussi
intégré, et l'Union se résumerait à une
organisation de coopération classique. La primauté permet
l'application effective, rend utiles les normes européennes en leur
conférant une force dépassant la logique nationale. En
matière fiscale bien entendu, le principe de primauté est ô
combien nécessaire pour permettre à la Cour d'effectuer une
harmonisation des systèmes fiscaux
35 CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre ENEL, 6/64
36 CJCE, 11 décembre 1970, Internationale
Handelgesellchaft, 11-70
37 CE, Assemblée, 30 oct. 1998, Sarran et
Levacher, n°200286
19/101
des États membres, bien que cette harmonisation
négative se fasse par touche jurisprudentielle successive.
C'est à travers le principe de primauté du droit
de l'Union mais également en raison des principes d'effet direct et
d'applicabilité que la Cour peut émettre des décisions
contraignantes pour les États membres dans un domaine38 qui
relève de la compétence exclusive des États. Mais pour
implémenter durablement le droit de l'Union, le principe de
primauté ne peut fonctionner que lorsqu'il est combiné avec les
principes d'effet direct et d'applicabilité immédiate.
|